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Dans les villes grises / In the grey cities - Page 3

  • Vieillotte et familière / Old-fashioned and familiar

    FRANÇAIS

    Je visite avec L. une vieille maison, à la décoration très vieillotte (panneaux de bois sur les murs, etc). Nous sommes là pour décider qui dormira où , dans le cadre d'un groupe – d'amis, ou de touristes, ou d'écoliers, je ne sais pas. Certaines pièces sont entièrement vides, ou décorés d'une façon que je trouve banale, triste, mais je découvre une chambre à la décoration également vieillotte et familière, ressemblant à celle de ma grand-mère, peut-être, et décide de m'y installer. Ensuite L. et moi sommes au  lit, pour la nuit, sous la couette, nous discutons à voix basse, d'une manière tendre, complice, et ma main se promène sous son haut de pyjama, caresse ses seins.

    ENGLISH

    I’m visiting an old house with L., its decor very dated – wooden panels on the walls, and such. We’re there to decide who will sleep where, part of a group – friends, tourists, or schoolkids, I’m not sure. Some rooms are completely empty or decorated in a way I find plain, sad even. But then I discover a bedroom with a similarly old-fashioned, familiar feel – like my grandmother’s maybe – and decide to settle there.

    Later, L. and I lie in bed under the covers, speaking quietly, tenderly, sharing a secret closeness. My hand wanders beneath her pajama top, gently caressing her breasts.

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  • Le cimetière du Sud

    https://parmontsetparforts.fr/2025/02/27/cimetiere-sud

    Quelques vieilles photos personnelles au passage :

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  • Pink plaisir

    FRANÇAIS

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    Pink Plaisir. Vagues souvenirs sales, excitants, émouvants, comiques, grotesques, de débauche avec Florence. Ou de tractage dans les sex shop avec Sandra, Maxime, France.

    Rue de Saverne, en photographiant de vieilles maisons Art Nouveau, je me fais aborder par une gamine, la vingtaine, au look vaguement goth ou alternatif, qui me demande, tout-à-fait amicalement, avec un véritable intérêt, quelle est ma démarche.

    (Je réaliserai plus tard en refaisant mon trajet sur Google Street View qu'à l'angle du boulevard Lobau et de la rue de Saverne se trouve une vieille maison, rénovée, propre, mais qui il y a 25 ans était délabrée, avec un jardinet de hortensias morts, qui me fascinait, sous l'éclairage jaunâtre et glauque des réverbères, quand Pierre et moi errions dans ces parages)

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    Je débouche avenue de Strasbourg, où je n'avais jamais mis les pieds, et avance au hasard, ne sachant pas où je suis, et heureux de ne pas savoir, jusqu'à achever mon errance devant l'église de Bonsecours. On finit toujours à l'église.

    ENGLISH

    2022-01-06 - Nancy (11).JPG

    Pink Plaisir. Dirty, exciting, moving, comical, grotesque fragments of debauchery with Florence. Or leafleting in sex shops with Sandra, Maxime, and France.

    On Rue de Saverne, while photographing old Art Nouveau houses, I’m approached by a girl – maybe in her twenties, vaguely goth or alternative in style – who, quite amicably and with genuine interest, asks me about my intentions.

    (I would later realize, retracing my steps on Google Street View, that at the corner of Boulevard Lobau and Rue de Saverne stands an old house – now renovated and clean – but 25 years ago it was run-down, with a small garden of dead hydrangeas that fascinated me under the sickly yellow glow of the streetlamps, when Pierre and I used to wander around that area)

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    I emerge onto Avenue de Strasbourg, a place I had never set foot in before, and wander aimlessly, not knowing where I am – and glad not to know – until my wandering ends in front of the Church of Bonsecours. You always end up at a church.

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  • Bistrots fantômes - suite / Phantom bistrots - part two

    FRANÇAIS

    Je n'avais pas pensé depuis bien dix ou quinze ans à ce bistrot qui, dans ma jeunesse, se trouvait à peu près là où se passait mon rêvé de la nuit dernière. Et à vrai dire la dernière fois que j'y ai pensé, c'est moins le bistrot qui m'intéressait qu'une certaine Aline qui accompagnait ce jour-là les quelques camarades avec qui je zonais habituellement. À y repenser, cet après-midi avec elle, dans ce bistrot (un pub irlandais, il me semble ; nous avons en tous cas bu de la Guinness, chose assez rare en ville à l'époque) avait été doublement exceptionnel : c'est la seule fois dans ma vie que j'ai fréquenté cette camarade de classe que je connaissais pourtant bien de vue, et la seule fois que je suis entré dans cet établissement. Il était désert et hanté par un chien absolument gigantesque, un dogue allemand, peut-être. Impossible de retrouver l'endroit exact où il se situait dans la rue Foch, sur Google maps. Ce ne sont qu'enfilades d'immeubles de rapport aux façades austères et anonymes. Aucune trace sur Google. Aucune mention sur les groupes Facebook dédiés à la ville. Peut-être après tout n'a-t-il existé lui aussi qu'un après-midi.

    ENGLISH

    I hadn’t thought about that pub for at least ten or fifteen years – the one that, in my youth, stood roughly where the scene from last night’s dream took place. To be honest, the last time I thought about it, I wasn’t so much interested in the pub itself as in a certain Aline, who that day was accompanying the few friends I usually hung out with.

    Looking back, that afternoon with her, in that pub – an Irish pub, I think; we drank Guinness, which was quite rare in town back then – was doubly exceptional: it was the only time in my life that I spent time with that classmate, whom I actually knew well by sight, and the only time I ever set foot in that place.

    The pub was deserted, haunted by an absolutely enormous dog, probably a Great Dane. I’ve tried to find its exact location on Google Maps, but no luck. The street is just rows of nondescript, austere apartment buildings. No trace on Google. No mention on any Facebook groups dedicated to the town. Maybe, after all, it only existed that one afternoon.

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  • Bistrots fantômes / Phantom bistros

    FRANÇAIS

    Je dois aller suivre une formation, pour mon travail. Elle a lieu dans ma ville natale, vers le lycée technique, mais je réalise ensuite que je me suis trompé et qu'elle a lieu quelque part vers le milieu de la rue Clemenceau ; cela me soulage car j'aurai moins à marcher. J'envisage un instant d'aller dormir chez mes parents, la veille (ils semblent toujours habiter rue Saint-Denis). Mais je me rends compte ensuite que la formation est en fin de journée ; j'aurai donc le temps de faire la route. Ensuite je suis à la formation en elle-même. On doit être dix ou quinze personnes. La formatrice a un look un peu « teufeuse » et un comportement assez sec, désagréable, sans manières. Elle me remballe ou remballe quelqu'un d'autre après une réflexion ou une question parfaitement acceptable. Il me semble qu'on quitte le local (totalement vide) où la formation débute, pour aller nous installer dans un endroit qui ressemble plutôt à un bistrot, assez agréable d'ailleurs – et nous sommes maintenant non plus rue Clemenceau mais plutôt dans sa parallèle, la rue Foch, aux abords de la station service (il y avait d'ailleurs réellement un bistrot où je suis entré une fois avec des gens du collège et il y avait un chien énorme à l'intérieur). Je vois aussi, par les fenêtres, un autre bistrot, situé en face dans la rue – je ne me souvenais pas qu'il y en avait autant dans le quartier mais les deux ont probablement ouvert récemment. Cet autre bistrot que je vois avec une précision étonnante à travers les vitres est encore plus beau, avec un décor à l'ancienne, très boisé, un endroit où se sentir hors du temps, ou dans le bon vieux temps, et se réfugier en même temps que peut-être retrouver une vie sociale. 

    ENGLISH

    I had to attend a training session for work. It was supposed to take place in my hometown, near the technical high school, but then I realized I was mistaken – it was actually somewhere around the middle of Clemenceau Street. That relieved me, since I’d have less walking to do. For a moment, I considered staying the night before at my parents’ place (they still seemed to live on Saint-Denis Street). But then I remembered the training was scheduled late in the day, so I’d have plenty of time to get there.

    Then I was at the training itself. There were about ten or fifteen of us. The trainer looked a bit like a partygoer – edgy and quite blunt, even unpleasant, with no manners. She snapped at me, or at someone else, after perfectly reasonable questions or remarks. It felt like we left the empty room where the session started to settle somewhere more like a café, actually quite pleasant. But now we weren’t on Clemenceau Street anymore – we were on the parallel street, Foch, near the gas station. (There really was a café there, where I once went with some friends from middle school, and it had a huge dog inside.)

    Through the windows, I also saw another café across the street. I hadn’t realized there were so many around, but both places had probably opened recently. That other café, which I could see with surprising clarity through the glass, was even more beautiful – decorated in an old-fashioned, wooden style, a place where you could feel out of time, or transported to the good old days, a refuge and maybe even a way to find a social life again.

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  • Cage d'escalier / Stairwell (2003)

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    Je crois n'avoir jamais vraiment monté entièrement les escaliers de l'immeuble où j'ai vécu pendant mes études – au 1 rue Guerrier de Dumast – et cette information manquante, dans ma vie (qu'y-a-t-il tout en haut ?) me hante encore de temps à autre. Je me souviens avoir entendu un jour du violon provenir des étages supérieurs. Je n'ai jamais croisé aucun voisin autre que ceux qui vivaient sur mon palier - la jolie brume, l'allemand froid, et Émilie.

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  • Souvenirs d'enfance vagues (non-daté) / Vague childhood memories (undated)

    FRANÇAIS

    Une entrée de garage mène à ce qui ressemble à un petit quartier caché. On ose à peine y entrer, pour découvrir des maisons basses et mitoyennes. Des plantes en pot sont disposées devant. Un vieux banc de bois. Un garage envahi par les herbes qui poussent à travers le sol craquelé, inégal. On s'attend à croiser le fantôme d'une grand-mère dont on aurait que des souvenirs d'enfance vagues. Derrière les façades des boulevards, les enseignes des franchises, les dorures et les ornements, c'est toujours la même tristesse ouvrière, les mêmes décors moroses et répétitifs qui se laissent explorer mais ne livrent rien de la vie qu'ils recèlent – ou ont recelée. Rue Keller, je m’arrête longuement devant un rosier qui a poussé le long d'un mur pourri et d'une fenêtre aux volets métalliques rouillés.

    ENGLISH

    A garage entrance leads to what looks like a hidden little neighborhood. One hardly dares to step inside, only to discover low, terraced houses. Potted plants are arranged out front. An old wooden bench. A garage overrun with weeds sprouting through the cracked, uneven ground. You half expect to run into the ghost of a grandmother you only remember vaguely from childhood. Behind the façades of the boulevards, behind the chain store signs, the gilding and ornaments, it’s always the same working-class sadness, the same dreary, repetitive settings – open to exploration, yet revealing nothing of the life they contain – or once contained. On Rue Keller, I stop for a long while in front of a rose bush that has grown along a rotting wall and a window with rusted metal shutters.

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  • Limbes / Limbo

    FRANÇAIS

    J'ai commencé hier soir à scanner les négatifs de P. après avoir terminé les diapos. Impression désagréable, en voyant ces vieilles photos des rues de Nancy, ou de mon appartement ou de celui de P. constamment sous-exposées, ne montrant quasiment que des ombres, de retrouver l'ambiance de ces innombrables rêves où je suis seul dans mon studio, dans un ni-jour-ni-nuit où le temps ne passe pas, où il n'y a rien à faire, personne à voir ; des limbes.

    (ces limbes obscures où rien n'arrive jamais sont-elles une image, exagérée à fins pédagogiques par mon esprit, de mon existence ?)

    ENGLISH

    Last night I started scanning P.'s negatives after finishing the slides. I had the unpleasant impression, seeing these old photos of the streets of Nancy, or of my apartment, or of P.'s apartment, constantly underexposed, showing almost nothing but shadows, of rediscovering the atmosphere of those countless dreams in which I'm alone in my studio, in a ni-day-ni-night where time doesn't pass, where there's nothing to do, no one to see; limbo.

    (Is this dark limbo, where nothing ever happens, a pedagogically exaggerated image of my existence?)

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  • Retourner dans les villes grises / Returning to the grey cities

    FRANÇAIS

    Quelques précisions et rectifications suite à l'article du site Pays Fantôme au sujet du GPE :

    • L’appellation Groupement Psychogéographique de l'Est n'avait RIEN d'une plaisanterie.

    • Le GPE était largement plus politisé que ne le prétend le "membre" interviewé – que je ne nommerai pas, car balancer n'a jamais été une vertu à mes yeux, mais dont je me permettrai simplement d'affirmer que son implication était très superficielle comparée à d'autres contributeurs qu'il ne daigne même pas évoquer, ni eux, ni leurs activités spécifiques.

    • Je n'ai rien à redire quant à la vision très personnelle du membre M. (appelons-le ainsi par commodité) quant à l'idée de "ville grise". J'aimerais simplement signaler qu'il n'est pas l'auteur de cette expression, qui circulait largement entre nous à l'époque, et qui ne servait qu'à désigner la désolation urbaine qui marquait très largement l'Est, paupérisé et en voie de désindustrialisation, de la France.

    • Je ne nie pas la "démarche viscérale et intimiste" du groupe ou d'une bonne partie de ses membres, me reconnaissant moi-même dans cette description. Néanmoins, encore une fois, pour une partie d'entre nous, la nécessité de comprendre pourquoi les paysages urbains où nous évoluions avaient sur nous un tel effet, en n'esquivant pas les questions politiques et ce que nos villes disent de la volonté de nos maîtres ; le membre M. semble aborder la ville comme un paysage naturel, ou issu du hasard, ou comme dans une pure hallucination dans laquelle se promener en analysant ses propres sentiments. C'est un peu court. 

    • Il est faux d'affirmer que les membres du GPE vivaient essentielles dans des petites et moyennes villes. Encore plus faux d'affirmer que les petites villes et les villages (?) constituaient l'essentiel des explorations.

    • Il est exact que dans ses dernières années, le GPE s'est ouvert à des pratiques comme le jeu vidéo ou le jeu de rôle et que quelques articles ont été rédigés sur, pour ainsi dire, la psychogéographie des mondes imaginaires. Je ne nie pas l'intérêt que cela peut présenter. Mais une phrase comme "explorer le réel était devenu une sorte de jeu en lui-même, une extension de ce que nous vivions dans les jeux vidéo – et vice versa" relève au mieux de la bouffonnerie.

    • Je n'ai jamais eu connaissance à l'époque de ce jeu programmé sur Amstrad CPC (dans les années 90 ?) et je n'exclue pas qu'il puisse s'agir d'un pur canular de la part du membre M.

    • Je n'ai pas d'objection ou de précision à apporter quant à ce qui est dit au sujet du groupe, dont je n'ai pas fait partie mais aux répétitions duquel j'ai assez fréquemment assisté. J'ai la quasi-certitude qu'il existe une deuxième démo, si ce n'est sortie officiellement, au moins enregistrée et distribuée aux membres du groupe ; malheureusement cela fait longtemps que ma collection de cassettes est passée par pertes et profits.

    • J'abonde dans le sens du membre M. lorsqu'il critique la mode actuelle de la psychogéographie anglaise, "marqué par un néo-paganisme un peu grotesque et par la recherche d'un pays de Cocagne auquel se reconnecter". Cet effondrement de la gauche dans les pires régressions infantiles magico-primitivistes est navrant au possible.

    • Je reconnais l'intérêt, au bout du compte, de cette intervention du membre M. mais je tenais à écrire ces quelques lignes pour qu'il soit dit au moins une fois que la description du GPE faite dans cet article est extrêmement subjective, partielle, et doit être lue comme telle. Le membre M. y fait essentiellement son propre portrait.

    ENGLISH

    Some clarifications and corrections following the article on the Pays Fantôme website about the GPE:

    • The name Groupement Psychogéographique de l'Est was in NO WAY a joke.

    • The GPE was far more politicized than the "member" interviewed claims – whom I will not name, since snitching has never been a virtue in my eyes, but I will simply state that his involvement was very superficial compared to other contributors he doesn’t even bother to mention, neither them nor their specific activities.

    • I have no objection to the very personal vision of member M. (let’s call him that for convenience) regarding the idea of a "grey city". I would just like to point out that he is not the originator of this expression, which circulated widely among us at the time, and only served to designate the urban desolation that largely marked the East of France, impoverished and undergoing deindustrialization.

    • I do not deny the "visceral and intimate approach" of the group or a good part of its members, seeing myself reflected in that description. Nevertheless, again, for some of us, the necessity was to understand why the urban landscapes where we evolved had such an effect on us, without evading political questions and what our cities say about the will of our rulers; member M. seems to approach the city as a natural landscape, or a product of chance, or as if in a pure hallucination in which one walks while analyzing one’s own feelings. That is rather shallow.

    • It is false to claim that the members of the GPE essentially lived in small and medium-sized towns. Even more false to claim that small towns and villages (?) formed the bulk of the explorations.

    • It is true that in its later years, the GPE opened up to practices such as video games or role-playing games and that a few articles were written on, so to speak, the psychogeography of imaginary worlds. I do not deny the interest this may hold. But a sentence like "exploring the real had become a kind of game in itself, an extension of what we experienced in video games – and vice versa" is at best buffoonery.

    • I never knew of this game programmed on the Amstrad CPC (in the 90s?) at the time, and I do not exclude that it might be a pure prank by member M.

    • I have no objection or corrections to add about what is said regarding the group, which I was not part of but whose rehearsals I quite frequently attended. I am almost certain there exists a second demo, if not officially released, at least recorded and distributed to the group members; unfortunately my cassette collection has long since been lost or discarded.

    • I agree with member M. when he criticizes the current trend in English psychogeography, "marked by a somewhat grotesque neo-paganism and the search for a land of Cockaigne to reconnect with". This collapse of the left into the worst infantile magico-primitivist regressions is as distressing as it gets.

    • Ultimately, I recognize the interest of member M.’s intervention, but I wanted to write these few lines so that it is said at least once that the description of the GPE made in this article is extremely subjective, partial, and must be read as such. Member M. is essentially painting his own portrait there.

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  • Memories of the Grey City

    "I'm publishing here, in full, the article that appeared on Pays Fantôme.

    "The Grey City first appeared to me in dreams; dreams spaced far apart over a long period of years; then I learned to recognise it elsewhere, in films, video games, and in the streets of the towns and villages I visited in my daytime life. I drew some conclusions.

    You can't map the Grey City.

    You can't locate it.

    It exists discontinuously in an unknown number of real cities, night dreams or fictions.

    All it takes is for the light to change at the turn of a street, a shade of colour on a building, and I know I have just entered the Grey City. Whether I am awake or dreaming. And I realise that I had forgotten it once again, and that this rediscovery, this anamnesis, is just one more; that there have been a number of others that I am unable to remember.

    This awareness of forgetting and remembering is an integral part of how one experiences the Grey City."

    *

    A few months ago, Pays Fantôme received an e-mail from an anonymous person claiming to have been a member of a certain Groupement Psychogéographique de l'Est (Eastern Psychogeographical Group), who wished to send us an audio cassette containing about 17 minutes of music and various documents such as screen shots of a game on the Amstrad CPC 6128 or all sorts of texts, illustrated or not: dream stories, fictions, essays, material for role-playing games, etc.

    After receiving and examining the material sent to us, it became clear that we had to republish all this, at least in part. Of course, there is no proof that this is not a hoax, but it does not matter whether the Groupement Psychogéographique de l'Est really existed or whether this anonymous correspondent tired of inventing the evidence for an affair that never took place. In any case, it is by no means impossible that it existed. But if it didn't, the sheer effort to make it seem so is enough to make it more than a fake: a work of fiction in its own right.

    We sent a number of questions to this anonymous person, and we offer here a synthesis of his or her answers. They are an integral part of the work, in our opinion.

    The documents that accompany the release are provided with it when you download it on Bandcamp, or can be consulted online at Archive.org.

    *

    All the paragraphs below are extracts from our email exchanges with the GPE representative.

    *

    "The name Groupement Psychogéographique de l'Est is almost a joke. We were a few friends from all over Champagne and Alsace, passing through Meurthe-et-Moselle and Meuse, and we attended the same campus (Lettres Sciences Humaines). One of us had somehow stumbled upon Debord's texts and various articles on psychogeography in the university library – there was obviously no Internet, and no Google of course, in France at the time, and discovering this kind of marginal hobby was a bit more hazardous.

    We appropriated the term, putting it to our own use and stripping it of all the politicised aspect it originally had, but of which we were hardly aware anyway. We were clearly not interested in analysing, challenging or reforming society by studying the environments in which we lived.

    We were already big walkers and big fans of urban exploration (not at all in the sense that urbex is understood today; we didn't go into abandoned factories or anything like that) and rural exploration. To put it in less snobbish terms, we liked to wander, to wander, to be surprised by the landscape, whether it was the city landscape or not.

    The discovery of psychogeography theorised by Guy Debord simply gave us even more ideas, ideas to extend our experiences. In an intimate, playful and aesthetic way."

    *

    "The name Groupement Psychogéographique de l'Est thus became the one under which we published, at first (in the form of small typewritten, handwritten booklets, or printed at the university when we had the possibility), accounts of walks, sometimes embellished with photos, and more general texts on the question of places in our lives, of their weight in the imaginary, in individual and collective psychic life, etc.

    It sounds very theoretical and pompous and theoretical when you put it like that, but once again it was a visceral and intimate approach, for all of us.

    There were no rules and no set methods. Each member of the group – there were about ten or a dozen in all, over the few years that it lasted – was perfectly free to define his or her own field of research or methods.

    [...]

    Some of them essentially took photographs during their explorations. And did not produce a written commentary or something very short. The photographs spoke for themselves. They were designed to capture not only the atmosphere of a place, its specificity, and the effect it had on the artist, but to reveal what was secret about it, invisible, perhaps, to those who approached it in their daily lives with a purely utilitarian eye.

    Other members left with a dictaphone on which they recorded all their thoughts, their emotions, all the micro-events of their walk. They would then write either a synthesis or a complete, literal transcription of their recording.

    Some planned their exploration exactly, using a map. Others (like me) would drive off at random, sometimes not even knowing which town they were going to stop in. They waited to see something, or to feel an inner signal that they should stop here or there.

    Between the exhaustive exploration of a place and the hazardous dérive (drift), content with a single journey through a city, missing most of it, everything was possible. Even explorations limited to night-time dreams... And even fictional explorations, not just from the writer's imagination, but from meditation and daydreaming. Or exploring a city through photographs of its streets.

    I can imagine what we could have done at the time if Google Street View had existed."

    *

    "Personally, as I said, I used to do a lot of driving alone. I had just lost my mother, when I was twenty, and I had inherited her Ford. For a long time I had a very strong need for solitude. I spent at least a year of my life taking, as often as possible, a whole day or a night, without telling anyone, to wander around the region in my car, driving randomly for dozens or sometimes hundreds of kilometres. I took pictures in the towns and villages where I stopped, or sometimes just through the windscreen."

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    "The name Souvenirs de la Ville Grise (Memories of the Grey City) also comes from the fact that I took a lot of black and white photos at the time. I developed and printed them myself, at a friend's house who had the necessary equipment. A number of prints were considered to be part of the Group's official inventory afterwards. I sold some of them, mostly to acquaintances and friends, to be honest. Two or three were reproduced in local fanzines at the time."

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    "There is something indefinable but very intense for me in the fact of being alone at the wheel, in an unknown city, at nightfall or in the early hours of the morning; a city where I have nothing to do, no one to see, where no one knows that I am. With the windscreen as a screen, that is to say, both as protection and as a medium (like a cinema screen) that allows me to have an experience of the world that is not direct but aesthetic above all. It is a type of mental state that I discovered by chance and that I voluntarily sought out afterwards. The others have had the same kind of evolution; first pure experience, then you theorise, you systematise."

    *

    "I no longer have the originals of our brochures but that doesn't matter much, at the time we used an Atari to archive all our texts with Writer software, and as it saved files in .doc format I still have all our writings. Maybe it will be republished one day in some way, I don't have any definite plans for it at the moment. Not on paper, I think, there's no audience for that, but today any blog or Archive.org account allows you to reach out to the whole world."

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    *

    "We lived mainly in medium-sized cities or small towns. Our explorations were essentially in these types of environments, including villages. With very large cities like Paris or Lyon we have almost only had imaginary relationships, through books, cinema, etc. The Parisian drift interests me moderately.

    I'm not very interested in the Parisian dérive (drift). I had the opportunity to practice it, in an involuntary way, since I lived in Paris for a few weeks and during my free time (I was working in a small supermarket on Place Léon Blum and had my afternoons free) I wandered around the neighbourhoods around mine, discovering for example the Jardin Naturel and a few streets that were not very interesting but that attracted me for this precise reason, near Père Lachaise. An interesting experience, but Paris was still too big, too crowded, too hostile for a provincial like me. 

    [...]

    As a young student, I loved the film Death in Venice, for example, and this city (which also appears in a video game I liked as a teenager, called Masque) obsessed me for some time. I would dream about it at night, dream that I was exploring it and getting happily lost in it."

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    "Even though I know it's beautiful and I'm probably missing something, I don't want to see the real Venice. Just as I'm content with the Lyon that you can see in Bertrand Tavernier's L'horloger de Saint-Paul."

    *

    "Our region has a strong industrial past, mining, steelmaking, etc. Many of our cities are very marked architecturally by the boom of the 19th century but also by the decline of the last few decades. The Grey City is also a city grey with pollution, grey with grime, which the captains of industry left us after abandoning us. But again, even if it was part of our imagination, we were not interested in denouncing this situation. On the other hand, we were aware that living in this kind of environment produced a state of mind, even particular states of consciousness."

    *

    "We were big fans of video games and role-playing games. When I say video games, you have to remember that this was the late 80s/early and mid 90s. Most of us had a microcomputer culture and not a PC or console culture. I played a lot, as a teenager, when they came out, Lankhor's adventure games, for example: Le Manoir de Mortevielle, La Secte Noire... some American games, too, that were never translated, like Zork. I already mentioned Masque, too."

    *

    "Several of us were involved in a municipal computer club. It was still the great era of the Atari and the Amiga."

    *

    "Our playing of video games also influenced the way we approached the world and the real places we explored. Exploring the real had become a kind of game in itself, an extension of what we were experiencing in the video games – and vice versa."

    *

    "One of us had written a small program in Basic for Amstrad CPC. At the beginning of the 90's, this machine was becoming obsolete but was still very widespread and had its fanatics (who still exist, by the way). It was a kind of interactive, text-based walkthrough, but with some illustrations, in an imaginary city inspired by several of our explorations. It worked with multiple choices, like a Choose Your Own Adventure Book."

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    "It was a relatively chaotic game, with a storyline of bits and pieces, which tried to exploit as much as possible our notes taken during wanderings, or from our reflections, etc. It was sewn with white thread and in the end the game has a dreamlike, slightly surreal and bizarre side, sometimes a little sinister too, I must admit. There weren't really any puzzles, objects to manipulate, or NPCs to interact with, because the programmer was incapable of doing that sort of thing; in the end you just wander from place to place and see what happens. A bit like ourselves in our real lives at the time...

    This game also had no title. It was shared with the few members who were interested, and that was it. I have it on floppy disk but a few years ago I took the time to copy all the code."

    *

    "Some of us were doing some music, or at least had keyboards and synths, and started working together. This resulted in a tape, which was untitled by the way. It wasn't really a demo, even though it was called a demo; it was just a collection of songs recorded one after the other over the weeks and months that we had no intention of ever reworking and offering to a record company.

    The version I'm sending you is just a small, incomplete and damaged edit (a few seconds of music are missing here and there) of tracks we recorded at the time.

    The main influence, I would say, was Désaccord Majeur – and to a lesser extent État des Stocks. Désaccord Majeur is a French project that has been around since the late 80s and is a kind of French answer to Zoviet France or Rapoon; basically, post-industrial music with a strong ethnic slant. Personally I was an absolute fan of the tape Le Point immobile vibrant.

    It was also a label. For example, they released the first demo of Moments Présents, which we liked a lot but which was much darker. We wanted to keep a certain lightness.

    *

    "As for État des Stocks, it is a Belgian project, electronic and experimental, more abstract. But these two projects had a side that was both very realistic, through the use of samples from the television news or historical audio documents, and very surreal, timeless, unclassifiable, through their mixtures, their collages of sounds from very different sources.

    The mental effect produced by the passage from one atmosphere to another, in a city in particular, is one of the pillars of psychogeography. One can therefore almost speak of sonic psychogeography, concerning them."

    *

    "As for the instruments, we used exclusively analogue synthesizers and keyboards such as the PSS 390 which uses FM synthesis. The songs were recorded directly onto tape. We didn't even have a 4-track; we used the family hi-fi system with its line-in as a tape recorder. The samples were played at the same time, from another tape player where we had recorded them beforehand.

    The tracks are quite repetitive, by design. Most of them are totally improvised. We would play together, each with his own synth, and when one of us would find a pattern and repeat it, another would follow and play the same musical phrase over and over again, and so on. This avoided making too many wrong notes or getting into cross solos that wouldn't work. We were not great musicians and we were well aware of that.

    But we liked minimalist and repetitive music anyway, for its hypnotic, meditative, dreamy qualities. I listened to the tape quite a lot, on my bed, alone, in the dark, or trying to put myself in a state between waking and sleeping, and visualizing things; places, people, scenes. Our songs had this slightly utilitarian feel to them, like music on a new-age relationship tape can have."

    *

    "We sampled, among other things, the TV news and reports that were on at the time. The old working-class Paris, the France of yesteryear, the dirty, grey, dilapidated streets, the near-taudis that still constituted, only 40 or 50 years ago, the reality of working-class Paris. I could have loved that Paris. Nowadays you can find it very easily on the INA website and it's a real relief to be able to go back to it."

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    "Archival videos today allow us to immerse ourselves in this magnificent greyness, in these old working-class neighbourhoods of Paris or the provinces, whose ugliness and misery, dilapidation and dilapidation, seem today to be miraculous, precious, desirable – I can't say exactly why. Perhaps simply out of nostalgia. Perhaps also because they bear the patina of time and reality, when our cities are more and more non-places, staged scenes, empty amusement park sets. In any case, there was something about these old, grey and sad neighbourhoods that obsessed us.

    In terms of samples there are a few seconds of sampled screams from the film Themroc, too. And the screams of a woman who was probably on the verge of mental illness, yelling at whoever it was, which one of us had recorded discreetly with a tape recorder in the street. It was something we did often. I kept this habit, without trying to find a use for it.

    On the penultimate track, I think, there is the voice of a man praying in Hebrew; a Parisian Jew, in a random TV report from a few decades ago. There was no spiritual component whatsoever in the productions of the Groupement Psychogéographique de l'Est, but as a purely atmospheric element we liked anything that sounded even vaguely esoteric and mysterious."

    *

    "The reception of the tape was almost nil, which is normal since we only released it privately. No reviews and almost no distribution, except in two or three record shops that agreed to sell demos, such as Ombre Sonore in Strasbourg, or the bookshop La Parenthèse, in Nancy. WAVE, on the other hand, sent us packing. A local radio station broadcast a song during a programme devoted to the Eastern scene. That's about it. I remember that the tape was priced exceptionally low because it was so short and very amateurish, very messy.

    In total, I would say that about twenty or thirty copies were put into circulation; most of them were given to friends. We had copied fifty, in advance, thinking that would be enough, and in the end we didn't manage to sell them."

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    "This is the only tape recorded by the Groupement Psychogéographique de l'Est as such, but I know that at least two members have released other demos in a rather similar vein, or a bit more influenced by the Middle Ages, role-playing games, symbolism, that sort of thing..."

    *

    "The Group lasted four or five years. The time of our studies...

    We were not active, or let's say, productive, all the time. As I said, it was almost a joke, a role-playing game in itself: playing the little avant-garde group. It's always been a specifically French game, it seems to me. But it seems to have been lost over the years.

    As for me, I have lost contact with most of the members of the Group, but I have kept a solid friendship with some of them. Having said that, we no longer have any activities in common, and even less that are linked to psychogeography, which cannot be said to have made many fans in France, unlike in the United Kingdom for example.

    No one, to my knowledge, has broken through or sought to break through in the world of music or art. Many have gone into teaching or the civil service.

    I continue to wander around, like everyone else, in the end, and I report my discoveries in a little diary that serves no other purpose, but that's as far as my approach goes."

    *

    "I am not at all interested in the current revival in Anglo-Saxon countries for psychogeography. Or to be exact I stopped being interested after doing some research in this field. It's far too politicised on the one hand, and from the little I've seen, on the other hand, it's stuck with the old techniques like drifting, all that kind of cliché. Once again, I'm not interested in exploring with the aim, admitted or not, of passing judgement on society. Whether the world is beautiful or ugly, whether it is fair or not, whether it is a paradise or a prison, interests me as a citizen but not as a walker, not as a dreamer.

    As for the fashion for rural psychogeography, as with the fanzine Weird Walks, I find it all too marked by a rather grotesque neo-paganism and the search for a land of plenty to reconnect with when the interesting reality to explore is rather that of the death of the countryside; deserted villages, the destruction of ancient communities and traditional ways of life, inhuman agriculture, etc."

    *

    "The new visual proposed today with the demo is a painting showing a commedia dell'arte scene; it did not exist at the time, but I always wanted to use this kind of imagery one day. This painting has the advantage of showing a rather heavy sky; it remains in the theme of grisaille. I have been told that this picture could be read as a saucy image; I must confess that I did not realise it at first...".

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    "This sky also makes me think of the northern sky, of course; of my youthful trips to Bruges or Ostend. Of the Bal du Rat Mort (Dead Rat Ball). Of authors like Ghelderode...

    I love masks and carnival. I still have a vivid memory of a nightmare I had as a teenager when I was wandering around an old town with narrow, winding streets and came across a kind of Pierrot with his throat cut, sitting on the cobblestones with his back against a wall. This kind of aesthetic is for me inseparable from the imaginary of the city in general.

    There are several cities that have left their mark on my imagination over the decades, and it seems to me that they form only one, although they undeniably take on masks to appear to me – in the waking state, or in my dreams at night. That's why the record is now called Memories of the Grey City, and not of the Grey Cities."

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  • Souvenirs de la Ville Grise

    Je publie ici, in extenso, l'article paru sur Pays Fantôme.

    « La Ville Grise m'est d'abord apparue en rêve ; des rêves très espacés sur une longue période de plusieurs années ; puis j'ai appris à la reconnaître ailleurs, dans les films, les jeux vidéos, et dans les rues des villes et villages que je visitais dans ma vie diurne. J'en ai tiré quelques conclusions.

    On ne peut pas cartographier la ville grise.

    On ne peut pas la localiser.

    Elle existe de manière discontinue dans un nombre inconnu de villes réelles, de rêves nocturnes ou de fictions.

    Il suffit que la lumière change au détour d'une rue, d'une nuance de couleur sur un immeuble, et je sais que je viens d'entrer dans la ville grise. Que je sois à l'état de veille ou en train de rêver. Et je réalise que je l'avais une fois de plus oubliée, et que cette redécouverte, cette anamnèse, n'en est qu'une de plus ; qu'il y en a eu un nombre d'autres dont je ne suis pas capable de me souvenir.

    Cette prise de conscience de l'oubli et de la remémoration fait partie intégrante de la manière dont on expérimente la ville grise. »

    *

    Pays Fantôme a reçu il y a quelques mois un e-mail d'une personne anonyme prétendant avoir été membre d'un certain Groupement Psychogéographique de l'Est souhaitant nous communiquer une cassette audio contenant environ 17 minutes de musique et divers documents comme les photos d'écran d'un jeu sur Amstrad CPC 6128 ou encore toutes sortes de textes illustrés ou non : récits de rêves, fictions, essais, matériel pour jeux de rôles, etc.

    Après réception et examen des pièces qui nous avaient été transmises, il s'est avéré évident que nous devions rééditer tout cela, au moins en partie. Naturellement, rien ne prouve que nous ne soyons pas en face d'un canular ; mais peu importe, au fond, que le Groupement Psychogéographique de l'Est ait réellement existé ou que ce correspondant anonyme se soit fatigué à inventer les pièces à conviction d'une affaire qui n'a jamais eu lieu. Il n'est, en tous cas, en rien impossible qu'il ait existé. Mais si ce n'est pas le cas, l'ardeur mise à y faire croire suffit à en faire bien plus qu'un faux : une œuvre de fiction à part entière.

    Nous avons envoyé un certain nombre de questions à cet (ou cette) anonyme, et nous vous proposons ici une synthèse de ses réponses. Elles font partie intégrante de l’œuvre, à notre sens.

    Les documents qui accompagnent le release sont fournis avec lorsqu'on le télécharge sur Bandcamp, ou consultables en ligne sur Archive.org.

    *

    Tous les paragraphes ci-dessous sont des extraits de nos échanges par mail avec le représentant du GPE.

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    « L'appellation Groupement Psychogéographique de l'Est est presque une plaisanterie. Nous étions quelques amis originaires d'un peu partout entre la Champagne et l'Alsace, en passant par la Meurthe-et-Moselle et la Meuse, et fréquentions le même campus (Lettres Sciences Humaines). L'un de nous était tombé, je ne sais comment, sur des textes de Debord et sur divers articles concernant la psychogéographie à la bibliothèque universitaire – il n'y avait évidemment pas d'Internet et encore moins de Google à l'époque, en France, et découvrir ce genre de passe-temps marginaux était un peu plus hasardeux.

    Nous nous sommes appropriés le terme, en le mettant à notre sauce et en le débarrassant de tout l'aspect politisé qu'il a originellement, mais dont nous n'avions qu'assez peu conscience de toutes façons. Analyser, contester ou réformer la société en étudiant les environnements dans lesquels nous nous vivions ne nous intéressait clairement pas.

    Nous étions déjà de grands marcheurs et de grands amateurs d'exploration urbaine (pas du tout au sens où on l'entend aujourd'hui avec l'urbex ; nous ne pénétrions pas dans des usines abandonnées ou ce genre de choses) et d'exploration rurale. Pour dire les choses de façons moins snob, nous aimions nous balader, errer, nous laisser surprendre par le paysage, qu'il soit celui de la ville ou non.

    La découverte de la psychogéographie théorisée par Guy Debord nous a simplement donné encore plus d'idées, des idées pour étendre nos expériences. Dans une démarche intime, ludique et esthétique. »

    *

    « Le nom Groupement Psychogéographique de l'Est est donc devenu celui sous lequel nous avons publié, dans un premier temps (sous forme de petits fascicules tapés à la machine, manuscrits, ou imprimés à la fac quand on en avait la possibilité) des récits de balades, parfois agrémentés de photos, et des textes plus généraux sur la question des lieux dans nos vies, de leur poids dans l'imaginaire, la vie psychique individuelle et collective, etc.

    Cela paraît très théorique et pompeux et théorique dit comme ça mais encore une fois c'était une démarche viscérale et intimiste, pour nous tous.

    Il n'y avait pas de règles et pas de méthodes établies. Chaque membre du groupe – il y en a eu en tout à peu près une dizaine ou une douzaine, sur les quelques années que cela a duré – était parfaitement libre de définir son propre domaine de recherche ou ses propres méthodes.

    [...]

    Certains prenaient essentiellement des photos au cours de leurs explorations. Et ne produisaient pas de commentaire écrit ou alors quelque chose de très court. Les photos parlaient d'elles-mêmes. Elles étaient conçues pour retranscrire non seulement l'atmosphère d'un lieu, sa spécificité, et l'effet qu'il avait eu sur l'artiste, mais pour dévoiler ce que ce lieu avait de secret, d'invisible, peut-être, pour ceux qui l'abordaient dans leur vie quotidienne avec un regard purement utilitariste.

    D'autres membres partaient avec un dictaphone sur lequel ils enregistrement toutes leurs pensées, leurs émotions, tous les micro-événements de leur balade. Ils rédigeaient, ensuite, soit une synthèse, soit une transcription complète, littérale, de leur enregistrement.

    Certains planifiaient exactement leur exploration, au moyen d'une carte. D'autres (comme moi) partaient en voiture au hasard, parfois même sans savoir dans quelle ville ils allaient s'arrêter. Ils attendaient de voir quelque chose, ou de ressentir un signal intérieur leur disant qu'il fallait s'arrêter ici ou là.

    Entre l'exploration exhaustive d'un lieu et la dérive hasardeuse, se contentant d'un seul trajet à travers une ville, en en ratant la plus grande partie, tout était possible. Même les explorations se limitant aux rêves nocturnes... Et même les explorations fictives, procédant, ceci dit, non pas de la seule imagination de l'écrivain, mais de la méditation et du rêve éveillé. Ou en explorant une ville à travers des photos de ses rues.

    J'imagine ce que nous aurions pu faire à l'époque si Google Street View avait existé. »

    *

    « À titre personnel, comme je l'ai dit, je faisais énormément de balades seul en voiture. Je venais de perdre ma mère, à vingt ans, et j'avais hérité de sa Ford. Pendant longtemps j'ai eu un très fort besoin de solitude. J'ai passé au moins un an de ma vie à prendre, aussi souvent que possible, une journée complète ou une nuit, sans prévenir personne, pour errer en voiture dans la région, en roulant au hasard sur des dizaines ou parfois des centaines de kilomètres. Je prenais des photos dans les villes et les villages où je m'arrêtais, ou parfois simplement à travers le pare-brise. »

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    « Le nom Souvenirs de la Ville Grise vient aussi du fait que je prenais beaucoup de photos en noir et blanc à l'époque. Je les développais et les tirais moi-même, chez un ami qui avait le matériel nécessaire. Un certain nombre de tirages ont été considérés comme faisant partie, a posteriori, de l'inventaire officiel du Groupement. J'en ai vendu quelques-uns, surtout à des connaissances et des amis, pour être honnête. Deux ou trois ont été reproduits dans des fanzines locaux à l'époque. »

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    « Il y a quelque chose d'indéfinissable mais de très intense pour moi dans le fait, pour moi, d'être seul au volant, dans une ville inconnue, à la tombée de la nuit ou au petit matin ; une ville où je n'ai rien à faire, personne à voir, où personne ne sait que je me trouve. Avec le pare-brise comme écran, c'est-à-dire à la fois comme protection, et comme médium (comme un écran de cinéma) qui me permet d'avoir du monde une expérience non pas directe mais esthétique avant tout. C'est un type d'états mentaux que j'ai découvert par hasard et que j'ai recherché volontairement, par la suite. Les autres ont eu le même genre d'évolution ; d'abord l'expérience pure, puis on théorise, on systématique. »

    *

    « Je n'ai plus les originaux de nos brochures mais cela n'a pas beaucoup d'importance, à l'époque nous avions utilisé un Atari pour archiver tous nos textes avec le logiciel Writer, et comme cela enregistrait des fichiers au format .doc j'ai encore tous nos écrits. Peut-être que ce sera réédité un jour d'une manière ou d'une autre, je n'ai pas de projet très précis à ce sujet pour l'instant. Pas sur papier, je pense, il n'y a pas de public pour ça, mais aujourd'hui n'importe quel blog ou compte Archive.org permet de s'adresser au monde entier. »

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    « Nous vivions essentiellement dans des villes moyennes ou des petites villes. Nos explorations concernaient essentiellement ce type d'environnements, villages inclus. Avec les très grandes villes comme Paris ou Lyon nous n'avons quasiment eu que des rapports imaginaires, à travers les livres, le cinéma, etc.

    La dérive parisienne m'intéresse moyennement. J'ai eu l'occasion de la pratiquer, de manière involontaire, d'ailleurs, puisque j'ai vécu quelques semaines à Paris et que pendant mon temps libre (je travaillais dans un petit supermarché place Léon Blum et avais mes après-midi libres) j'errais dans les quartiers autour du mien, découvrant par exemple le Jardin Naturel et quelques rues sans grand intérêt mais qui m'attiraient pour cette raison précise, aux abords du Père Lachaise. Une expérience intéressante, mais Paris malgré tout était trop grand, trop peuplé, trop hostile pour un provincial comme moi.

    [...]

    J'ai adoré, jeune étudiant, le film Mort à Venise, par exemple, et cette ville (qui apparaît aussi dans un jeu vidéo que j'aimais ado, qui s'appelle Masque) m'a obsédé pendant un certain temps. J'en rêvais la nuit, je rêvais que je l'explorais et m'y perdais avec bonheur. »

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    « Même si je sais qu'elle est superbe et que je rate sans doute quelque chose, je n'ai pas envie de voir la vraie Venise. De même que je me contenterai du Lyon que l'on peut voir dans L'horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier . »

    *

    « Notre région a un fort passé industriel, minier, sidérurgique, etc. Beaucoup de nos villes sont très marquées architecturalement par l'essort du XIXè siècle mais aussi par le déclin depuis quelques décennies. La Ville Grise est aussi la ville grise de pollution, grise de crasse, que nous ont laissé les capitaines d'industrie après nous avoir abandonnés. Mais encore une fois, même si ça faisait partie de notre imaginaire, cela ne nous intéressait pas de dénoncer cet état de fait. En revanche nous avions conscience que vivre dans ce genre d'environnement produisait un état d'esprit, voire des états de conscience particuliers. »

    *

    « Nous étions de grands amateurs de jeux vidéo et de jeux de rôles. Quand je parle de jeux vidéo il faut bien se rappeler qu'on était à la fin des années 80 / début et milieu des années 90. La plupart d'entre nous avaient une culture micro-ordinateurs et non pas PC ou console. J'ai beaucoup joué, adolescent, à leur sortie, aux jeux d'aventure de Lankhor, par exemple : Le Manoir de Mortevielle, La Secte Noire... à certains jeux américains, aussi, qui n'ont jamais été traduits, comme Zork. J'ai déjà cité Masque, aussi. »

    *

    « Nous nous sommes investis, pour plusieurs d'entre nous, dans un club informatique, à l'échelle municipale. C'était encore la grande époque de l'Atari et de l'Amiga. »

    *

    « Notre pratique des jeux vidéo influençait aussi notre façon d'appréhender le monde et les lieux réels que nous explorions. Explorer le réel était devenu une sorte de jeu en lui-même, une extension de ce que nous vivions dans les jeux vidéo – et vice versa. »

    *

    « L'un de nous avait écrit un petit programme en Basic pour Amstrad CPC. Au début des années 90 c'était une machine en voie de ringardisation mais qui était encore très répandue et avait ses fanatiques (qui existent toujours, d'ailleurs). C'était une sorte de balade interactive, textuelle, mais avec quelques illustrations, dans une ville imaginaire inspirée de plusieurs de nos explorations. Ça fonctionnait avec des choix multiples, comme un livre dont vous êtes le héros. »

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    « C'était un jeu relativement sans queue ni tête, avec un scénario de bric et de broc, qui essayait d'exploiter au maximum nos notes prises lors d'errances, ou issues de nos réflexions, etc. C'était cousu de fil blanc et au final le jeu a un côté onirique, un peu surréaliste et bizarre, parfois un peu sinistre aussi il faut bien le dire. Il n'y avait pas vraiment de puzzles, ni d'objets à manipuler, ni de PNJ avec qui avoir des rapports, parce que le programmeur était incapable de réaliser ce genre de choses ; au final on ne fait à peu près qu'errer de lieu en lieu et voir ce qui se passe. Un peu comme nous-mêmes dans nos vies réelles à l'époque...

    Ce jeu n'avait lui non plus pas de titre. Il a été partagé aux quelques membres que ça intéressait, et c'est tout. Je l'ai sur disquette mais il y a quelques années j'ai pris le temps de recopier tout le code. »

    *

    « Certains d'entre nous faisaient un peu de musique, ou en tous cas, disposaient de claviers et de synthés, et se sont mis à travailler ensemble. Cela a abouti à une cassette, qui  n'avait d'ailleurs pas de titre. Ce n'était pas vraiment une démo à proprement parler, même si on lui a donné ce qualificatif ; c'était juste une collection de morceaux enregistrés l'un après l'autre au fil des semaines, des mois, que nous n'envisagions absolument pas de retravailler pour les proposer un jour à une maison de disque.

    La version que je vous envoie n'est qu'un petit montage incomplet et endommagé (quelques secondes de musique manquent ici et là) de morceaux que nous avons enregistrés à l'époque.

    L'influence principale, je dirais, était Désaccord Majeur – et dans une moindre mesure État des Stocks. Désaccord Majeur est un projet français qui existe depuis la fin des années 80 et qui est une sorte de réponse française à Zoviet France ou Rapoon ; en gros, de la musique post-industrielle avec une forte inclination ethnique. Personnellement j'étais absolument fan de la cassette Le Point immobile vibrant.

    C'était aussi un label. Il a par exemple sorti la première démo de Moments Présents, que nous aimions beaucoup mais qui était beaucoup plus sombre. Nous voulions rester dans une certaine légèreté.

    Quant à État des Stocks c'est un projet belge, électronique et expérimental, plus abstrait. Mais ces deux  projets avaient un côté à la fois très réaliste, par l'utilisation de samples du journal télévisé ou de documents audio historiques, et très surréaliste, intemporel, inclassable, de par leurs mélanges, leurs collages de sons de provenances très différentes.

    L'effet mental que produit le passage d'une ambiance à l'autre, dans une ville, notamment, est l'un des piliers de la psychogéographie. On peut donc presque parler de psychogéographie sonore, les concernant. »

    *

    « Pour ce qui est des instruments, nous utilisions exclusivement des synthés analogiques et des claviers comme le PSS 390 qui utilise la synthèse FM. Les morceaux étaient enregistrés directement sur cassette. Nous n'avions même pas de 4-pistes ; c'était la chaîne HiFi familiale, avec son entrée ligne, qui nous servait de magnétophone. Les samples étaient joués en même temps, depuis un autre lecteur de cassettes audio où nous les avions préalablement enregistrés.

    Les morceaux sont assez répétitifs, à dessein. La plupart sont totalement improvisés. Nous jouions à plusieurs, chacun avec son synthé, et quand l'un de nous trouvait un motif puis le répétait, un autre se calait dessus et jouait lui aussi la même phrase musicale encore et encore, et ainsi de suite. Ça évitait de faire trop de fausses notes ou de se lancer dans des solos croisés qui n'auraient rien donné. Nous n'étions pas de grands musiciens et en avions parfaitement conscience.

    Mais nous aimions, de toutes façons, la musique minimaliste et répétitive, pour ses qualités hypnotiques, favorisant la méditation, la rêverie. J'ai pas mal écouté la cassette, sur mon lit, seul, dans la pénombre, ou essayant de me plonger dans un état entre la veille et le sommeil, et de visualiser des choses ; des lieux, des personnes, des scènes. Nos morceaux avaient ce côté un peu utilitariste, comme peut l'être la musique sur une cassette de relation new-age. »

    *

    « Nous avons samplé, entre autres choses, le JT et les reportages qui passaient à la télévision, alors. Le vieux Paris ouvrier, la France d'autrefois, les rues sales et grises, délabrées, les quasi-taudis qui constituaient encore, il y a seulement 40 ou 50 ans, la réalité du Paris populaire. Ce Paris-là, j'aurais pu l'aimer. Aujourd'hui on trouve ça très facilement sur le site de l'INA et c'est un vrai soulagement que de pouvoir s'y replonger. »

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    « Les vidéos d'archives, aujourd'hui, permettent de se replonger dans cette grisaille magnifique, dans ces vieux quartiers populaires de Paris ou de la province, dont la laideur et la misère, le délabrement, la vétusté, paraissent aujourd'hui comme miraculeux, précieux, désirables – je ne saurais pas exactement dire pourquoi. Peut-être simplement par nostalgie. Peut-être aussi parce qu'ils portent la patine du temps et du réel, quand nos villes de plus en plus sont des non-lieux, des mises en scène, des décors vides de parc d'attraction. En tous cas il y avait quelque chose dans ces vieux quartiers gris et tristes quelque chose qui nous obsédait.

    En matière de samples il y a quelques secondes de hurlements samplés du film Themroc, aussi. Et les hurlements d'une femme probablement à l'extrême limite de la maladie mentale, et qui gueulait sur je ne sais qui, que l'un de nous avait enregistrée discrètement avec un dictaphone, dans la rue. C'était quelque chose que nous faisions souvent. J'ai d'ailleurs gardé cette habitude, sans chercher à lui trouver une utilité.

    Sur l'avant-dernier morceau, je crois, il y a la voix d'un homme qui prie en hébreux ; un juif parisien, dans un reportage télévisé quelconque d'il y a quelques décennies. Il n'y avait aucune composante spirituelle, vraiment pas la moindre, dans les productions du Groupement Psychogéographique de l'Est, mais comme pur élément d'ambiance on aimait bien tout ce qui semblait même vaguement ésotérique et mystérieux. »

    *

    « La réception de la cassette a été à peu près nulle, ce qui est normal dans la mesure où ne l'avons quasiment que diffusée de manière privée. Aucune chronique et quasiment pas de distribution, si ce n'est chez deux ou trois disquaires qui acceptaient de vendre des démos, comme Ombre Sonore à Strasbourg,  ou la librairie La Parenthèse, à Nancy. WAVE nous a en revanche envoyés balader. Une radio locale a diffusé un morceau au cours d'une émission consacrée à la scène de l'Est. C'est à peu près tout. Je me souviens qu'on avait fixé un prix exceptionnellement bas pour la cassette, du fait de sa courte durée et du fait que c'était tout de même très amateur, très brouillon.

    En totalité, je dirais qu'une vingtaine ou une trentaine de copies a été mise en circulation ; la plupart a été offerte à des amis. On en avait copié cinquante, d'avance, en se disant que ça suffirait, et au final on a pas réussi à les écouler. »

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    « C'est la seule cassette enregistrée par le Groupement Psychogéographique de l'Est en tant que tel, mais je sais que deux membres au moins ont sorti d'autres démos dans un registre assez similaire, ou un peu plus influencé par le Moyen-Âge, les jeux de rôles, le symbolisme, ce genre de choses... »

    *

    « Le Groupement a duré quatre ou cinq ans. Le temps de nos études...

    Nous n'étions pas actifs, ou disons, productifs, tout le temps. Comme je le disais, c'était quasiment une plaisanterie, un jeu de rôle en soi : jouer au petit groupe avant-gardiste. Ça a toujours été un petit jeu spécifiquement français, me semble-t-il. Mais qui a l'air de s'être un peu perdu avec les années.

    Quant à moi j'ai perdu le contact avec l'essentiel des membres du Groupement, mais ai conservé une amitié solide avec quelques-uns d'entre eux. Nous n'avons, ceci dit, plus d'activité en commun, et encore moins qui soit liée à la psychogéographie, dont on ne peut pas dire qu'elle ait fait beaucoup d'émules en France, contrairement au Royaume-Uni par exemple.

    Personne, à ma connaissance, n'a percé ni cherché, d'ailleurs, à percer dans le monde de la musique ou de l'art. Beaucoup ont suivi un cursus les menant à l'enseignement ou à la fonction publique.

    Je continue à me balader, comme tout le monde, finalement, et je relate mes découverte dans un petit journal qui ne me sert qu'à ça, mais ma démarche ne va pas plus loin. »

    *

    « Je ne m'intéresse pas du tout au revival actuel, dans les pays anglo-saxons, pour la psychogéographie. Ou pour être exact j'ai cessé de m'intéresser après avoir fait quelques recherches dans ce domaine. C'est beaucoup trop politisé d'une part, et pour le peu que j'ai vu, d'autre part, ça en reste aux vieilles techniques comme la dérive, tout ce genre de clichés. Encore une fois, pratiquer l'exploration dans le but, avoué ou non, de porter un jugement sur la société, ne m'intéresse pas du tout. Que le monde soit beau ou laid, qu'il soit juste ou non, qu'il soit un paradis ou une prison, m'intéresse en tant que citoyen mais pas en tant que marcheur, pas en tant que rêveur.

    Quant à la mode de psychogéographie rurale comme avec le fanzine Weird Walks, je trouve tout ça beaucoup trop marqué par un néo-paganisme un peu grotesque et par la recherche d'un pays de Cocagne auquel se reconnecter alors que la réalité intéressante à explorer est plutôt celle de la mort de la campagne ; les villages déserts, la destruction des communautés anciennes et des modes de vie traditionnels, l'agriculture inhumaine, etc. »

    *

    « Le nouveau visuel proposé aujourd'hui avec la démo est un tableau montrant une scène de commedia dell'arte ;  il n'existait pas à l'époque, mais j'ai toujours voulu utiliser un jour ce genre d'imagerie. Ce tableau a l'avantage de montrer un ciel plutôt chargé ; on reste dans le thème de la grisaille. On m'a signalé une possible lecture grivoise de cette image ; je dois avouer que cela m'avait échappé de prime abord... »

    Groupement Psychog_ographique de l'Est - Souvenirs de la Ville Grise.jpg

    « Ce ciel me fait aussi penser au ciel du Nord évidemment ; à mes voyages de jeunesse à Bruges ou Ostende. Au Bal du Rat Mort. À des auteurs comme Ghelderode...

    J'aime les masques et le carnaval. J'ai un souvenir encore très vif d'un cauchemar, fait adolescent, où j'errais dans une vieille ville aux ruelles étroites et tortueuse, et tombais sur un genre de Pierrot, égorgé, assis à même les pavés, le dos contre un mur. Ce genre d'esthétique est pour moi indissociable de l'imaginaire de la ville en général.

    Il y a plusieurs villes qui ont marqué mon imaginaire, au fil des décennies, et il me semble qu'elles n'en forment qu'une seule, bien qu'elle prenne indéniablement des masques pour m'apparaître – à l'état de veille, ou dans mes rêves, la nuit. C'est pour cela que le disque s'appelle aujourd'hui Souvenirs de la Ville Grise, et non pas des Villes Grises. »

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  • Gare / Station (1993)

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    FRANÇAIS

    Ce que j'aimais avec la gare et le quartier qui l'entourait, autrefois, c'est que tout cela ne cherchait pas à être spécialement beau, ou cool, ou culturel, ou convivial – c'étaient des lieux réels, réels parce que simplement fonctionnels et ne cherchant pas à masquer ou enjoliver ou idéologiser leur fonction au moyen d'un quelconque discours sous la forme d'une scénographie urbaine.

    Il va de soi que cela changé du tout au tout.

    ENGLISH

    What I loved about the station and the area around it, in the old days, was that they weren't trying to be especially beautiful, or cool, or cultural, or friendly – they were real places, real because they were simply functional and didn't try to mask or embellish or ideologize their function with some kind of urban scenography discourse.

    It goes without saying that this changed completely.

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  • Jeannot

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    FRANÇAIS

    Je le rencontrais de temps à autres en ville ou aux abords du boulevard Charlemagne, en costume de parfait cadre, un pack de bière sous le bras et un petit bracelet rose fluo en froufrous autour du poignet – ou à l'inverse, en perruque et robe moulante, mangeant une crêpe place Carnot. Ou sous la porte Stanislas, un boa léopard autour du cou. Il faisait partie d'une faune nancéienne d'originaux et de vieillards étranges qui parcouraient inlassablement les rues, et que j'associais à la part obscure, surréaliste, magique, de Nancy, qui s'était révélée à moi dès les premiers jours – tout comme la misère, la marginalité à Nancy s'étaient révélées à moi en la personne de Nathalie. Quelqu'un m'avait raconté que dans sa jeunesse Jeannot avait travaillé au Moulin Rouge, fréquenté Régine et le tout-Paris. Qu'il avait tenu un restaurant, rue Gustave Simon, dans les années 1970, où il présentait un numéro tous les soirs, chantant, dansant et se travestissant à la grande joie ou à la consternation de sa clientèle. Des années après son assassinat, j'avais pu trouver des photos qui le montraient affublé d'une perruque poudrée et de déguisements du XVIIIè siècle. Il était souriant, encore jeune, bel homme. Le 1er août 2003, des adolescents l'avaient poussé dans le Canal de la Marne au Rhin, et il s'y était noyé.

    ENGLISH

    I used to run into him now and then in town or near Boulevard Charlemagne, dressed like a perfect businessman, a pack of beer under his arm and a little neon pink frilly bracelet around his wrist – or, conversely, wearing a wig and a tight-fitting dress, eating a crêpe on Place Carnot. Or under the Porte Stanislas, with a leopard-print boa around his neck. He was part of a Nancéien fauna of eccentrics and strange old people who endlessly roamed the streets, and whom I associated with the dark, surreal, magical side of Nancy that had revealed itself to me from the very first days – just as misery and marginality in Nancy had revealed themselves to me in the person of Nathalie. Someone had once told me that, in his youth, Jeannot had worked at the Moulin Rouge, rubbed shoulders with Régine and the Parisian elite. That he'd run a restaurant on Rue Gustave Simon in the 1970s, where he performed a number every night – singing, dancing, and cross-dressing to the delight or dismay of his clientele. Years after his murder, I managed to find photos of him wearing a powdered wig and 18th-century costumes. He was smiling, still young, a handsome man. On August 1st, 2003, a group of teenagers pushed him into the Canal de la Marne au Rhin, and he drowned.

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  • Marges / Margins (2008)

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    FRANÇAIS

    J'ai rendez-vous avec elle ; avec son corps, avec son lit, avec sa chambre obscure, sans fenêtre si ce n'est une verrière étrange au plafond qui laisse filtrer une faible luminescence laiteuse, et les ombres d'innombrables plantes. Quand j'arrive elle n'est pas encore seule et me le fait savoir d'une voix terne, impersonnelle, au téléphone. Alors je tue le temps. Sur l'avenue Leclerc, au crépuscule, déserte, pluvieuse et bleutée, je passe en revue les articles misérables du Diabolino – « tout pour la fête et la jonglerie » – dont l'enseigne lumineuse fatiguée, est presque la seule source de lumière dans la rue. Elle montre un visage de femme, stylisé, qui porte un loup.

    J'avance au hasard, débouche dans de petites rues anonymes ou qui mériteraient de l'être – vagues juxtapositions de HLM et d'immeubles de bureaux, au travers des fenêtres desquels on devine des salles de travail, de réunion, de conférence. Une vie intellectuelle, administrative, scientifique, se joue-là, collectivement, à laquelle je ne prends aucune part, ce qui m'inspire un vague regret. Je photographie des cages d'escaliers, des entrées d'immeubles illuminées. Je ne suis jamais rassasié de portes entrouvertes et de fenêtres sur la vie des autres, sur les détails les plus concrets et les plus banals de leurs vies, auxquels ils ne prêtent aucune attention, mais qui me hantent.

    D'épais nuages métalliques s'amoncellent au-dessus de la ville et cachent le crépuscule rose ; ils ont quelque chose d'indéfinissablement attirant, pourtant, loin de toute menace. L'idée de la pluie apparaît presque voluptueuse.

    Je rejoins le boulevard Jean Jaurès, l'une des voies d'entrée de la ville. Ravivant mon fantasme ancien d'y prendre une chambre d'hôtel, là précisément, à la marge de la ville, où rien ne se passe et où personne ne s'arrête. Certain d'y vivre aussi anonyme et introuvable qu'à l'autre bout du monde.

    Enfin nous nous retrouvons et sortons, quelques heures plus tard, pour marcher alors qu'il pleuviote. La tristesse de ces rues ouvrières étroites et grises, de ces maisons mitoyennes, basses, étroites et grises, et des vies étroites, basses et grises, et révoltantes, qui ne peuvent que s'y dérouler. Le corps se révolte contre cette laideur, cette grisaille dans laquelle on est enfermé comme dans une prison, mais cette révolte avant que d'avoir pu produire de la colère, s'échoue en tristesse. Nous croisons des prostituées à un carrefour. Nous les dépassons pour explorer le quartier de Saurupt. Je la prends en photo sous la pluie et nous rentrons faire l'amour.

    ENGLISH

    I have a rendezvous with her; with her body, with her bed, with her dark room, windowless except for a strange glass canopy in the ceiling that lets in a faint, milky luminescence, and the shadows of countless plants. When I arrive, she’s not yet alone and lets me know in a dull, impersonal voice, over the phone. So I kill time. On Avenue Leclerc, at dusk – deserted, rainy, and bluish – I browse the miserable items of a shop called Diabolino – "everything for parties and juggling" – whose tired neon sign is nearly the only source of light on the street. It shows a stylized woman’s face wearing a mask.

    I wander aimlessly, ending up in small anonymous streets, that deserve to be anonymous – vague juxtapositions of housing projects and office buildings, behind whose windows one can glimpse meeting rooms, workspaces, conference halls. An intellectual, administrative, scientific life plays out there, collectively, one I take no part in, which fills me with a vague regret. I photograph stairwells, the lit-up entrances of apartment blocks. I am never sated with half-open doors and windows into other people’s lives, into the most concrete and banal details of their existence, which they pay no attention to, but which haunt me.

    Heavy metallic clouds gather above the city, hiding the pink dusk; yet they are somehow indescribably alluring, far from threatening. The idea of rain feels almost voluptuous.

    I reach Boulevard Jean Jaurès, one of the main ways into the city. It revives an old fantasy of mine: to take a hotel room there, precisely there, at the city's margins, where nothing happens and no one stops. To live there as anonymously and untraceably as at the far end of the world.

    Finally, we meet up and go out a few hours later to walk in the drizzle. The sadness of these narrow, gray working-class streets, these low, narrow, gray terraced houses, and the narrow, low, gray, revolting lives that can only be lived there. The body rebels against this ugliness, this grayness in which we are locked up like in a prison, but this rebellion, before it can produce anger, ends in sadness. We see prostitutes at a crossroads. We walk past them to explore the Saurupt neighborhood. I take a picture of her in the rain and we go home to make love.

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  • Antichambres de béton / Concrete antechambers

    FRANÇAIS

    Je vis seul dans un petit appartement dans une sorte de galerie, ou de passage couvert. Il y a de la musique qui joue dehors, très fort, et je sens l'angoisse monter en moi. Je vois la galerie par des fenêtres suffisamment grandes pour être qualifiables de baies vitrées. Il y a un autre appartement au bout du couloir, pas directement en face du mien ; je sais qu'un jeune homme y vit mais jusqu'ici il ne m'a jamais dérangé. En face de moi il y a une sorte de commerce, type location de voitures, contrôle technique, ou quelque chose dans ce genre. Je réalise que la musique vient de là. Ça me calme un peu ; c'est une nuisance comparable à la musique de supermarché, à certaines heures uniquement, plus tolérable qu'un voisin qui fait la fête jour et nuit comme j'ai pu en avoir. Néanmoins je décide d'aller me réfugier dans une autre partie de mon appartement pour avoir du silence ; une sorte de cave ou de garage puisqu'elle se trouve au même niveau que les autres pièces, et donne ultimement sur une autre rue. C'est une suite de couloirs et de réduits assez sales, obscurs, mais j'y (re)découvre une pièce vaste comme une chambre à coucher, où je n'entends rien et suis certain de ne jamais rien entendre. Je suis fou de joie. Je vois une table basse avec une petite lampe à abat-jour. Je réalise que je suis déjà venu ici mais que je l'avais oublié. Je vais pouvoir, ici, me faire une deuxième chambre et un y installer un bureau pour lire et écrire dans la paix, le silence, séparé du reste du monde par plusieurs antichambres de béton.

    ENGLISH

    I live alone in a small apartment inside a kind of gallery, or covered passageway. Loud music is playing outside, and I feel the anxiety rising in me. I can see the gallery through windows large enough to be called bay windows. There’s another apartment at the end of the corridor, not directly across from mine; I know a young man lives there, but so far he’s never disturbed me. Across from me is a kind of business – car rental, vehicle inspection, or something of that sort. I realize the music is coming from there. That calms me a little; it’s a nuisance similar to supermarket music, only at certain hours – more tolerable than a neighbor partying day and night, as I’ve experienced before.

    Still, I decide to take refuge in another part of my apartment to find some silence – a sort of basement or garage, though it's on the same level as the rest of the place and ultimately opens onto another street. It’s a series of dim, rather dirty corridors and storage rooms, but I (re)discover a space the size of a bedroom, where I can’t hear anything and know I never will. I’m overjoyed. I see a low table with a small lampshade lamp. I realize I’ve been here before but had forgotten about it. I’ll be able to make a second bedroom here, and set up a desk where I can read and write in peace and silence, separated from the rest of the world by several concrete antechambers.

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  • Émilie (1995)

    FRANÇAIS

    Ses journées au restaurant commençaient à sept heures et se finissaient parfois à deux heures du matin. Elle devait avoir seize, dix-sept ans. La vie n'avait pas attendu pour la désigner sa place et ce qu'elle était en droit d'attendre. Elle me paraissait paumée, fatiguée et naïve ; une victime désignée comme il y en a tant. J'avais ressenti un vif dégoût, un soir où chez elle était présent l'un de ses patrons, la quarantaine, avec une dégaine de lumpenprolétaire combinard et cynique, juste assez malin pour acquérir un peu de pouvoir sur des gamines et en user. Il était affalé sur un matelas au sol, chez elle, et pérorait. J'imaginais qu'il tenterait tôt ou tard de la baiser. Peut-être qu'au milieu de mon dégoût je le jalousais pour cela.

    Un soir elle avait tapé à ma porte. Nous nous étions croisés deux ou trois fois depuis mon arrivée dans l'immeuble. Une brune timide, au regard étrange, un peu plus jeune que moi – donc mineure. Elle m'avait invité à boire une bière chez elle, avec une jeune femme qu'elle avait présentée comme sa sœur. Elle était serveuse dans un restaurant en ville. L'appartement était minuscule et évoquait un squat plus qu'autre chose, avec son matelas à même le sol et l'absence quasi-totale de meubles. Elle venait d'arriver de sa campagne, probablement seule pour la première fois, loin de ses parents. Ses cartons étaient encore fermés. Nous nous étions raconté nos vies respectives, mais je ne savais pas vraiment quoi leur dire et m'étais surtout contenté d'écouter. Puis nous étions sortis boire un verre dans un pub irlandais en face de l'immeuble.

    Le pub était quasiment plongé dans le noir. Nous étions les seuls clients. Je les avais écoutées discuter entre elles, n'ayant aucune question ni aucun commentaire à faire sur leurs vies dont je comprenais petit à petit qu'elles ne m'intéressaient pas, dont je réalisais que je ne voulais pas les connaître. La mort d'un père, véritable tyran domestique. Le frère tombé dans la drogue, violent lui aussi. L'enfant attendu, d'un homme non-identifié. Elles avaient fini par m'avouer – sans raison particulière, tout comme elles m'avaient menti sans raison particulière – qu'elles n'étaient pas sœurs.

    Qu'attendait-elle de moi ? Elle avait rapidement quitté l'immeuble et m'avait envoyé une ou deux lettres, longtemps, auxquelles j'avais probablement répondu avec un désintérêt poli. Elle n'avait pas insisté, attendant de pouvoir revenir me hanter, plus de dix ans après, au moment où je n'aurais plus aucun moyen de la retrouver.

    ENGLISH

    Her days at the restaurant started at seven in the morning and sometimes ended at two a.m. She must have been sixteen, seventeen years old. Life hadn’t waited to assign her a place and define what she was allowed to expect. She seemed lost, tired, and naive to me – a marked victim, one of so many. I had felt a strong disgust one evening when one of her bosses was at her place – a man in his forties, with the air of a scheming, cynical lumpen-proletarian, just clever enough to gain a bit of power over young girls and make use of it. He was sprawled on a mattress on the floor, at her place, and pontificating. I imagined he would try to screw her sooner or later. Perhaps, in the midst of my disgust, I envied him for it.

    One evening she knocked on my door. We had crossed paths two or three times since I’d moved into the building. A shy brunette with a strange look in her eyes, a bit younger than me – so, underage. She had invited me for a beer at her place, along with a young woman she introduced as her sister. She worked as a waitress in a restaurant downtown. The apartment was tiny and felt more like a squat than anything else, with a mattress on the floor and almost no furniture. She had just arrived from the countryside, probably alone for the first time, far from her parents. Her boxes were still sealed. We’d shared our life stories, though I didn’t really know what to tell them and mostly just listened. Then we went out for a drink at an Irish pub across the street.

    The pub was almost completely dark. We were the only customers. I listened to them talk to each other, with no questions or comments to offer about their lives – lives I was gradually realizing didn’t interest me, lives I didn’t want to know. A dead father, a true domestic tyrant. A brother who’d fallen into drugs, also violent. A pregnancy, with the father unknown. Eventually, they admitted to me — for no particular reason, just as they had lied for no particular reason – that they weren’t actually sisters.

    What did she expect from me? She quickly moved out of the building and sent me one or two letters over time, to which I probably responded with polite disinterest. She didn’t insist, waiting instead to come back and haunt me more than ten years later, at a time when I would have no way of finding her again.

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  • Portes ouvertes / Open doors

    FRANÇAIS

    C’est la nuit, je me balade dehors ou marche en direction d’un endroit précis, je ne sais plus ; mais j’entre inopinément dans un immeuble, attiré par je ne sais quoi. Je me retrouve dans un long couloir, comme dans un lycée ou un hôpital. Tout au bout il y a une salle où des gens (plutôt jeunes, la vingtaine, trentaine) dansent ou remuent étrangement, et dans un silence complet. Je finis par comprendre ou émettre l’hypothèse que ce sont des sourds-muets qui font une petite fête à leur manière. Je visite une pièce au hasard, dans le couloir ; une cuisine. Tant dans le couloir que dans cette cuisine l’architecture et la décoration ont un côté vieillot mais qui n’a rien de malsain, au contraire, c’est accueillant comme un foyer, un lieu que j’aurais connu ou pu connaître dans mon enfance, ma jeunesse. Je prends quelques photos. Plus tard, les gens que j’avais vus danser sont là aussi et peut-être qu’on discute, en tous cas je suis parmi eux sans que ma présence intrusive les gêne ou me soit reprochée, et j’envisage de rester encore.

    ENGLISH

    It's nighttime, I'm wandering around outside or walking toward a specific place, I don't know which; but I unexpectedly enter a building, drawn by I don't know what. I find myself in a long corridor, like in a high school or a hospital. At the end of it, there is a room where people (mostly young, in their twenties or thirties) are dancing or moving strangely, in complete silence. I eventually understand, or hypothesize, that they are deaf-mutes having a little party in their own way. I visit a random room in the hallway: a kitchen. Both the hallway and the kitchen have an old-fashioned feel to their architecture and decor, but there is nothing unhealthy about it. On the contrary, it is welcoming, like a home, a place I would have known or could have known in my childhood or youth. I take a few photos. Later, the people I saw dancing are there too, and perhaps we chat. In any case, I am among them without my intrusive presence bothering them or being reproached, and I consider staying a little longer.

     

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  • CDI / Documentation center

    FRANÇAIS

    Je suis chez moi et suis énervé ou frustré par la configuration des lieux, étriquée, m’empêchant de faire de la musique dans de bonnes conditions. Puis je visite une autre pièce de mon logement (un grand appartement voire une maison entière), beaucoup plus vaste, spacieuse, assez pour recevoir un groupe qui répète, et je décide d’y déplacer mon PC et mes instruments. C’est une salle qui ressemble à un CDI ou à une salle de lecture dans une bibliothèque – linoleum au sol, poutres, tables de travail, etc. Je réalise que je devrai couper mon PC de l’internet mais ça ne me dérange pas, je décide que ma tablette suffira à tchatter. Je suis euphorique au sujet de cette nouvelle organisation de l’espace. Ensuite je visite les lieux avec quelqu’un, probablement Éric, et la salle où je compte faire de la musique ressemble de plus en plus à un CDI, il faut descendre quelques marches pour y accéder, il y a un puits au milieu de la pièce (qui donne sur une autre pièce m’appartenant également, sans doute), des baies vitrées qui permettent de voir la rue, dehors – des rues désertes, délabrées et sales, comme la rue d’Or à Sarreguemines ou les rues les plus vieilles de Welferding. Nous sortons sur le toit, qui est en terrasse, et surplombé d’un dôme qui empêche quiconque d’entrer, et m’empêche moi d’entrer dans les immeubles qui entourent le mien, tant nous sommes proches (notamment un musée dont je vois l’arrière, mais sa nature précise m’échappe).

    ENGLISH

    I'm at home and feeling frustrated or irritated by how cramped the space is – it’s keeping me from making music under decent conditions. Then I discover another room in my apartment (or perhaps it’s an entire house), much larger and more spacious, big enough to host a band rehearsal, and I decide to move my PC and instruments there. It’s a room that resembles a school library or a reading room – linoleum floors, beams, work tables, and so on. I realize I’ll have to disconnect my PC from the internet, but that doesn’t bother me; I decide my tablet will be enough for chatting. I feel euphoric about this new organization of space.

    Later, I visit the space with someone – probably Éric – and the room where I plan to make music looks more and more like a school library. To get there, you have to go down a few steps. There’s a well in the middle of the room (which opens onto another room that also belongs to me, I think), and large bay windows that look out onto the street – empty, dilapidated, and dirty streets, like Rue d’Or in Sarreguemines or the oldest streets in Welferding. We step out onto the roof, which is a terrace, topped with a dome that prevents anyone from entering, and also prevents me from entering the buildings surrounding mine – despite their proximity. One of them is a museum, of which I can see the back, though I can’t quite tell what kind of museum it is.

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  • Blâmont (english)

    These photos were used as illustrations for a small booklet published by other comrades from the Eastern Psychogeographic Collective, recounting their own vision of the exploration of Blâmont – their collective exploration took place on a different day, without a camera. It should be somewhere on the internet. 

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    These greyish, poor, old-fashioned houses remind me of Méry-sur-Seine, which I visited with a friend a few years ago, near Troyes. The same could be said of Saint-Mihiel, in the Meuse. This color of plaster is almost the reason this blog exists. It evokes in me – although I didn’t grow up in that kind of setting at all – ancestral memories, as if the memory of my ancestors’ abject poverty in the 19th century had somehow passed into my blood.

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    Hardly anyone in the streets, on a weekday morning. The few passersby heading to the only open bakery are the only Blâmont residents I’ll come across – apart from the only bar’s customers.

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    For how many decades has this wall borne that painted hexagon? The entire town seems frozen in time. Accustomed to living in cities that have invested heavily over the years to modernize, refresh, and adapt to economic, touristic, and ecological demands, wandering through Blâmont feels like traveling back in time.

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    The typical kind of bakery I find myself entering before heading to high school, in those repetitive, dreary dreams that remain incomprehensible after all these years; old-fashioned shops with yellowish lighting, mere passageways no one really pays attention to, where no one talks to anyone, where you walk in still half-asleep – if not simply dulled by the weariness of facing yet another identical day. These passageway places – bakeries, downtown supermarkets, buses, building lobbies and corridors – are taking up more and more space in my mental landscape, though I can't quite say why. Perhaps because they are real life, the actual places where it unfolds, and reality always ends up demanding a place of its own.

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    These grey shutters take me back to Nancy. Metal, rust, rain – the basic ingredients of my twenties. Growing up, learning about life in an environment marked by age, decay, and the visible passage of time – but also by the beauty of what has passed – is an experience that shapes people in a fundamentally different way than being born and raised in a Ikea / prefab homes kind of setting, where everything is replaced every five years according to trends and the latest clever piece of furniture or gadget to acquire. Those residential neighborhoods with brand-new, shiny houses, where everything looks like it just came out of the factory, frighten and depress me more than any desolation found in a decaying industrial town.

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    A nearly medieval alleyway with scabrous walls. A vampire movie set – if not for the PVC roller shutters.

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    There’s something comforting, something familiar, in these houses that seem to huddle against one another; people live packed together, close together, keeping each other warm.

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    Everything is quiet here because everything is over. Which means one can finally begin to live.

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    Nothing moves, nothing is noisy, nothing bubbles – except perhaps the inner thought, made sharper by the absence of distraction.

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    Small houses to live small lives. A fantasy of simplicity, anonymity, and silence.

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  • Blâmont (français)

    Ces photos ont servi d'illustrations pour une petite brochure éditée par d'autres camarades du Groupement Psychogéographique de l'Est, narrant leur propre vision de l'exploration de Blâmont – leur exploration, collective, s'étant déroulée un autre jour, sans appareil photo. Cela doit se trouver quelque part sur le net. 

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    Ces maisons grisâtres, pauvres, vieillottes, me font penser à Méry-sur-Seine que j'avais visitée avec un ami il y a quelques années, dans les environs de Troyes. On pourrait en dire autant de Saint-Mihiel, dans la Meuse. Cette couleur de crépis est presque la raison de l'existence de ce blog. Elle m'évoque, bien que je n'aie pas du tout grandi dans ce genre de décor, des souvenirs ancestraux, comme si la mémoire de la misère noire de mes ancêtres au XIXè siècle était passée dans le sang.

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    Personne ou presque dans les rues, un matin en pleine semaine. Ces passants marchant vers l'unique boulangerie ouverte sont les seuls Blâmontais que je croiserai, clients du bistrot exceptés.

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    Depuis combien de décennies ce mur porte-t-il cet hexagone peint ? La ville entière semble être « dans son jus ». Habitué à vivre dans des villes qui ont lourdement investi au fil du temps pour se moderniser, se rafraîchir, s'adapter aux exigences économiques, touristiques, écologiques, etc, déambuler Blâmont a quelque chose du voyage dans le temps.

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    Typiquement le genre de boulangeries dans lesquelles j'entre avant d'aller au lycée, dans ces rêves répétitifs, moroses, incompréhensibles après toutes ces années ; des commerces vieillots à l'éclairage jaunâtre, purs lieux de passage auxquels on ne prête pas réellement attention et où personne ne parle à personne, où l'on entre encore engourdi de sommeil quand ce n'est pas de lassitude de devoir encore une journée identique à tant d'autres. Ces lieux de passages – boulangeries, supermarchés de centre ville, autobus, halls et couloirs d'immeubles – sont un paysage qui grandit toujours plus dans mon paysage mental, sans que je ne sache exactement pourquoi. Peut-être parce qu'ils sont la vraie vie, les vrais lieux où elle se déroule, et que le réel finit toujours par exiger qu'on lui laisse une place.

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    Ces volets gris me renvoient à Nancy. Le métal, la rouille, la pluie ; les ingrédients de base de mes vingt ans. Grandir, apprendre la vie, dans un environnement marqué par la vieillesse, la détérioration, les effets visibles du temps, mais aussi la beauté des choses passées est une expérience, et produit des êtres fondamentalement différents, que lorsqu'on nait et se développe dans un décor Conforama, Ikea, maisons Phénix, où tout est remplacé tous les cinq ans en fonction des modes et des nouveaux meubles ou objets malins à acquérir. Ces quartiers résidentiels de maisons neuves, rutilantes, ou tout semble sortir à peine de l'usine, m'effraient et me dépriment plus que n'importe quelle désolation de ville industrielle sinistrée.

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    Une ruelle quasi-médiévale aux murs lépreux. Un décor de film de vampire, si n'étaient ces rideaux roulants en PVC.

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    Il y a quelque chose de confortable, de familial, dans ces maisons qui semblent se presser les unes contre les autres ; on vit entassés, on vit collés, on se tient chaud.

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    Tout est calme ici, parce que tout est terminé. Ce qui signifie que l'on peut commencer à vivre.

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    Rien ne bouge, rien n'est bruyant, rien ne bouillonne, sauf peut-être la pensée intérieure, rendue plus vive par l’absence de distraction.

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    Petites maisons où vivre de petites vies. Fantasme de simplicité, d'anonymat, de silence.

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  • Le Caperlino

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  • Errance éternelle (non-daté) / Eternal wandering (undated)

    FRANÇAIS

    Rues écrasées de soleil, à midi. Par moments, l'espace d'un instant, les ténèbres invisibles qui enveloppent la ville se dissipent imperceptiblement et on dirait que quelque chose, qui aurait à voir avec la vie, pourrait arriver, va arriver. Ensuite l'errance reprend.

    *

    Les immeubles bourgeois, leurs cages d'escaliers silencieuses, leurs portes fermées, leurs ascenseurs, l'impression de mystère et d'étrangeté qui s'en dégagent, la fascination qu'ils exercent sur moi et qui vient de mon enfance, d'avoir suivi ma mère dans des immeubles de ce genre, chez le médecin ou dans des administrations ou dans d'autres circonstances encore que je ne comprenais pas vraiment. C'était comme si des mondes entiers se cachaient derrière des portes, dans des couloirs anonymes, silencieux, labyrinthiques, apparemment infinis.

    *

    Des cours intérieures dans la ville, que j'imagine comme des haltes, des lieux de repos dans une errance interminable, éternelle, à travers un labyrinthe.

    ENGLISH

    Streets crushed by the noonday sun. At times – just for a moment – the invisible darkness shrouding the city lifts, ever so slightly, and it feels as though something – something to do with life – might happen, is about to happen. Then the aimless wandering resumes.

    The bourgeois buildings, their silent stairwells, their closed doors, their elevators – the sense of mystery and strangeness they exude, the fascination they hold for me, rooted in childhood: following my mother into places like these, to doctors’ offices, to administrative appointments, or into situations I didn’t quite understand. It was as if entire worlds were hidden behind those doors, in those anonymous corridors – silent, labyrinthine, seemingly endless.

    Inner courtyards in the city, that I imagine as resting places – brief halts in an endless, eternal wandering through a maze.

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  • Cages d'escaliers infinies / Endless stairwells

    FRANÇAIS

    Les entrées et les cages d'escaliers des vieux immeubles ravivent des souvenirs d'enfance : être trimballé par ma mère, dans des immeubles où elle avait des gens à voir, généralement des médecins. Je rêve de plus en plus souvent de cages d'escaliers infinies, labyrinthiques, où règne une pénombre froide et dérangeante, qui n'est ni le jour ni la nuit. Je m'y perds à la recherche de quelqu'un ou d'un appartement, ou bien en fuyant un danger vague. Parfois ces cages d'escaliers donnent sur d'autres, comme si les immeubles communiquaient entre eux, sans nulle existence d'un monde extérieur. Parfois aussi ces immeubles contiennent des rues, des quartiers entiers – des mondes imbriqués.

    ENGLISH

    The entrances and stairwells of old buildings bring back childhood memories: being dragged around by my mother to buildings where she had people to see, usually doctors. I dream more and more often of endless, labyrinthine stairwells, where a cold and disturbing twilight reigns, neither day nor night. I get lost in them, searching for someone or an apartment, or fleeing from some vague danger. Sometimes these stairwells lead to others, as if the buildings were connected to each other, with no outside world existing. Sometimes these buildings also contain streets, entire neighborhoods – intertwined worlds.

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