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Dans les villes grises / In the grey cities - Page 3

  • Marges / Margins (2008)

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    FRANÇAIS

    J'ai rendez-vous avec elle ; avec son corps, avec son lit, avec sa chambre obscure, sans fenêtre si ce n'est une verrière étrange au plafond qui laisse filtrer une faible luminescence laiteuse, et les ombres d'innombrables plantes. Quand j'arrive elle n'est pas encore seule et me le fait savoir d'une voix terne, impersonnelle, au téléphone. Alors je tue le temps. Sur l'avenue Leclerc, au crépuscule, déserte, pluvieuse et bleutée, je passe en revue les articles misérables du Diabolino – « tout pour la fête et la jonglerie » – dont l'enseigne lumineuse fatiguée, est presque la seule source de lumière dans la rue. Elle montre un visage de femme, stylisé, qui porte un loup.

    J'avance au hasard, débouche dans de petites rues anonymes ou qui mériteraient de l'être – vagues juxtapositions de HLM et d'immeubles de bureaux, au travers des fenêtres desquels on devine des salles de travail, de réunion, de conférence. Une vie intellectuelle, administrative, scientifique, se joue-là, collectivement, à laquelle je ne prends aucune part, ce qui m'inspire un vague regret. Je photographie des cages d'escaliers, des entrées d'immeubles illuminées. Je ne suis jamais rassasié de portes entrouvertes et de fenêtres sur la vie des autres, sur les détails les plus concrets et les plus banals de leurs vies, auxquels ils ne prêtent aucune attention, mais qui me hantent.

    D'épais nuages métalliques s'amoncellent au-dessus de la ville et cachent le crépuscule rose ; ils ont quelque chose d'indéfinissablement attirant, pourtant, loin de toute menace. L'idée de la pluie apparaît presque voluptueuse.

    Je rejoins le boulevard Jean Jaurès, l'une des voies d'entrée de la ville. Ravivant mon fantasme ancien d'y prendre une chambre d'hôtel, là précisément, à la marge de la ville, où rien ne se passe et où personne ne s'arrête. Certain d'y vivre aussi anonyme et introuvable qu'à l'autre bout du monde.

    Enfin nous nous retrouvons et sortons, quelques heures plus tard, pour marcher alors qu'il pleuviote. La tristesse de ces rues ouvrières étroites et grises, de ces maisons mitoyennes, basses, étroites et grises, et des vies étroites, basses et grises, et révoltantes, qui ne peuvent que s'y dérouler. Le corps se révolte contre cette laideur, cette grisaille dans laquelle on est enfermé comme dans une prison, mais cette révolte avant que d'avoir pu produire de la colère, s'échoue en tristesse. Nous croisons des prostituées à un carrefour. Nous les dépassons pour explorer le quartier de Saurupt. Je la prends en photo sous la pluie et nous rentrons faire l'amour.

    ENGLISH

    I have a rendezvous with her; with her body, with her bed, with her dark room, windowless except for a strange glass canopy in the ceiling that lets in a faint, milky luminescence, and the shadows of countless plants. When I arrive, she’s not yet alone and lets me know in a dull, impersonal voice, over the phone. So I kill time. On Avenue Leclerc, at dusk – deserted, rainy, and bluish – I browse the miserable items of a shop called Diabolino – "everything for parties and juggling" – whose tired neon sign is nearly the only source of light on the street. It shows a stylized woman’s face wearing a mask.

    I wander aimlessly, ending up in small anonymous streets, that deserve to be anonymous – vague juxtapositions of housing projects and office buildings, behind whose windows one can glimpse meeting rooms, workspaces, conference halls. An intellectual, administrative, scientific life plays out there, collectively, one I take no part in, which fills me with a vague regret. I photograph stairwells, the lit-up entrances of apartment blocks. I am never sated with half-open doors and windows into other people’s lives, into the most concrete and banal details of their existence, which they pay no attention to, but which haunt me.

    Heavy metallic clouds gather above the city, hiding the pink dusk; yet they are somehow indescribably alluring, far from threatening. The idea of rain feels almost voluptuous.

    I reach Boulevard Jean Jaurès, one of the main ways into the city. It revives an old fantasy of mine: to take a hotel room there, precisely there, at the city's margins, where nothing happens and no one stops. To live there as anonymously and untraceably as at the far end of the world.

    Finally, we meet up and go out a few hours later to walk in the drizzle. The sadness of these narrow, gray working-class streets, these low, narrow, gray terraced houses, and the narrow, low, gray, revolting lives that can only be lived there. The body rebels against this ugliness, this grayness in which we are locked up like in a prison, but this rebellion, before it can produce anger, ends in sadness. We see prostitutes at a crossroads. We walk past them to explore the Saurupt neighborhood. I take a picture of her in the rain and we go home to make love.

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  • Antichambres de béton / Concrete antechambers

    FRANÇAIS

    Je vis seul dans un petit appartement dans une sorte de galerie, ou de passage couvert. Il y a de la musique qui joue dehors, très fort, et je sens l'angoisse monter en moi. Je vois la galerie par des fenêtres suffisamment grandes pour être qualifiables de baies vitrées. Il y a un autre appartement au bout du couloir, pas directement en face du mien ; je sais qu'un jeune homme y vit mais jusqu'ici il ne m'a jamais dérangé. En face de moi il y a une sorte de commerce, type location de voitures, contrôle technique, ou quelque chose dans ce genre. Je réalise que la musique vient de là. Ça me calme un peu ; c'est une nuisance comparable à la musique de supermarché, à certaines heures uniquement, plus tolérable qu'un voisin qui fait la fête jour et nuit comme j'ai pu en avoir. Néanmoins je décide d'aller me réfugier dans une autre partie de mon appartement pour avoir du silence ; une sorte de cave ou de garage puisqu'elle se trouve au même niveau que les autres pièces, et donne ultimement sur une autre rue. C'est une suite de couloirs et de réduits assez sales, obscurs, mais j'y (re)découvre une pièce vaste comme une chambre à coucher, où je n'entends rien et suis certain de ne jamais rien entendre. Je suis fou de joie. Je vois une table basse avec une petite lampe à abat-jour. Je réalise que je suis déjà venu ici mais que je l'avais oublié. Je vais pouvoir, ici, me faire une deuxième chambre et un y installer un bureau pour lire et écrire dans la paix, le silence, séparé du reste du monde par plusieurs antichambres de béton.

    ENGLISH

    I live alone in a small apartment inside a kind of gallery, or covered passageway. Loud music is playing outside, and I feel the anxiety rising in me. I can see the gallery through windows large enough to be called bay windows. There’s another apartment at the end of the corridor, not directly across from mine; I know a young man lives there, but so far he’s never disturbed me. Across from me is a kind of business – car rental, vehicle inspection, or something of that sort. I realize the music is coming from there. That calms me a little; it’s a nuisance similar to supermarket music, only at certain hours – more tolerable than a neighbor partying day and night, as I’ve experienced before.

    Still, I decide to take refuge in another part of my apartment to find some silence – a sort of basement or garage, though it's on the same level as the rest of the place and ultimately opens onto another street. It’s a series of dim, rather dirty corridors and storage rooms, but I (re)discover a space the size of a bedroom, where I can’t hear anything and know I never will. I’m overjoyed. I see a low table with a small lampshade lamp. I realize I’ve been here before but had forgotten about it. I’ll be able to make a second bedroom here, and set up a desk where I can read and write in peace and silence, separated from the rest of the world by several concrete antechambers.

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  • Émilie (1995)

    FRANÇAIS

    Ses journées au restaurant commençaient à sept heures et se finissaient parfois à deux heures du matin. Elle devait avoir seize, dix-sept ans. La vie n'avait pas attendu pour la désigner sa place et ce qu'elle était en droit d'attendre. Elle me paraissait paumée, fatiguée et naïve ; une victime désignée comme il y en a tant. J'avais ressenti un vif dégoût, un soir où chez elle était présent l'un de ses patrons, la quarantaine, avec une dégaine de lumpenprolétaire combinard et cynique, juste assez malin pour acquérir un peu de pouvoir sur des gamines et en user. Il était affalé sur un matelas au sol, chez elle, et pérorait. J'imaginais qu'il tenterait tôt ou tard de la baiser. Peut-être qu'au milieu de mon dégoût je le jalousais pour cela.

    Un soir elle avait tapé à ma porte. Nous nous étions croisés deux ou trois fois depuis mon arrivée dans l'immeuble. Une brune timide, au regard étrange, un peu plus jeune que moi – donc mineure. Elle m'avait invité à boire une bière chez elle, avec une jeune femme qu'elle avait présentée comme sa sœur. Elle était serveuse dans un restaurant en ville. L'appartement était minuscule et évoquait un squat plus qu'autre chose, avec son matelas à même le sol et l'absence quasi-totale de meubles. Elle venait d'arriver de sa campagne, probablement seule pour la première fois, loin de ses parents. Ses cartons étaient encore fermés. Nous nous étions raconté nos vies respectives, mais je ne savais pas vraiment quoi leur dire et m'étais surtout contenté d'écouter. Puis nous étions sortis boire un verre dans un pub irlandais en face de l'immeuble.

    Le pub était quasiment plongé dans le noir. Nous étions les seuls clients. Je les avais écoutées discuter entre elles, n'ayant aucune question ni aucun commentaire à faire sur leurs vies dont je comprenais petit à petit qu'elles ne m'intéressaient pas, dont je réalisais que je ne voulais pas les connaître. La mort d'un père, véritable tyran domestique. Le frère tombé dans la drogue, violent lui aussi. L'enfant attendu, d'un homme non-identifié. Elles avaient fini par m'avouer – sans raison particulière, tout comme elles m'avaient menti sans raison particulière – qu'elles n'étaient pas sœurs.

    Qu'attendait-elle de moi ? Elle avait rapidement quitté l'immeuble et m'avait envoyé une ou deux lettres, longtemps, auxquelles j'avais probablement répondu avec un désintérêt poli. Elle n'avait pas insisté, attendant de pouvoir revenir me hanter, plus de dix ans après, au moment où je n'aurais plus aucun moyen de la retrouver.

    ENGLISH

    Her days at the restaurant started at seven in the morning and sometimes ended at two a.m. She must have been sixteen, seventeen years old. Life hadn’t waited to assign her a place and define what she was allowed to expect. She seemed lost, tired, and naive to me – a marked victim, one of so many. I had felt a strong disgust one evening when one of her bosses was at her place – a man in his forties, with the air of a scheming, cynical lumpen-proletarian, just clever enough to gain a bit of power over young girls and make use of it. He was sprawled on a mattress on the floor, at her place, and pontificating. I imagined he would try to screw her sooner or later. Perhaps, in the midst of my disgust, I envied him for it.

    One evening she knocked on my door. We had crossed paths two or three times since I’d moved into the building. A shy brunette with a strange look in her eyes, a bit younger than me – so, underage. She had invited me for a beer at her place, along with a young woman she introduced as her sister. She worked as a waitress in a restaurant downtown. The apartment was tiny and felt more like a squat than anything else, with a mattress on the floor and almost no furniture. She had just arrived from the countryside, probably alone for the first time, far from her parents. Her boxes were still sealed. We’d shared our life stories, though I didn’t really know what to tell them and mostly just listened. Then we went out for a drink at an Irish pub across the street.

    The pub was almost completely dark. We were the only customers. I listened to them talk to each other, with no questions or comments to offer about their lives – lives I was gradually realizing didn’t interest me, lives I didn’t want to know. A dead father, a true domestic tyrant. A brother who’d fallen into drugs, also violent. A pregnancy, with the father unknown. Eventually, they admitted to me — for no particular reason, just as they had lied for no particular reason – that they weren’t actually sisters.

    What did she expect from me? She quickly moved out of the building and sent me one or two letters over time, to which I probably responded with polite disinterest. She didn’t insist, waiting instead to come back and haunt me more than ten years later, at a time when I would have no way of finding her again.

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  • Portes ouvertes / Open doors

    FRANÇAIS

    C’est la nuit, je me balade dehors ou marche en direction d’un endroit précis, je ne sais plus ; mais j’entre inopinément dans un immeuble, attiré par je ne sais quoi. Je me retrouve dans un long couloir, comme dans un lycée ou un hôpital. Tout au bout il y a une salle où des gens (plutôt jeunes, la vingtaine, trentaine) dansent ou remuent étrangement, et dans un silence complet. Je finis par comprendre ou émettre l’hypothèse que ce sont des sourds-muets qui font une petite fête à leur manière. Je visite une pièce au hasard, dans le couloir ; une cuisine. Tant dans le couloir que dans cette cuisine l’architecture et la décoration ont un côté vieillot mais qui n’a rien de malsain, au contraire, c’est accueillant comme un foyer, un lieu que j’aurais connu ou pu connaître dans mon enfance, ma jeunesse. Je prends quelques photos. Plus tard, les gens que j’avais vus danser sont là aussi et peut-être qu’on discute, en tous cas je suis parmi eux sans que ma présence intrusive les gêne ou me soit reprochée, et j’envisage de rester encore.

    ENGLISH

    It's nighttime, I'm wandering around outside or walking toward a specific place, I don't know which; but I unexpectedly enter a building, drawn by I don't know what. I find myself in a long corridor, like in a high school or a hospital. At the end of it, there is a room where people (mostly young, in their twenties or thirties) are dancing or moving strangely, in complete silence. I eventually understand, or hypothesize, that they are deaf-mutes having a little party in their own way. I visit a random room in the hallway: a kitchen. Both the hallway and the kitchen have an old-fashioned feel to their architecture and decor, but there is nothing unhealthy about it. On the contrary, it is welcoming, like a home, a place I would have known or could have known in my childhood or youth. I take a few photos. Later, the people I saw dancing are there too, and perhaps we chat. In any case, I am among them without my intrusive presence bothering them or being reproached, and I consider staying a little longer.

     

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  • CDI / Documentation center

    FRANÇAIS

    Je suis chez moi et suis énervé ou frustré par la configuration des lieux, étriquée, m’empêchant de faire de la musique dans de bonnes conditions. Puis je visite une autre pièce de mon logement (un grand appartement voire une maison entière), beaucoup plus vaste, spacieuse, assez pour recevoir un groupe qui répète, et je décide d’y déplacer mon PC et mes instruments. C’est une salle qui ressemble à un CDI ou à une salle de lecture dans une bibliothèque – linoleum au sol, poutres, tables de travail, etc. Je réalise que je devrai couper mon PC de l’internet mais ça ne me dérange pas, je décide que ma tablette suffira à tchatter. Je suis euphorique au sujet de cette nouvelle organisation de l’espace. Ensuite je visite les lieux avec quelqu’un, probablement Éric, et la salle où je compte faire de la musique ressemble de plus en plus à un CDI, il faut descendre quelques marches pour y accéder, il y a un puits au milieu de la pièce (qui donne sur une autre pièce m’appartenant également, sans doute), des baies vitrées qui permettent de voir la rue, dehors – des rues désertes, délabrées et sales, comme la rue d’Or à Sarreguemines ou les rues les plus vieilles de Welferding. Nous sortons sur le toit, qui est en terrasse, et surplombé d’un dôme qui empêche quiconque d’entrer, et m’empêche moi d’entrer dans les immeubles qui entourent le mien, tant nous sommes proches (notamment un musée dont je vois l’arrière, mais sa nature précise m’échappe).

    ENGLISH

    I'm at home and feeling frustrated or irritated by how cramped the space is – it’s keeping me from making music under decent conditions. Then I discover another room in my apartment (or perhaps it’s an entire house), much larger and more spacious, big enough to host a band rehearsal, and I decide to move my PC and instruments there. It’s a room that resembles a school library or a reading room – linoleum floors, beams, work tables, and so on. I realize I’ll have to disconnect my PC from the internet, but that doesn’t bother me; I decide my tablet will be enough for chatting. I feel euphoric about this new organization of space.

    Later, I visit the space with someone – probably Éric – and the room where I plan to make music looks more and more like a school library. To get there, you have to go down a few steps. There’s a well in the middle of the room (which opens onto another room that also belongs to me, I think), and large bay windows that look out onto the street – empty, dilapidated, and dirty streets, like Rue d’Or in Sarreguemines or the oldest streets in Welferding. We step out onto the roof, which is a terrace, topped with a dome that prevents anyone from entering, and also prevents me from entering the buildings surrounding mine – despite their proximity. One of them is a museum, of which I can see the back, though I can’t quite tell what kind of museum it is.

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  • Blâmont (english)

    These photos were used as illustrations for a small booklet published by other comrades from the Eastern Psychogeographic Collective, recounting their own vision of the exploration of Blâmont – their collective exploration took place on a different day, without a camera. It should be somewhere on the internet. 

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    These greyish, poor, old-fashioned houses remind me of Méry-sur-Seine, which I visited with a friend a few years ago, near Troyes. The same could be said of Saint-Mihiel, in the Meuse. This color of plaster is almost the reason this blog exists. It evokes in me – although I didn’t grow up in that kind of setting at all – ancestral memories, as if the memory of my ancestors’ abject poverty in the 19th century had somehow passed into my blood.

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    Hardly anyone in the streets, on a weekday morning. The few passersby heading to the only open bakery are the only Blâmont residents I’ll come across – apart from the only bar’s customers.

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    For how many decades has this wall borne that painted hexagon? The entire town seems frozen in time. Accustomed to living in cities that have invested heavily over the years to modernize, refresh, and adapt to economic, touristic, and ecological demands, wandering through Blâmont feels like traveling back in time.

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    The typical kind of bakery I find myself entering before heading to high school, in those repetitive, dreary dreams that remain incomprehensible after all these years; old-fashioned shops with yellowish lighting, mere passageways no one really pays attention to, where no one talks to anyone, where you walk in still half-asleep – if not simply dulled by the weariness of facing yet another identical day. These passageway places – bakeries, downtown supermarkets, buses, building lobbies and corridors – are taking up more and more space in my mental landscape, though I can't quite say why. Perhaps because they are real life, the actual places where it unfolds, and reality always ends up demanding a place of its own.

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    These grey shutters take me back to Nancy. Metal, rust, rain – the basic ingredients of my twenties. Growing up, learning about life in an environment marked by age, decay, and the visible passage of time – but also by the beauty of what has passed – is an experience that shapes people in a fundamentally different way than being born and raised in a Ikea / prefab homes kind of setting, where everything is replaced every five years according to trends and the latest clever piece of furniture or gadget to acquire. Those residential neighborhoods with brand-new, shiny houses, where everything looks like it just came out of the factory, frighten and depress me more than any desolation found in a decaying industrial town.

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    A nearly medieval alleyway with scabrous walls. A vampire movie set – if not for the PVC roller shutters.

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    There’s something comforting, something familiar, in these houses that seem to huddle against one another; people live packed together, close together, keeping each other warm.

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    Everything is quiet here because everything is over. Which means one can finally begin to live.

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    Nothing moves, nothing is noisy, nothing bubbles – except perhaps the inner thought, made sharper by the absence of distraction.

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    Small houses to live small lives. A fantasy of simplicity, anonymity, and silence.

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  • Blâmont (français)

    Ces photos ont servi d'illustrations pour une petite brochure éditée par d'autres camarades du Groupement Psychogéographique de l'Est, narrant leur propre vision de l'exploration de Blâmont – leur exploration, collective, s'étant déroulée un autre jour, sans appareil photo. Cela doit se trouver quelque part sur le net. 

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    Ces maisons grisâtres, pauvres, vieillottes, me font penser à Méry-sur-Seine que j'avais visitée avec un ami il y a quelques années, dans les environs de Troyes. On pourrait en dire autant de Saint-Mihiel, dans la Meuse. Cette couleur de crépis est presque la raison de l'existence de ce blog. Elle m'évoque, bien que je n'aie pas du tout grandi dans ce genre de décor, des souvenirs ancestraux, comme si la mémoire de la misère noire de mes ancêtres au XIXè siècle était passée dans le sang.

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    Personne ou presque dans les rues, un matin en pleine semaine. Ces passants marchant vers l'unique boulangerie ouverte sont les seuls Blâmontais que je croiserai, clients du bistrot exceptés.

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    Depuis combien de décennies ce mur porte-t-il cet hexagone peint ? La ville entière semble être « dans son jus ». Habitué à vivre dans des villes qui ont lourdement investi au fil du temps pour se moderniser, se rafraîchir, s'adapter aux exigences économiques, touristiques, écologiques, etc, déambuler Blâmont a quelque chose du voyage dans le temps.

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    Typiquement le genre de boulangeries dans lesquelles j'entre avant d'aller au lycée, dans ces rêves répétitifs, moroses, incompréhensibles après toutes ces années ; des commerces vieillots à l'éclairage jaunâtre, purs lieux de passage auxquels on ne prête pas réellement attention et où personne ne parle à personne, où l'on entre encore engourdi de sommeil quand ce n'est pas de lassitude de devoir encore une journée identique à tant d'autres. Ces lieux de passages – boulangeries, supermarchés de centre ville, autobus, halls et couloirs d'immeubles – sont un paysage qui grandit toujours plus dans mon paysage mental, sans que je ne sache exactement pourquoi. Peut-être parce qu'ils sont la vraie vie, les vrais lieux où elle se déroule, et que le réel finit toujours par exiger qu'on lui laisse une place.

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    Ces volets gris me renvoient à Nancy. Le métal, la rouille, la pluie ; les ingrédients de base de mes vingt ans. Grandir, apprendre la vie, dans un environnement marqué par la vieillesse, la détérioration, les effets visibles du temps, mais aussi la beauté des choses passées est une expérience, et produit des êtres fondamentalement différents, que lorsqu'on nait et se développe dans un décor Conforama, Ikea, maisons Phénix, où tout est remplacé tous les cinq ans en fonction des modes et des nouveaux meubles ou objets malins à acquérir. Ces quartiers résidentiels de maisons neuves, rutilantes, ou tout semble sortir à peine de l'usine, m'effraient et me dépriment plus que n'importe quelle désolation de ville industrielle sinistrée.

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    Une ruelle quasi-médiévale aux murs lépreux. Un décor de film de vampire, si n'étaient ces rideaux roulants en PVC.

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    Il y a quelque chose de confortable, de familial, dans ces maisons qui semblent se presser les unes contre les autres ; on vit entassés, on vit collés, on se tient chaud.

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    Tout est calme ici, parce que tout est terminé. Ce qui signifie que l'on peut commencer à vivre.

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    Rien ne bouge, rien n'est bruyant, rien ne bouillonne, sauf peut-être la pensée intérieure, rendue plus vive par l’absence de distraction.

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    Petites maisons où vivre de petites vies. Fantasme de simplicité, d'anonymat, de silence.

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  • Errance éternelle (non-daté) / Eternal wandering (undated)

    FRANÇAIS

    Rues écrasées de soleil, à midi. Par moments, l'espace d'un instant, les ténèbres invisibles qui enveloppent la ville se dissipent imperceptiblement et on dirait que quelque chose, qui aurait à voir avec la vie, pourrait arriver, va arriver. Ensuite l'errance reprend.

    *

    Les immeubles bourgeois, leurs cages d'escaliers silencieuses, leurs portes fermées, leurs ascenseurs, l'impression de mystère et d'étrangeté qui s'en dégagent, la fascination qu'ils exercent sur moi et qui vient de mon enfance, d'avoir suivi ma mère dans des immeubles de ce genre, chez le médecin ou dans des administrations ou dans d'autres circonstances encore que je ne comprenais pas vraiment. C'était comme si des mondes entiers se cachaient derrière des portes, dans des couloirs anonymes, silencieux, labyrinthiques, apparemment infinis.

    *

    Des cours intérieures dans la ville, que j'imagine comme des haltes, des lieux de repos dans une errance interminable, éternelle, à travers un labyrinthe.

    ENGLISH

    Streets crushed by the noonday sun. At times – just for a moment – the invisible darkness shrouding the city lifts, ever so slightly, and it feels as though something – something to do with life – might happen, is about to happen. Then the aimless wandering resumes.

    The bourgeois buildings, their silent stairwells, their closed doors, their elevators – the sense of mystery and strangeness they exude, the fascination they hold for me, rooted in childhood: following my mother into places like these, to doctors’ offices, to administrative appointments, or into situations I didn’t quite understand. It was as if entire worlds were hidden behind those doors, in those anonymous corridors – silent, labyrinthine, seemingly endless.

    Inner courtyards in the city, that I imagine as resting places – brief halts in an endless, eternal wandering through a maze.

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  • Cages d'escaliers infinies / Endless stairwells

    FRANÇAIS

    Les entrées et les cages d'escaliers des vieux immeubles ravivent des souvenirs d'enfance : être trimballé par ma mère, dans des immeubles où elle avait des gens à voir, généralement des médecins. Je rêve de plus en plus souvent de cages d'escaliers infinies, labyrinthiques, où règne une pénombre froide et dérangeante, qui n'est ni le jour ni la nuit. Je m'y perds à la recherche de quelqu'un ou d'un appartement, ou bien en fuyant un danger vague. Parfois ces cages d'escaliers donnent sur d'autres, comme si les immeubles communiquaient entre eux, sans nulle existence d'un monde extérieur. Parfois aussi ces immeubles contiennent des rues, des quartiers entiers – des mondes imbriqués.

    ENGLISH

    The entrances and stairwells of old buildings bring back childhood memories: being dragged around by my mother to buildings where she had people to see, usually doctors. I dream more and more often of endless, labyrinthine stairwells, where a cold and disturbing twilight reigns, neither day nor night. I get lost in them, searching for someone or an apartment, or fleeing from some vague danger. Sometimes these stairwells lead to others, as if the buildings were connected to each other, with no outside world existing. Sometimes these buildings also contain streets, entire neighborhoods – intertwined worlds.

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  • Fourmilière / Beehive

    FRANÇAIS

    Je suis censé aller chez P. dans son logement d'étudiant sur un campus. Ou bien est-ce moi, l'étudiant ? Je passe par des couloirs labyrinthiques, interminables, des escaliers, des halls ; partout, des logements étudiants, des étudiants qui déambulent ou regardent la télé en groupe dans un couloir, etc – une ambiance de fourmilière. Plus tard je visite d'autres lieux, des immeubles déstructurés, à moitié détruits et/ou abandonnés, avec des escaliers et des passages à l'air libre entre les étages ; mais tout paraît normal. Il y a un appartement que je visite là-dedans ; le mien, ou celui de P.

    ENGLISH

    I’m supposed to go to P.’s student accommodation on a campus. Or maybe I’m the student. I pass through labyrinthine, endless corridors, staircases, lobbies; everywhere, student rooms, students wandering around or watching TV in groups in the hallway – a bustling, ant-like atmosphere. Later, I visit other places, distorted buildings, half-destroyed and/or abandoned, with open staircases and passages between floors; yet everything seems normal. There’s an apartment I visit inside one of those buildings – mine, or P.’s.

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  • Vouloir se perdre / The desire to get lost (2014)

    FRANÇAIS

    Je me perds dans les impasses et les chemins semi-privés qui bordent le parc Sainte-Marie. Jardins et garages, flaques d'eau, gravier. Je fixe, fasciné sans savoir pourquoi, les fenêtres obscures, qui ne révèlent rien, du lycée. Son béton qui a la même couleur que le ciel, blanchâtre, opaque, à la fois vide et qui semble lourd de quelque chose, de quelque menace.

    Rue du Vieil Aître, je photographie une vieille maison à la verrière cassée, envahie de branches griffues. Son crépi est sale, noirâtre. Les volets peints en bleu comme ceux des maisons balnéaires dans l'ouest de la France. Ils sont fermés sur des pièces probablement vides, inhabitées, qui n'ont pas vu la lumière depuis des années.

    Je me retrouve dans des cours d'immeubles où je n'ai rien à faire, rien qui puisse justifier ma présence. Dans des immeubles de bureaux ou de logements. Une plaque signale ici le cabinet d'un médecin. Lieux de mille vies qui se rejoignent dans le fait de ne pas être la la mienne. Couloirs lumineux et baignés de soleil – ou bien obscurs, silencieux, attirants parce qu'ils évoquent pour moi quelque chose comme le sommeil. La sécurité.

    Derrière les portes cochères, d'innombrables immeubles protégés des regards, dont on se demande à quoi ils ressemblent exactement, à quoi rêvent leurs occupants.

    Je longe les voies rapides qui bordent le centre-ville, poursuivant mes circonvolutions toujours plus larges, mon exil toujours plus grand vers des zones anonymes. Il n'est plus question de nostalgie ou de pèlerinage, mais de fuite, d'une quête incessante de nouveaux quartiers déserts et silencieux que je ne connais pas et où je ne veux que me perdre temporairement, pour n'y jamais revenir.

    Il faut vouloir se perdre pour découvrir des rues et des passages transversaux, étroits, que l'on avait jamais remarqués. D'où viennent ceux qui vivent là ? Comment y sont-ils arrivés eux-mêmes ? Existent-ils seulement ? Ces habitants des confins ne sont après tout qu'hypothétiques : je ne croise absolument personne.

    Cheminées de briques rouges. Volets en bois, à la peinture lépreuse. Arrière-cours et parkings où s'entassent bizarrement des boîtes aux lettres – peut-être leurs propriétaires se sont-ils concertés pour ne plus être joignables ; pour intensifier encore leur isolement. C'est ce que je ferais à leur place.

    Au milieu exact d'une maison, une fenêtre absurdement murée, seule parmi d'autres. Des câbles électriques qui zèbrent le ciel, vont d'une maison à l'autre, longent les murs, entrent enfin dans des fenêtres noires qu'aucune vitre ne ferme plus depuis longtemps.

    Au bord du canal, parmi les feuilles mortes et les passerelles métalliques, je regarde un jeune homme et une jeune femme transporter de petits meubles. Bouffée d'envie, à nouveau. Je traverse et m'enfonce dans d'autres ruelles. Certaines cours voient, le long des murets, pousser des rosiers sauvages. Encore des boîtes aux lettres ; certaines sont barrées, scellées de ruban adhésif noir. Ces maisons sont du même crépis beige sale que celle de mes grands-parents. Une nuance qui a elle seule évoque l'après-guerre, les caves humides, l'odeur de la terre. Il me suffit de la voir pour être triste. D'une tristesse préférable à de nombreux plaisirs.

    Abords de la Villa Majorelle, à la nuit tombée. Immeubles Art-Déco, aux couleurs pastel ; des couleurs douces, féminines, qui encore une fois évoquent le sommeil. Je m'arrête devant un bâtiment recouvert de crépi brun, sale comme une vieille moquette, aux fenêtres en verre armé qui ne laissent échapper qu'une lumière laiteuse et faible, attirante comme le néant.

    ENGLISH

    I lose myself in the dead ends and semi-private paths that border Sainte-Marie Park. Gardens and garages, puddles and gravel. I stare, fascinated without knowing why, at the dark windows of the high school. They reveal nothing. Its concrete is the same color as the sky – whitish, opaque – both empty and seemingly heavy with something, with some kind of threat.

    On Rue du Vieil Aître, I photograph an old house with a broken glass roof, overrun by clawing branches. Its plaster is dirty, blackish. The shutters are painted blue like seaside houses in western France. They are closed over rooms likely empty and uninhabited, untouched by light for years.

    I find myself in building courtyards where I have no business, nothing to justify my presence. Office or apartment buildings. A plaque here indicates a doctor’s practice. Places of a thousand lives that share one thing: not being mine. Corridors flooded with sunlight – or else dark, silent, alluring because they evoke something like sleep to me. Safety.

    Behind carriage doors, countless buildings shielded from view. One wonders what they truly look like, what their occupants dream of.

    I follow the expressways skirting the city center, widening my path in ever larger spirals, a growing exile into anonymous zones. There is no longer any question of nostalgia or pilgrimage, but of flight – an endless search for new, deserted, silent neighborhoods I don’t know and where I want only to lose myself briefly, never to return.

    You must want to get lost to discover streets and narrow side passages you never noticed before. Who lives here? How did they get here themselves? Do they even exist? These fringe-dwellers are, after all, hypothetical: I don’t see a single soul.

    Red brick chimneys. Wooden shutters with peeling paint. Backyards and parking lots where mailboxes are strangely clustered together – perhaps their owners have agreed to no longer be reachable, to deepen their isolation. That’s what I would do in their place.

    In the exact middle of a house, a single bricked-up window, absurd among others. Electrical wires stripe the sky, run from one house to another, snake along walls, and finally enter black windows long since missing their glass.

    By the canal, among dead leaves and metal footbridges, I watch a young man and a young woman carry small pieces of furniture. A sudden rush of longing. I cross over and vanish into more alleyways. In some courtyards, wild rose bushes grow along low walls. More mailboxes – some crossed out, sealed with black tape. These houses are covered in the same grimy beige plaster as my grandparents’ house. A color that alone evokes the post-war era, damp cellars, the smell of earth. Just seeing it makes me sad. A sadness preferable to many pleasures.

    Outskirts of the Villa Majorelle, at nightfall. Art Deco buildings in pastel tones; soft, feminine colors that again evoke sleep. I stop in front of a building covered in brown plaster, filthy like old carpet, with wired glass windows that let out only a weak, milky light – something as alluring as the void.

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  • Pardès (1995)

    jardin.jpg

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  • Effluves / Faint smells (2007)

    FRANÇAIS

    Les rues oubliées de Nancy, la nuit, avec leurs immeubles obscurs, l'hôpital central et ses grilles menaçantes, les jardins ouvriers, les ruelles, forment une ville secrète que ne cachent qu'aux touristes la Place Stanislas et les quelques hauts lieux du centre. Revenir à Nancy par ces rues désertes, de nuit, m'a toujours mis mal à l'aise, comme quelque chose qui sent vaguement la mort. Qui sent presque au sens propre – car j'ai toujours assimilé Nancy à l'odeur de la terre, d'une cave ou d'égouts, une odeur légère, presque imperceptible, et d'une profonde tristesse.

    Un lundi blafard au parc. Les allées sont désertes, à l'exception d'un paon, qui incompréhensiblement se promène en liberté. Quelques maigres effluves, mélange de végétation, de bière, de tabac, de déjections animales et de parfum, me frappent et évoquent en moi des images indescriptibles, à la limite de la conscience, incroyablement puissantes ; et j'ai alors l'impression d'être un prisonnier évadé, certain d'être rapidement repris, et cette pensée m'effraye.

    Il arrive que je marche dans les rues d'une ville quelconque, et soudain me monte au nez un effluve de tabac, l'odeur fantôme de la bière, les émanations d'une cuisine ; et me reviennent immédiatement la cité universitaire, la nuit vite tombée en automne, et les filles presque inconnues dont je partageais les repas dans la cuisine commune. Cette vie où chacun se sentait, et était, de fait, un étranger, où chacun n'était que de passage et où par conséquent il était possible d'aborder n'importe qui et de lui proposer de partager un repas ou une soirée paisible, sans que cela n'étonne personne. En une fraction de seconde, avant le moindre mot n'ait le temps de naître dans ma conscience, tout cela m'envahit à m'en briser le cœur, et je dois, sans rien montrer à celui ou celle qui m'accompagne et qui ne le comprendrait pas, tout oublier encore une fois.

    ENGLISH

    The forgotten streets of Nancy at night, with their dark buildings, the central hospital and its threatening gates, the workers’ gardens, the alleyways, form a secret city that only the Place Stanislas and a few prominent spots in the center hide from tourists. Returning to Nancy by these deserted streets at night has always made me uneasy, like something vaguely smelling of death. Almost literally – for I have always associated Nancy with the smell of earth, of a cellar or sewers, a faint, almost imperceptible scent, and a deep sadness.

    A pale Monday at the park. The paths are deserted, except for a peacock, inexplicably roaming free. A few faint smells – a mix of vegetation, beer, tobacco, animal droppings, and perfume – strike me and evoke in me indescribable images, at the edge of consciousness, incredibly powerful; and then I feel like an escaped prisoner, certain to be caught soon, and this thought frightens me.

    Sometimes I walk through the streets of some random city, and suddenly a whiff of tobacco rises to my nose, the ghostly smell of beer, the emanations of a kitchen; and immediately the university dorm comes back to me, the night falling quickly in autumn, and the girls I barely knew with whom I shared meals in the common kitchen. That life where everyone felt – and was – in fact, a stranger, where everyone was just passing through, and where it was therefore possible to approach anyone and invite them to share a meal or a quiet evening, without it surprising anyone. In a fraction of a second, before a single word can form in my mind, all this overwhelms me to the point of breaking my heart, and I must, without showing anything to the one who is with me and would not understand, forget it all once again.

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  • Benoît

    FRANÇAIS

    Je l'avais suivi dans sa cité universitaire déserte et obscure, à proximité du campus. Nous n'avions rien de particulier à faire chez lui ; peut-être voulait-il seulement me montrer l'étendue de sa solitude, le demi-enfer de pénombre et de silence où il ressassait sa jeunesse ratée et les innombrables échecs encore à venir qu'il pressentait. Sans être beaucoup plus âgé que moi, il était déjà empâté par l'alcool et la paresse, mal fagoté et sale, affichant consciemment ou non son renoncement à ne serait-ce que faire illusion, à dissimuler sa marginalité - une marginalité anonyme, méconnue et discrète, celle des enfants perdus de la classe moyenne, qui est la plus honteuse et dont on ne se remet jamais.

    ENGLISH

    I had followed him into his deserted and shadowy student housing near the campus. We had nothing in particular to do at his place; perhaps he only wanted to show me the extent of his solitude, the half-hell of dimness and silence where he brooded over his failed youth and the countless future failures he already sensed. Though he wasn’t much older than me, he was already bloated from alcohol and laziness, sloppily dressed and unclean, consciously or not displaying his refusal to even keep up appearances, to hide his marginality – a marginality that was anonymous, overlooked, and quiet, the kind that belongs to the lost children of the middle class, the most shameful kind, the kind you never recover from.

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  • Au ralenti / Idling

    FRANÇAIS

    Je passe la nuit chez elle, dans sa chambre de la cité Médreville. Elle ne porte qu’un T-shirt et ses jambes, son sexe disponible me hantent toute la nuit. Les heures passent comme des siècles. Dans le noir, à une distance qui ne permet pas de croire au contact accidentel, je lui touche le bras. Elle rit et je renonce à aller plus loin, mortifié. J'écoute ensuite un bruit sourd, venu de dehors, comme une voiture qui tourne au ralenti, qui me berce, et je finis par m'endormir.

    ENGLISH

    I spend the night at her place, in her room in the Médreville university dorm. She’s only wearing a T-shirt, and her legs, her available sex haunt me all night. The hours pass like centuries. In the dark, at a distance that rules out any accidental contact, I touch her arm. She laughs, and I give up on going any further, mortified. Then I listen to a low sound coming from outside, like a car idling, lulling me to sleep, and I eventually drift off.

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  • Absence totale de ciel / Total absence of sky (2000)

    FRANÇAIS

    Des couloirs à l'éclairage tantôt cru et aveuglant, tantôt insuffisant et sinistre, que je revois en rêve, et où je me perds avec une excitation morose. Escalators, locaux techniques, passages de service. Le bruit des systèmes de ventilation, léger mais constant. Un grondement sourd comme celui d'une machine paisible dont les clients qui déambulent feraient eux-mêmes partie. J'y errais en fin d'après-midi, lisant interminablement la presse dans les allées du Monoprix, déambulant entre les rayonnages impeccables. La lumière des néons, l'absence totale de ciel me reposaient et me rassuraient.

    ENGLISH

    Corridors whose lighting was sometimes harsh and blinding, sometimes dim and sinister, that I revisit in dreams and where I lose myself with a kind of morose excitement. Escalators, technical rooms, service passages. The sound of ventilation systems, light but constant. A dull hum, like that of a peaceful machine, of which the wandering customers seemed to be a part themselves. I would wander there in the late afternoon, endlessly reading the newspapers in the aisles of the Monoprix, drifting between the impeccable shelves. The neon lighting, the complete absence of sky, soothed and reassured me.

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  • Pluie / Rain


    podcast

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  • Marcher sans trêve / Walking without end

    FRANÇAIS

    Rues sans histoire, aux volets fermés. Tout a l'air vieux, fatigué et sale ; en d'autres termes, réel ; inhospitalier, voire hostile, mais bien réel, comparé à la propreté factice et à la convivialité factice des quartiers touristiques. Je ne croise que peu de passants. J'imagine leur absence totale et le silence encore plus grand, la paix encore plus grande des dimanches, des grandes vacances. Je longe des murs à hauteur d'homme qui cachent des jardins, des endroits où peuvent jouer et grandir des enfants. Des lieux où l'on peut s'arrêter de marcher sans trêve. Des murs qui cachent un repos qui m'est inaccessible.

    ENGLISH

    Streets without stories, with shutters closed. Everything looks old, tired, and dirty – in other words, real; inhospitable, even hostile, but far more real than the fake cleanliness and forced friendliness of tourist districts. I pass only a few people. I imagine their total absence, the even deeper silence, the even greater peace of Sundays, of long summer holidays. I walk along low walls, chest-high, hiding gardens – places where children might play and grow. Places where one could stop walking without end. Walls that conceal a kind of rest that remains out of reach for me.

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  • Arrivée / Arrival

    FRANÇAIS

    Quelques extraits de mes journaux intimes de jeunesse :

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    1998

    J'ai emprunté à ma sœur une cassette où elle a enregistré, à la radio, plusieurs épisodes à la suite d'une émission comique. Je l'écoute dans ma chambre, en boucle, et dans la voiture où mes parents m'emmènent à Nancy pour trouver un appartement. Depuis des années je n'écoute que des musiques étranges, glaciales, inamicales et impartageables. Ces voix humaines, à la radio, avec ce son étouffé et maigre, perclus de parasites, me rappellent, je ne sais pourquoi, RTL qui passait en permanence dans la maison de ma grand-mère.

    Je m'imaginais prendre de nouvelles habitudes, de citadin. Me lever le matin en écoutant les nouvelles ou un débat quelconque, participant ne serait-ce qu'en tant qu'auditeur à une vie plus vaste que la mienne, celle de la nation entière. Mes années de jeunesse à Sarreguemines me paraissent, à ce moment-là, une lente et ennuyeuse préparation à la vraie vie, à la grande ville – quelque chose qui s'apparentait à une montée au front.

    J'éprouvais une excitation sans objet, mais profonde, en arrivant en voiture et en voyant défiler, à l’entrée de la ville, les vitrines des magasins et des services, des restaurants à kebab, des garages automobiles. Le décor n'avait rien de spectaculaire ni même d'engageant, et c'est paradoxalement la raison même pour laquelle Nancy m'a immédiatement ensorcelé ; je n'avais précisément pas l'impression d'être dans un décor, dans une ville se mettant elle-même en scène, ou une reconstitution pour touristes et citoyens post-modernes, mais dans un lieu réel, simplement et incroyablement réel, avec sa banalité, ses incohérences et ses redondances, et une résistance à se livrer proportionnelle à tout ce que je le savais receler.

    [...]

    Je marche dans la ville. J'accumule en moi, sans en avoir conscience, d'innombrables images de saleté et de grisaille, de décrépitude ; des murs noircis par la pollution et l’humidité ; des volets de fer rouillés ; des fleurs à l’agonie dans les jardins bordant les maisons. Ces visions me hanteront pour toujours.

    [...]

    Première visite à l’IUT pour des formalités. Temps automnal. Une nana me branche dès mon arrivée, s’appelle Sabrina et quand nous parlons musique, elle prétend connaître tout ce dont je lui parle. On va boire un café chez elle, à la Cité U, puis une bière chez moi. Nous sympathisons même si je ne sais pas trop sur quel pied danser.

    La Rentrée à l’IUT : amphithéâtre bondé, première rencontre avec monsieur P. qui me fait l’effet d’un fou, première fois aussi que je vois Céline qui me plaît immédiatement. En sortant, des mecs me serrent la main en me disant quelque chose comme « Il va falloir se serrer les coudes ». En effet nous sommes moins d’une dizaines de garçons sur toute la promo.

    Le soir, ma voisine de palier Émilie tape à ma porte. Je suis en train de regarder la télé en mangeant des petits écoliers, mais elle m’invite à boire une bière chez elle avec sa sœur. L’appartement est minuscule et les cartons ne sont pas encore défaits. On se raconte vaguement nos vies respectives. Je ne sais pas trop quoi leur raconter. Nous sortons boire un café dans le pub irlandais en face de l’immeuble. Je les écoute discuter toutes les deux, de leurs vies, en détails ; ma présence n’a pas l’air de les gêner. Émilie a perdu son père il y a deux ans, c’était un tyran domestique. Son frère se drogue depuis l’âge de 12 ans. Il l’a battue avec un bâton de bois, un jour. Elle est tombée enceinte d’elle ne sait pas qui, est sortie avec un homme de 37 ans, etc. Elles m’avouent finalement qu’elles ne sont pas sœurs. Je les observe et me sent un peu perdu face à ces filles paumées pour lesquelles je ne peux rien ; ni moi ni personne d’autre.

    [...]

    Après-midi de parrainage, par les 2ème années, qui nous emmènent dans un bistrot rue de Laxou. Ne sachant pas comment gérer le fait que des gens que je ne connais pas me parlent gentiment, je fais la gueule et m’efforce d’ignorer tout le monde, conscient de mon ridicule et incapable de faire autrement.

    1999

    Je me réveille à Nancy, à 7h40, il pleut et il fait sombre, les voitures bouchonnent dans les rues. Une rentrée dans les règles de l’art.

    Vers 10h je vais traîner à l’IUT, où il n’y a rien ni personne. Je passe à tout hasard chez Lætitia ; elle est là et nous nous retrouvons comme si nous nous étions quittés la veille. Jules arrive, qui a emménagé juste dans l’appartement du dessous. Nous passons l’intégralité de la journée à picoler, chez elle puis à la Cité U, où je retrouve les autres filles. Sandra lève un toast en mon honneur : « à toutes les filles que tu n’auras pas ».

    La rentrée proprement dite a lieu à 14h, amphithéâtre Gallé, qui est bondé. Nous nous mettons au tout premier, contre les murs, mêlés aux profs. Renaud L. est aussi froid et râleur qu’en juin, et félicite tous ceux qui sont passés en deuxième année, « même si tous ne le méritent pas ».

    2000

    Je suis à Nancy et le temps est gris, pluvieux, ce qui me convient parfaitement. Je dépose mon dossier à la fac de Lettres, le matin, et apprends que je n'aurai de réponse (quant à mon entrée directement en deuxième année de DEUG) qu'à la mi-septembre. Ensuite je vais sonner chez Lydie, qui est chez elle. Nous buvons du thé, mangeons des morceaux de gâteau et des tartines de Nutella.

    ENGLISH

    Some excerpts from my teenage diaries:

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    1998

    I borrowed a cassette from my sister on which she’d recorded several episodes of a comedy show from the radio. I listen to it on repeat in my room, and in the car as my parents drive me to Nancy to look for an apartment. For years, I’ve listened only to strange, cold, unfriendly, and unsharable music. These human voices, on the radio, with that muffled and thin sound, full of static, reminded me – though I don’t know why – of RTL, which used to play constantly in my grandmother’s house.

    I imagined myself picking up new habits, urban habits. Getting up in the morning and listening to the news or some random debate, participating – if only as a listener – in a life broader than my own, the life of the entire nation. At that moment, my youthful years in Sarreguemines seemed like a long and boring preparation for real life, for the big city – something like going off to the front.

    I felt a deep, objectless excitement as we arrived in the car and I saw, at the city’s edge, the storefronts of shops and services, kebab restaurants, auto garages. The scenery was nothing spectacular or even inviting, and that was precisely the reason why Nancy instantly enchanted me; I didn’t feel I was in a "setting", a self-aware city staging itself, or a reconstruction for tourists and postmodern citizens – but in a real place, simply and incredibly real, with all its banality, its incoherence and repetition, and a resistance to revealing itself that was proportional to everything I knew it held within.

    [...]

    I walk through the city. Without realizing it, I accumulate in myself countless images of filth and greyness, of decay; walls blackened by pollution and damp; rusty metal shutters; dying flowers in the gardens lining the houses. These visions will haunt me forever.

    [...]

    First visit to the IUT for administrative stuff. Autumn weather. A girl hits on me as soon as I arrive – her name’s Sabrina – and when we talk music, she claims to know everything I mention. We go for coffee at her place in the student residence, then a beer at mine. We hit it off, though I’m not quite sure what to make of it.

    First day of classes at the IUT: packed lecture hall, first encounter with Mr. P., who strikes me as completely mad; first time I see Céline, who I instantly like. When we leave, some guys shake my hand and say something like "We’re going to have to stick together." There are barely ten guys in the entire year group.

    That evening, my next-door neighbour Émilie knocks on my door. I’m watching TV and eating Petits Écoliers, but she invites me over for a beer with her "sister." The flat is tiny and the boxes are still unpacked. We vaguely share stories about our lives. I don’t really know what to say. We go have coffee at the Irish pub across the street. I sit there listening as they talk in detail about their lives; my presence doesn’t seem to bother them. Émilie lost her father two years ago – he was a domestic tyrant. Her brother’s been doing drugs since he was 12. He once beat her with a wooden stick. She got pregnant and doesn’t know by whom, dated a 37-year-old man, and so on. Eventually they tell me they’re not actually sisters. I watch them and feel a little lost in front of these troubled girls I can do nothing for – nor can anyone else.

    [...]

    Afternoon initiation organised by the second-years, who take us to a bar on rue de Laxou. Not knowing how to deal with people I don’t know being nice to me, I put on a sulky face and try to ignore everyone, fully aware of how ridiculous I am and unable to do otherwise.

    1999

    I wake up in Nancy at 7:40 AM. It’s raining and dark, and the streets are clogged with traffic. A textbook start to the year.

    Around 10 I go wander around the IUT, where there’s nothing and no one. On a whim I stop by Laetitia’s place; she’s home, and we pick up as if we’d never been apart. Jules shows up – he’s moved into the apartment just below hers. We spend the entire day drinking, first at her place and then at the student residence, where I meet up with the other girls. Sandra raises a toast in my honour: "To all the girls you’ll never have."

    The actual start of the year is at 2 PM, in the Gallé lecture hall, which is packed. We sit in the very front, next to the professors. Renaud L. is just as grumpy and cold as he was in June, and congratulates everyone who made it to second year – "even if not all of you deserve it."

    2000

    I’m in Nancy, and the weather is grey and rainy, which suits me perfectly. In the morning I drop off my application at the Faculty of Arts, and learn I won’t get a response (about entering directly into the second year of the DEUG) until mid-September. Then I ring Lydie’s doorbell – she’s home. We drink tea and eat pieces of cake and Nutella on toast.

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  • Décor à l'abandon / Abandoned scenery (2000)

    FRANÇAIS

    En me promenant, un dimanche, et en passant par le parc Sainte-Marie puis dans la rue où habitait Laetitia je réalise que je ne vis plus réellement dans la même ville. Tant de choses et de lieux qui ont été oubliés, désertés. Les quartiers environnants où je passais mon temps, près de la Taverne Flamande, à la cité Médreville, et aux abords du parc Sainte-Marie, tout cela a été oublié, relégué. La vieille ville. Les jardins d'ouvriers et les entrepôts déserts à l'entrée de Maxéville – aujourd'hui si lointains, inatteignables ; qu'irais-je bien y faire ? Et avec qui y aller ?

    J'aurais voulu retourner à la cité universitaire et et marcher seul dans les couloirs, que j'imaginais toujours vides ; repasser devant les portes désormais closes des chambres où il y a des millions d'années, quelqu'un qui portait mon nom dormait dans des lits appartenant à d'autres, lisait, se cachait. J'aurais voulu rester un peu dans les douches et les cuisines collectives, respirer leur silence et la légère odeur d'humidité, de vétusté qui devait y régner. C'est dans ces lieux où je n'avais rien à faire que j'avais appris ce qu'est la fraternisation avec des inconnus et des étrangers, quand on se sent un inconnu et un étranger soi-même. Où j'avais appris le va et vient des gens, l'imprévu, le sommeil au milieu des autres. Les rares fois où j'y étais effectivement retourné par la suite, mon fantasme s'était réalisé, comme par un cadeau de la vie, cadeau empoisonné probablement ; je m'y étais trouvé à peu près seul, comme si tout le monde avait quitté les lieux ; un décor laissé à l'abandon après la pièce.

    ENGLISH

    While walking one Sunday, passing through Sainte-Marie Park and then down the street where Laetitia  used to live, I realized that I no longer truly live in the same city. So many things and places have been forgotten, deserted. The surrounding neighborhoods where I used to spend my time – near the Taverne Flamande, the Médreville student residence, and around Sainte-Marie Park – all of that has been forgotten, relegated. The old town. The community gardens and abandoned warehouses at the entrance to Maxéville – now so distant, unreachable; what would I even go there for? And with whom?

    I had wanted to return to the university residence, to walk alone down its corridors, which I always imagined empty; to pass once more by the now-closed doors of rooms where, millions of years ago, someone bearing my name slept in beds that belonged to others, read, hid away. I wanted to linger for a while in the communal showers and kitchens, to breathe in their silence and the faint scent of dampness, of age, that must have lingered there.

    It was in those places where I had no reason to be that I learned what it meant to bond with strangers and foreigners, when you yourself feel like a stranger and a foreigner. Where I learned about people coming and going, the unexpected, sleeping among others. The few times I did return later on, my fantasy came true – as if life had granted me a gift, perhaps a poisoned one; I found myself more or less alone there, as if everyone had left the premises – like a set abandoned after the play.

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  • Fantôme d'obsession (2005) / The ghost of an obsession (2005)

    FRANÇAIS

    Je passe des matinées, des journées entières à errer dans les rues de Nancy sur Google Street View. Des rues que je ne connais pas, que je n'ai jamais vues, et dont je sais que je n'y marcherai jamais. Une expérience désincarnée et morose qui me suffit. Depuis longtemps mon rapport à Nancy n'a plus rien de charnel ni de vrai, il n'est plus ni expérience, ni même souvenir d'une expérience, il n'est même plus une obsession sincère, mais un fantôme d'obsession.

    ENGLISH

    I spend mornings, whole days, wandering the streets of Nancy on Google Street View. Streets I don’t know, that I’ve never seen, and that I know I’ll never walk down. A disembodied, joyless experience that is enough for me. For a long time now, my connection to Nancy has had nothing carnal or real about it anymore; it is no longer an experience, nor even the memory of an experience – it’s not even a sincere obsession anymore, but the ghost of an obsession.

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  • Oh, Carole...

    FRANÇAIS

    Je me promène avec Carole Sainte-M... Ça doit être la première fois qu'on se rencontre en vrai. On marche dans des rues assez délabrées, voire en ruines, et dans des couloirs ou des galeries (du type galeries commerciales) à l'abandon. Elle me montre une porte en mauvais état, au bas d'un bâtiment qui paraît abandonné, et me dit que c'est là qu'elle habite. Il règne une tension entre nous, on se tient par la main et on a envie de s'embrasser ; il est flagrant que ça va arriver d'un instant à l'autre. Quand ça arrive, finalement, elle le regrette et me fuit.

    ENGLISH

    I'm walking with Carole Sainte-M... It must be the first time we’re meeting in real life. We wander through rather run-down streets, even in ruins, and through corridors or galleries – like old shopping arcades – abandoned. She shows me a battered door at the base of a building that looks deserted, and tells me that’s where she lives. There’s a tension between us – we're holding hands, and it’s clear we want to kiss; it’s obvious it’s about to happen any moment. When it finally does, she regrets it and runs away from me.

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  • Lupanar / Brothel (2005)

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    FRANÇAIS

    Elle vivait près de la place des Vosges et de ses bizarreries architecturales, entre la collection de ruines antiques et le style Haussmannien. Son immeuble faisait face à un hôtel particulier qui me fascinait avec ses fenêtres étroites, hautes de plusieurs étages. Elle nous recevait dans son salon plongé dans une pénombre étrange, intime et chaude, seulement éclairée par une guirlande d'ampoules rouges qui nous faisaient nous deviner plus que nous voir, et donnait au tout une atmosphère de lupanar. L'ameublement était minimal ; un canapé, de grandes plantes en pot, une fourrure au sol. Mon logement, avec Aude, à l'époque, était impersonnel et froid. J’enviais ce cocon douillet et vaguement érotique. Elle y promenait ses longs cheveux bouclés, et les innombrables bijoux, qui de banale étudiante la transformaient en quelque chose de naïf et sophistiqué, entre la sorcière et la fille publique. Je n'étais-pas le seul à être sensible à l'ambiance ; avant de repartir, un soir, alors que notre hôte s'était absentée quelques instants du salon, Aude m'avait à voix basse, après un silence, demandé à faire l'amour en rentrant.

    ENGLISH

    She lived near the Place des Vosges and its architectural oddities, somewhere between a collection of ancient ruins and the Haussmann style. Her building faced a mansion that fascinated me with its narrow, multi-storey-high windows. She received us in her living room, immersed in a strange, warm, intimate half-light, lit only by a string of red bulbs that made us guess each other more than see each other, and gave the whole place a brothel-like atmosphere. The furnishings were minimal: a sofa, large potted plants and a furry floor. My home with Aude at the time was impersonal and cold. I envied this cozy, vaguely erotic cocoon. Her long curly hair and countless jewels transformed her from an ordinary student into something naïve and sophisticated, somewhere between a witch and a public girl. I wasn't the only one who was sensitive to the atmosphere; before leaving, one evening, when our host had left the salon for a few moments, Aude had asked me in a low voice, after a silence, to make love on the way home.

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  • Vivoter dans les ruines / Living in the ruins

    FRANÇAIS

    Cet après-midi j'ai été chassé de chez moi par le boucan à l'étage au-dessus. Une fois de plus. Je suis donc parti me promener en voiture, dans une colère noire et ai échoué à Cirey.

    J'y ai erré tout l'après-midi dans un état de sidération et d'excitation grandissante, en réalisant que toute la ville n'était à peu de chose près qu'une immense friche industrielle, aménagée et habitée. Avec ces rues entières de bâtiments visiblement inoccupés, inhabités, menaçant ruine. La grisaille, les pierres nues, les jardins à l'abandon. La végétation qui prolifère et donne une atmosphère paisible au désastre. Seules quelques rues pavillonnaires, semblables à celles de toutes les autres communes de France, semblaient récentes et en bonne santé, croissant dans toutes les directions aux confins de la ville, comme évitant son centre de ruines maudites.

    Jamais je n'ai eu autant cette impression de voir un environnement d'après la fin du monde – et à l'échelle locale c'est réellement le cas ; la petite ville a connu une heure de gloire industrielle dont il ne reste rien aujourd'hui, et ses habitants vivent au milieu des ruines, au sens propre.

    J'ai vu une femme ouvrir la porte d'un entrepôt abandonné qui lui servait apparemment de garage, peut-être même de pièce à vivre, qui sait, dans une usine abandonnée jouxtant sa maison.

    J'ai vu une cabane en bois construite sur un ancien terrain industriel en friche. Des habitants y avaient aménagé des jardins.

    J'ai erré sur des terrains au sol entièrement constitué de gravats, parsemé de maisons en ruines et d'entrepôts qui semblaient avoir été bombardés.

    Un passé plus lointain se laissait deviner aussi ; en passant dans une ruelle désolée où je ne pensais rien trouver, j'ai vu le linteau extrêmement ouvragé de ce qui semblait une maison très ancienne et luxueuse ; une habitante, assise sur les marches de sa propre maison, mitoyenne de l'autre, m'a appris que tout cela constituait autrefois un véritable château. Une pancarte le confirmait quelques mètres plus loin. Face au « château » de petites granges en agglos et en bois menaçaient ruine. Ainsi, ici aussi, les gens du crû vivotaient dans les ruines d'un passé glorieux.

    En y repensant, mon excitation était une occurrence de plus de cet état malsain, anormal, dans lequel j'arrive à me plonger quand j'explore de nouveaux lieux qui s'avèrent être vieux, délabrés, déserts. Je devrais préférer la vie, la beauté, l'animation, mais non, c'est l'entropie qui manifestement m'attire.

    ENGLISH

    This afternoon, I was driven out of my home once again by the racket upstairs. So I got in my car, seething with anger, and ended up in Cirey.

    I spent the entire afternoon wandering through the town in a state of shock and growing excitement, realizing that the whole place was, for the most part, a vast industrial wasteland – inhabited and repurposed. Entire streets of visibly unoccupied, uninhabited, crumbling buildings. The greyness, the bare stone, the overgrown gardens. Vegetation spreading everywhere, lending a strangely peaceful air to the devastation. Only a few residential streets – identical to those in any other French town – seemed recent and in good health, sprawling outward at the town’s edges, as if deliberately avoiding the cursed, ruined center.

    I have never felt so strongly that I was witnessing a post-apocalyptic landscape – and on a local scale, that’s exactly what it is. This small town once had its moment of industrial glory, but nothing remains of it today. Its inhabitants quite literally live among the ruins.

    I saw a woman open the door of an abandoned warehouse she seemed to be using as a garage – perhaps even as a living space – right next to her house.

    I saw a wooden shack built on the overgrown grounds of a former industrial site. Locals had turned the area into makeshift gardens.

    I wandered across terrain where the ground was made entirely of rubble, scattered with ruined houses and warehouses that looked like they'd been bombed.

    Hints of a more distant past surfaced too. Walking down a desolate alley where I expected to find nothing, I came across an intricately carved lintel, once part of what must have been a luxurious old house. A woman sitting on the steps of her own adjoining home told me it had all once been a castle. A sign a few meters away confirmed it. Facing the “castle” were dilapidated sheds made of cinder blocks and wood, on the verge of collapse. Here too, the locals were eking out their lives among the remnants of a glorious past.

    Thinking back on it, that excitement I felt was yet another instance of the unhealthy, abnormal state I enter when exploring unfamiliar places that turn out to be old, dilapidated, deserted. I should prefer life, beauty, vibrancy – but no, it's entropy that draws me in, unmistakably.

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  • Vitrines vides / Empty storefronts

    FRANÇAIS

    Rue de Mon-Désert. Fenêtres opaques. Magasins fermés. Vitrines vides qui laissent deviner des arrière-boutiques où l’on aimerait se réfugier, se cacher comme pour toujours. Je longe une vitrine vide qui donne sur un mur lui-même percé de petites fenêtres opaques en verre armé. Un espace absurde, une répétition, une ouverture qui ne donne sur rien. Me revient un rêve où je me perdais dans une gare déserte. Je finissais dans un bistrot aussi sinistre que tout le reste. La porte des toilettes donnait sur un couloir étroit aux murs nus. D'autres portes, dans ce couloir, menaient à des cabinets, d'autres à des réduits minuscules et vides, dont je comprenais qu'il s'agissait pour certains de logements. Je voulais ressortir, mais toutes les portes menaient à des toilettes ou à des pièces vides, je tournais en rond dans un espace entièrement fermé et aberrant, l'issue vers le bistrot avait disparu.

    ENGLISH

    Rue de Mon-Désert. Opaque windows. Closed shops. Empty storefronts hinting at backrooms one might long to hide in – forever, perhaps. I walk past a vacant storefront, behind which stands a wall, itself punctuated by small opaque windows made of wired glass. An absurd space, a repetition, an opening that opens onto nothing. It brings back a dream – I was lost in a deserted train station. I ended up in a bar as bleak as everything else. The restroom door led to a narrow corridor with bare walls. Other doors along that corridor opened into toilet stalls, or into tiny, empty closets that I came to understand were meant, for some, to be dwellings. I wanted to get out, but every door led either to a bathroom or to an empty room. I kept circling through a space that was entirely enclosed and senseless. The way back to the bar had vanished.

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