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Dans les villes grises / In the grey cities - Page 4

  • Fourmilière / Beehive

    FRANÇAIS

    Je suis censé aller chez P. dans son logement d'étudiant sur un campus. Ou bien est-ce moi, l'étudiant ? Je passe par des couloirs labyrinthiques, interminables, des escaliers, des halls ; partout, des logements étudiants, des étudiants qui déambulent ou regardent la télé en groupe dans un couloir, etc – une ambiance de fourmilière. Plus tard je visite d'autres lieux, des immeubles déstructurés, à moitié détruits et/ou abandonnés, avec des escaliers et des passages à l'air libre entre les étages ; mais tout paraît normal. Il y a un appartement que je visite là-dedans ; le mien, ou celui de P.

    ENGLISH

    I’m supposed to go to P.’s student accommodation on a campus. Or maybe I’m the student. I pass through labyrinthine, endless corridors, staircases, lobbies; everywhere, student rooms, students wandering around or watching TV in groups in the hallway – a bustling, ant-like atmosphere. Later, I visit other places, distorted buildings, half-destroyed and/or abandoned, with open staircases and passages between floors; yet everything seems normal. There’s an apartment I visit inside one of those buildings – mine, or P.’s.

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  • Vouloir se perdre / The desire to get lost (2014)

    FRANÇAIS

    Je me perds dans les impasses et les chemins semi-privés qui bordent le parc Sainte-Marie. Jardins et garages, flaques d'eau, gravier. Je fixe, fasciné sans savoir pourquoi, les fenêtres obscures, qui ne révèlent rien, du lycée. Son béton qui a la même couleur que le ciel, blanchâtre, opaque, à la fois vide et qui semble lourd de quelque chose, de quelque menace.

    Rue du Vieil Aître, je photographie une vieille maison à la verrière cassée, envahie de branches griffues. Son crépi est sale, noirâtre. Les volets peints en bleu comme ceux des maisons balnéaires dans l'ouest de la France. Ils sont fermés sur des pièces probablement vides, inhabitées, qui n'ont pas vu la lumière depuis des années.

    Je me retrouve dans des cours d'immeubles où je n'ai rien à faire, rien qui puisse justifier ma présence. Dans des immeubles de bureaux ou de logements. Une plaque signale ici le cabinet d'un médecin. Lieux de mille vies qui se rejoignent dans le fait de ne pas être la la mienne. Couloirs lumineux et baignés de soleil – ou bien obscurs, silencieux, attirants parce qu'ils évoquent pour moi quelque chose comme le sommeil. La sécurité.

    Derrière les portes cochères, d'innombrables immeubles protégés des regards, dont on se demande à quoi ils ressemblent exactement, à quoi rêvent leurs occupants.

    Je longe les voies rapides qui bordent le centre-ville, poursuivant mes circonvolutions toujours plus larges, mon exil toujours plus grand vers des zones anonymes. Il n'est plus question de nostalgie ou de pèlerinage, mais de fuite, d'une quête incessante de nouveaux quartiers déserts et silencieux que je ne connais pas et où je ne veux que me perdre temporairement, pour n'y jamais revenir.

    Il faut vouloir se perdre pour découvrir des rues et des passages transversaux, étroits, que l'on avait jamais remarqués. D'où viennent ceux qui vivent là ? Comment y sont-ils arrivés eux-mêmes ? Existent-ils seulement ? Ces habitants des confins ne sont après tout qu'hypothétiques : je ne croise absolument personne.

    Cheminées de briques rouges. Volets en bois, à la peinture lépreuse. Arrière-cours et parkings où s'entassent bizarrement des boîtes aux lettres – peut-être leurs propriétaires se sont-ils concertés pour ne plus être joignables ; pour intensifier encore leur isolement. C'est ce que je ferais à leur place.

    Au milieu exact d'une maison, une fenêtre absurdement murée, seule parmi d'autres. Des câbles électriques qui zèbrent le ciel, vont d'une maison à l'autre, longent les murs, entrent enfin dans des fenêtres noires qu'aucune vitre ne ferme plus depuis longtemps.

    Au bord du canal, parmi les feuilles mortes et les passerelles métalliques, je regarde un jeune homme et une jeune femme transporter de petits meubles. Bouffée d'envie, à nouveau. Je traverse et m'enfonce dans d'autres ruelles. Certaines cours voient, le long des murets, pousser des rosiers sauvages. Encore des boîtes aux lettres ; certaines sont barrées, scellées de ruban adhésif noir. Ces maisons sont du même crépis beige sale que celle de mes grands-parents. Une nuance qui a elle seule évoque l'après-guerre, les caves humides, l'odeur de la terre. Il me suffit de la voir pour être triste. D'une tristesse préférable à de nombreux plaisirs.

    Abords de la Villa Majorelle, à la nuit tombée. Immeubles Art-Déco, aux couleurs pastel ; des couleurs douces, féminines, qui encore une fois évoquent le sommeil. Je m'arrête devant un bâtiment recouvert de crépi brun, sale comme une vieille moquette, aux fenêtres en verre armé qui ne laissent échapper qu'une lumière laiteuse et faible, attirante comme le néant.

    ENGLISH

    I lose myself in the dead ends and semi-private paths that border Sainte-Marie Park. Gardens and garages, puddles and gravel. I stare, fascinated without knowing why, at the dark windows of the high school. They reveal nothing. Its concrete is the same color as the sky – whitish, opaque – both empty and seemingly heavy with something, with some kind of threat.

    On Rue du Vieil Aître, I photograph an old house with a broken glass roof, overrun by clawing branches. Its plaster is dirty, blackish. The shutters are painted blue like seaside houses in western France. They are closed over rooms likely empty and uninhabited, untouched by light for years.

    I find myself in building courtyards where I have no business, nothing to justify my presence. Office or apartment buildings. A plaque here indicates a doctor’s practice. Places of a thousand lives that share one thing: not being mine. Corridors flooded with sunlight – or else dark, silent, alluring because they evoke something like sleep to me. Safety.

    Behind carriage doors, countless buildings shielded from view. One wonders what they truly look like, what their occupants dream of.

    I follow the expressways skirting the city center, widening my path in ever larger spirals, a growing exile into anonymous zones. There is no longer any question of nostalgia or pilgrimage, but of flight – an endless search for new, deserted, silent neighborhoods I don’t know and where I want only to lose myself briefly, never to return.

    You must want to get lost to discover streets and narrow side passages you never noticed before. Who lives here? How did they get here themselves? Do they even exist? These fringe-dwellers are, after all, hypothetical: I don’t see a single soul.

    Red brick chimneys. Wooden shutters with peeling paint. Backyards and parking lots where mailboxes are strangely clustered together – perhaps their owners have agreed to no longer be reachable, to deepen their isolation. That’s what I would do in their place.

    In the exact middle of a house, a single bricked-up window, absurd among others. Electrical wires stripe the sky, run from one house to another, snake along walls, and finally enter black windows long since missing their glass.

    By the canal, among dead leaves and metal footbridges, I watch a young man and a young woman carry small pieces of furniture. A sudden rush of longing. I cross over and vanish into more alleyways. In some courtyards, wild rose bushes grow along low walls. More mailboxes – some crossed out, sealed with black tape. These houses are covered in the same grimy beige plaster as my grandparents’ house. A color that alone evokes the post-war era, damp cellars, the smell of earth. Just seeing it makes me sad. A sadness preferable to many pleasures.

    Outskirts of the Villa Majorelle, at nightfall. Art Deco buildings in pastel tones; soft, feminine colors that again evoke sleep. I stop in front of a building covered in brown plaster, filthy like old carpet, with wired glass windows that let out only a weak, milky light – something as alluring as the void.

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  • Pardès (1995)

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  • Effluves / Faint smells (2007)

    FRANÇAIS

    Les rues oubliées de Nancy, la nuit, avec leurs immeubles obscurs, l'hôpital central et ses grilles menaçantes, les jardins ouvriers, les ruelles, forment une ville secrète que ne cachent qu'aux touristes la Place Stanislas et les quelques hauts lieux du centre. Revenir à Nancy par ces rues désertes, de nuit, m'a toujours mis mal à l'aise, comme quelque chose qui sent vaguement la mort. Qui sent presque au sens propre – car j'ai toujours assimilé Nancy à l'odeur de la terre, d'une cave ou d'égouts, une odeur légère, presque imperceptible, et d'une profonde tristesse.

    Un lundi blafard au parc. Les allées sont désertes, à l'exception d'un paon, qui incompréhensiblement se promène en liberté. Quelques maigres effluves, mélange de végétation, de bière, de tabac, de déjections animales et de parfum, me frappent et évoquent en moi des images indescriptibles, à la limite de la conscience, incroyablement puissantes ; et j'ai alors l'impression d'être un prisonnier évadé, certain d'être rapidement repris, et cette pensée m'effraye.

    Il arrive que je marche dans les rues d'une ville quelconque, et soudain me monte au nez un effluve de tabac, l'odeur fantôme de la bière, les émanations d'une cuisine ; et me reviennent immédiatement la cité universitaire, la nuit vite tombée en automne, et les filles presque inconnues dont je partageais les repas dans la cuisine commune. Cette vie où chacun se sentait, et était, de fait, un étranger, où chacun n'était que de passage et où par conséquent il était possible d'aborder n'importe qui et de lui proposer de partager un repas ou une soirée paisible, sans que cela n'étonne personne. En une fraction de seconde, avant le moindre mot n'ait le temps de naître dans ma conscience, tout cela m'envahit à m'en briser le cœur, et je dois, sans rien montrer à celui ou celle qui m'accompagne et qui ne le comprendrait pas, tout oublier encore une fois.

    ENGLISH

    The forgotten streets of Nancy at night, with their dark buildings, the central hospital and its threatening gates, the workers’ gardens, the alleyways, form a secret city that only the Place Stanislas and a few prominent spots in the center hide from tourists. Returning to Nancy by these deserted streets at night has always made me uneasy, like something vaguely smelling of death. Almost literally – for I have always associated Nancy with the smell of earth, of a cellar or sewers, a faint, almost imperceptible scent, and a deep sadness.

    A pale Monday at the park. The paths are deserted, except for a peacock, inexplicably roaming free. A few faint smells – a mix of vegetation, beer, tobacco, animal droppings, and perfume – strike me and evoke in me indescribable images, at the edge of consciousness, incredibly powerful; and then I feel like an escaped prisoner, certain to be caught soon, and this thought frightens me.

    Sometimes I walk through the streets of some random city, and suddenly a whiff of tobacco rises to my nose, the ghostly smell of beer, the emanations of a kitchen; and immediately the university dorm comes back to me, the night falling quickly in autumn, and the girls I barely knew with whom I shared meals in the common kitchen. That life where everyone felt – and was – in fact, a stranger, where everyone was just passing through, and where it was therefore possible to approach anyone and invite them to share a meal or a quiet evening, without it surprising anyone. In a fraction of a second, before a single word can form in my mind, all this overwhelms me to the point of breaking my heart, and I must, without showing anything to the one who is with me and would not understand, forget it all once again.

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  • Benoît

    FRANÇAIS

    Je l'avais suivi dans sa cité universitaire déserte et obscure, à proximité du campus. Nous n'avions rien de particulier à faire chez lui ; peut-être voulait-il seulement me montrer l'étendue de sa solitude, le demi-enfer de pénombre et de silence où il ressassait sa jeunesse ratée et les innombrables échecs encore à venir qu'il pressentait. Sans être beaucoup plus âgé que moi, il était déjà empâté par l'alcool et la paresse, mal fagoté et sale, affichant consciemment ou non son renoncement à ne serait-ce que faire illusion, à dissimuler sa marginalité - une marginalité anonyme, méconnue et discrète, celle des enfants perdus de la classe moyenne, qui est la plus honteuse et dont on ne se remet jamais.

    ENGLISH

    I had followed him into his deserted and shadowy student housing near the campus. We had nothing in particular to do at his place; perhaps he only wanted to show me the extent of his solitude, the half-hell of dimness and silence where he brooded over his failed youth and the countless future failures he already sensed. Though he wasn’t much older than me, he was already bloated from alcohol and laziness, sloppily dressed and unclean, consciously or not displaying his refusal to even keep up appearances, to hide his marginality – a marginality that was anonymous, overlooked, and quiet, the kind that belongs to the lost children of the middle class, the most shameful kind, the kind you never recover from.

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  • Au ralenti / Idling

    FRANÇAIS

    Je passe la nuit chez elle, dans sa chambre de la cité Médreville. Elle ne porte qu’un T-shirt et ses jambes, son sexe disponible me hantent toute la nuit. Les heures passent comme des siècles. Dans le noir, à une distance qui ne permet pas de croire au contact accidentel, je lui touche le bras. Elle rit et je renonce à aller plus loin, mortifié. J'écoute ensuite un bruit sourd, venu de dehors, comme une voiture qui tourne au ralenti, qui me berce, et je finis par m'endormir.

    ENGLISH

    I spend the night at her place, in her room in the Médreville university dorm. She’s only wearing a T-shirt, and her legs, her available sex haunt me all night. The hours pass like centuries. In the dark, at a distance that rules out any accidental contact, I touch her arm. She laughs, and I give up on going any further, mortified. Then I listen to a low sound coming from outside, like a car idling, lulling me to sleep, and I eventually drift off.

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  • Absence totale de ciel / Total absence of sky (2000)

    FRANÇAIS

    Des couloirs à l'éclairage tantôt cru et aveuglant, tantôt insuffisant et sinistre, que je revois en rêve, et où je me perds avec une excitation morose. Escalators, locaux techniques, passages de service. Le bruit des systèmes de ventilation, léger mais constant. Un grondement sourd comme celui d'une machine paisible dont les clients qui déambulent feraient eux-mêmes partie. J'y errais en fin d'après-midi, lisant interminablement la presse dans les allées du Monoprix, déambulant entre les rayonnages impeccables. La lumière des néons, l'absence totale de ciel me reposaient et me rassuraient.

    ENGLISH

    Corridors whose lighting was sometimes harsh and blinding, sometimes dim and sinister, that I revisit in dreams and where I lose myself with a kind of morose excitement. Escalators, technical rooms, service passages. The sound of ventilation systems, light but constant. A dull hum, like that of a peaceful machine, of which the wandering customers seemed to be a part themselves. I would wander there in the late afternoon, endlessly reading the newspapers in the aisles of the Monoprix, drifting between the impeccable shelves. The neon lighting, the complete absence of sky, soothed and reassured me.

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  • Haut du Lièvre

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  • Salle informatique / Computer room

    FRANÇAIS

    À Nancy, à la fac, je cherche une salle informatique mais tout est bondé. Je suis aussi dans mon appartement, seul. Mon père m'appelle au téléphone, je sais qu'il va m'apprendre la mort de ma mère, et c'est ce qu'il fait, en me demandant de prendre le train plus tôt. Une partie de moi est effondrée, l'autre totalement indifférente. C'est l'indifférence qui prend le dessus. Je continue ma journée à Nancy comme si de rien n'était, en attendant l'heure prévue de mon train pour rentrer.

    ENGLISH

    In Nancy, at university, I'm looking for a computer room but everything is packed. I'm also in my apartment, alone. My father calls me on the phone, I know he's going to tell me about my mother's death, and that's what he does, asking me to take the train earlier. Part of me is devastated, the other part completely indifferent. Indifference takes over. I continue my day in Nancy as if nothing had happened, waiting for my train to go home.

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  • Pluie / Rain


    podcast

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  • Marcher sans trêve / Walking without end

    FRANÇAIS

    Rues sans histoire, aux volets fermés. Tout a l'air vieux, fatigué et sale ; en d'autres termes, réel ; inhospitalier, voire hostile, mais bien réel, comparé à la propreté factice et à la convivialité factice des quartiers touristiques. Je ne croise que peu de passants. J'imagine leur absence totale et le silence encore plus grand, la paix encore plus grande des dimanches, des grandes vacances. Je longe des murs à hauteur d'homme qui cachent des jardins, des endroits où peuvent jouer et grandir des enfants. Des lieux où l'on peut s'arrêter de marcher sans trêve. Des murs qui cachent un repos qui m'est inaccessible.

    ENGLISH

    Streets without stories, with shutters closed. Everything looks old, tired, and dirty – in other words, real; inhospitable, even hostile, but far more real than the fake cleanliness and forced friendliness of tourist districts. I pass only a few people. I imagine their total absence, the even deeper silence, the even greater peace of Sundays, of long summer holidays. I walk along low walls, chest-high, hiding gardens – places where children might play and grow. Places where one could stop walking without end. Walls that conceal a kind of rest that remains out of reach for me.

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  • Arrivée / Arrival

    FRANÇAIS

    Quelques extraits de mes journaux intimes de jeunesse :

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    1998

    J'ai emprunté à ma sœur une cassette où elle a enregistré, à la radio, plusieurs épisodes à la suite d'une émission comique. Je l'écoute dans ma chambre, en boucle, et dans la voiture où mes parents m'emmènent à Nancy pour trouver un appartement. Depuis des années je n'écoute que des musiques étranges, glaciales, inamicales et impartageables. Ces voix humaines, à la radio, avec ce son étouffé et maigre, perclus de parasites, me rappellent, je ne sais pourquoi, RTL qui passait en permanence dans la maison de ma grand-mère.

    Je m'imaginais prendre de nouvelles habitudes, de citadin. Me lever le matin en écoutant les nouvelles ou un débat quelconque, participant ne serait-ce qu'en tant qu'auditeur à une vie plus vaste que la mienne, celle de la nation entière. Mes années de jeunesse à Sarreguemines me paraissent, à ce moment-là, une lente et ennuyeuse préparation à la vraie vie, à la grande ville – quelque chose qui s'apparentait à une montée au front.

    J'éprouvais une excitation sans objet, mais profonde, en arrivant en voiture et en voyant défiler, à l’entrée de la ville, les vitrines des magasins et des services, des restaurants à kebab, des garages automobiles. Le décor n'avait rien de spectaculaire ni même d'engageant, et c'est paradoxalement la raison même pour laquelle Nancy m'a immédiatement ensorcelé ; je n'avais précisément pas l'impression d'être dans un décor, dans une ville se mettant elle-même en scène, ou une reconstitution pour touristes et citoyens post-modernes, mais dans un lieu réel, simplement et incroyablement réel, avec sa banalité, ses incohérences et ses redondances, et une résistance à se livrer proportionnelle à tout ce que je le savais receler.

    [...]

    Je marche dans la ville. J'accumule en moi, sans en avoir conscience, d'innombrables images de saleté et de grisaille, de décrépitude ; des murs noircis par la pollution et l’humidité ; des volets de fer rouillés ; des fleurs à l’agonie dans les jardins bordant les maisons. Ces visions me hanteront pour toujours.

    [...]

    Première visite à l’IUT pour des formalités. Temps automnal. Une nana me branche dès mon arrivée, s’appelle Sabrina et quand nous parlons musique, elle prétend connaître tout ce dont je lui parle. On va boire un café chez elle, à la Cité U, puis une bière chez moi. Nous sympathisons même si je ne sais pas trop sur quel pied danser.

    La Rentrée à l’IUT : amphithéâtre bondé, première rencontre avec monsieur P. qui me fait l’effet d’un fou, première fois aussi que je vois Céline qui me plaît immédiatement. En sortant, des mecs me serrent la main en me disant quelque chose comme « Il va falloir se serrer les coudes ». En effet nous sommes moins d’une dizaines de garçons sur toute la promo.

    Le soir, ma voisine de palier Émilie tape à ma porte. Je suis en train de regarder la télé en mangeant des petits écoliers, mais elle m’invite à boire une bière chez elle avec sa sœur. L’appartement est minuscule et les cartons ne sont pas encore défaits. On se raconte vaguement nos vies respectives. Je ne sais pas trop quoi leur raconter. Nous sortons boire un café dans le pub irlandais en face de l’immeuble. Je les écoute discuter toutes les deux, de leurs vies, en détails ; ma présence n’a pas l’air de les gêner. Émilie a perdu son père il y a deux ans, c’était un tyran domestique. Son frère se drogue depuis l’âge de 12 ans. Il l’a battue avec un bâton de bois, un jour. Elle est tombée enceinte d’elle ne sait pas qui, est sortie avec un homme de 37 ans, etc. Elles m’avouent finalement qu’elles ne sont pas sœurs. Je les observe et me sent un peu perdu face à ces filles paumées pour lesquelles je ne peux rien ; ni moi ni personne d’autre.

    [...]

    Après-midi de parrainage, par les 2ème années, qui nous emmènent dans un bistrot rue de Laxou. Ne sachant pas comment gérer le fait que des gens que je ne connais pas me parlent gentiment, je fais la gueule et m’efforce d’ignorer tout le monde, conscient de mon ridicule et incapable de faire autrement.

    1999

    Je me réveille à Nancy, à 7h40, il pleut et il fait sombre, les voitures bouchonnent dans les rues. Une rentrée dans les règles de l’art.

    Vers 10h je vais traîner à l’IUT, où il n’y a rien ni personne. Je passe à tout hasard chez Lætitia ; elle est là et nous nous retrouvons comme si nous nous étions quittés la veille. Jules arrive, qui a emménagé juste dans l’appartement du dessous. Nous passons l’intégralité de la journée à picoler, chez elle puis à la Cité U, où je retrouve les autres filles. Sandra lève un toast en mon honneur : « à toutes les filles que tu n’auras pas ».

    La rentrée proprement dite a lieu à 14h, amphithéâtre Gallé, qui est bondé. Nous nous mettons au tout premier, contre les murs, mêlés aux profs. Renaud L. est aussi froid et râleur qu’en juin, et félicite tous ceux qui sont passés en deuxième année, « même si tous ne le méritent pas ».

    2000

    Je suis à Nancy et le temps est gris, pluvieux, ce qui me convient parfaitement. Je dépose mon dossier à la fac de Lettres, le matin, et apprends que je n'aurai de réponse (quant à mon entrée directement en deuxième année de DEUG) qu'à la mi-septembre. Ensuite je vais sonner chez Lydie, qui est chez elle. Nous buvons du thé, mangeons des morceaux de gâteau et des tartines de Nutella.

    ENGLISH

    Some excerpts from my teenage diaries:

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    1998

    I borrowed a cassette from my sister on which she’d recorded several episodes of a comedy show from the radio. I listen to it on repeat in my room, and in the car as my parents drive me to Nancy to look for an apartment. For years, I’ve listened only to strange, cold, unfriendly, and unsharable music. These human voices, on the radio, with that muffled and thin sound, full of static, reminded me – though I don’t know why – of RTL, which used to play constantly in my grandmother’s house.

    I imagined myself picking up new habits, urban habits. Getting up in the morning and listening to the news or some random debate, participating – if only as a listener – in a life broader than my own, the life of the entire nation. At that moment, my youthful years in Sarreguemines seemed like a long and boring preparation for real life, for the big city – something like going off to the front.

    I felt a deep, objectless excitement as we arrived in the car and I saw, at the city’s edge, the storefronts of shops and services, kebab restaurants, auto garages. The scenery was nothing spectacular or even inviting, and that was precisely the reason why Nancy instantly enchanted me; I didn’t feel I was in a "setting", a self-aware city staging itself, or a reconstruction for tourists and postmodern citizens – but in a real place, simply and incredibly real, with all its banality, its incoherence and repetition, and a resistance to revealing itself that was proportional to everything I knew it held within.

    [...]

    I walk through the city. Without realizing it, I accumulate in myself countless images of filth and greyness, of decay; walls blackened by pollution and damp; rusty metal shutters; dying flowers in the gardens lining the houses. These visions will haunt me forever.

    [...]

    First visit to the IUT for administrative stuff. Autumn weather. A girl hits on me as soon as I arrive – her name’s Sabrina – and when we talk music, she claims to know everything I mention. We go for coffee at her place in the student residence, then a beer at mine. We hit it off, though I’m not quite sure what to make of it.

    First day of classes at the IUT: packed lecture hall, first encounter with Mr. P., who strikes me as completely mad; first time I see Céline, who I instantly like. When we leave, some guys shake my hand and say something like "We’re going to have to stick together." There are barely ten guys in the entire year group.

    That evening, my next-door neighbour Émilie knocks on my door. I’m watching TV and eating Petits Écoliers, but she invites me over for a beer with her "sister." The flat is tiny and the boxes are still unpacked. We vaguely share stories about our lives. I don’t really know what to say. We go have coffee at the Irish pub across the street. I sit there listening as they talk in detail about their lives; my presence doesn’t seem to bother them. Émilie lost her father two years ago – he was a domestic tyrant. Her brother’s been doing drugs since he was 12. He once beat her with a wooden stick. She got pregnant and doesn’t know by whom, dated a 37-year-old man, and so on. Eventually they tell me they’re not actually sisters. I watch them and feel a little lost in front of these troubled girls I can do nothing for – nor can anyone else.

    [...]

    Afternoon initiation organised by the second-years, who take us to a bar on rue de Laxou. Not knowing how to deal with people I don’t know being nice to me, I put on a sulky face and try to ignore everyone, fully aware of how ridiculous I am and unable to do otherwise.

    1999

    I wake up in Nancy at 7:40 AM. It’s raining and dark, and the streets are clogged with traffic. A textbook start to the year.

    Around 10 I go wander around the IUT, where there’s nothing and no one. On a whim I stop by Laetitia’s place; she’s home, and we pick up as if we’d never been apart. Jules shows up – he’s moved into the apartment just below hers. We spend the entire day drinking, first at her place and then at the student residence, where I meet up with the other girls. Sandra raises a toast in my honour: "To all the girls you’ll never have."

    The actual start of the year is at 2 PM, in the Gallé lecture hall, which is packed. We sit in the very front, next to the professors. Renaud L. is just as grumpy and cold as he was in June, and congratulates everyone who made it to second year – "even if not all of you deserve it."

    2000

    I’m in Nancy, and the weather is grey and rainy, which suits me perfectly. In the morning I drop off my application at the Faculty of Arts, and learn I won’t get a response (about entering directly into the second year of the DEUG) until mid-September. Then I ring Lydie’s doorbell – she’s home. We drink tea and eat pieces of cake and Nutella on toast.

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  • Décor à l'abandon / Abandoned scenery (2000)

    FRANÇAIS

    En me promenant, un dimanche, et en passant par le parc Sainte-Marie puis dans la rue où habitait Laetitia je réalise que je ne vis plus réellement dans la même ville. Tant de choses et de lieux qui ont été oubliés, désertés. Les quartiers environnants où je passais mon temps, près de la Taverne Flamande, à la cité Médreville, et aux abords du parc Sainte-Marie, tout cela a été oublié, relégué. La vieille ville. Les jardins d'ouvriers et les entrepôts déserts à l'entrée de Maxéville – aujourd'hui si lointains, inatteignables ; qu'irais-je bien y faire ? Et avec qui y aller ?

    J'aurais voulu retourner à la cité universitaire et et marcher seul dans les couloirs, que j'imaginais toujours vides ; repasser devant les portes désormais closes des chambres où il y a des millions d'années, quelqu'un qui portait mon nom dormait dans des lits appartenant à d'autres, lisait, se cachait. J'aurais voulu rester un peu dans les douches et les cuisines collectives, respirer leur silence et la légère odeur d'humidité, de vétusté qui devait y régner. C'est dans ces lieux où je n'avais rien à faire que j'avais appris ce qu'est la fraternisation avec des inconnus et des étrangers, quand on se sent un inconnu et un étranger soi-même. Où j'avais appris le va et vient des gens, l'imprévu, le sommeil au milieu des autres. Les rares fois où j'y étais effectivement retourné par la suite, mon fantasme s'était réalisé, comme par un cadeau de la vie, cadeau empoisonné probablement ; je m'y étais trouvé à peu près seul, comme si tout le monde avait quitté les lieux ; un décor laissé à l'abandon après la pièce.

    ENGLISH

    While walking one Sunday, passing through Sainte-Marie Park and then down the street where Laetitia  used to live, I realized that I no longer truly live in the same city. So many things and places have been forgotten, deserted. The surrounding neighborhoods where I used to spend my time – near the Taverne Flamande, the Médreville student residence, and around Sainte-Marie Park – all of that has been forgotten, relegated. The old town. The community gardens and abandoned warehouses at the entrance to Maxéville – now so distant, unreachable; what would I even go there for? And with whom?

    I had wanted to return to the university residence, to walk alone down its corridors, which I always imagined empty; to pass once more by the now-closed doors of rooms where, millions of years ago, someone bearing my name slept in beds that belonged to others, read, hid away. I wanted to linger for a while in the communal showers and kitchens, to breathe in their silence and the faint scent of dampness, of age, that must have lingered there.

    It was in those places where I had no reason to be that I learned what it meant to bond with strangers and foreigners, when you yourself feel like a stranger and a foreigner. Where I learned about people coming and going, the unexpected, sleeping among others. The few times I did return later on, my fantasy came true – as if life had granted me a gift, perhaps a poisoned one; I found myself more or less alone there, as if everyone had left the premises – like a set abandoned after the play.

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  • Fantôme d'obsession (2005) / The ghost of an obsession (2005)

    FRANÇAIS

    Je passe des matinées, des journées entières à errer dans les rues de Nancy sur Google Street View. Des rues que je ne connais pas, que je n'ai jamais vues, et dont je sais que je n'y marcherai jamais. Une expérience désincarnée et morose qui me suffit. Depuis longtemps mon rapport à Nancy n'a plus rien de charnel ni de vrai, il n'est plus ni expérience, ni même souvenir d'une expérience, il n'est même plus une obsession sincère, mais un fantôme d'obsession.

    ENGLISH

    I spend mornings, whole days, wandering the streets of Nancy on Google Street View. Streets I don’t know, that I’ve never seen, and that I know I’ll never walk down. A disembodied, joyless experience that is enough for me. For a long time now, my connection to Nancy has had nothing carnal or real about it anymore; it is no longer an experience, nor even the memory of an experience – it’s not even a sincere obsession anymore, but the ghost of an obsession.

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  • Oh, Carole...

    FRANÇAIS

    Je me promène avec Carole Sainte-M... Ça doit être la première fois qu'on se rencontre en vrai. On marche dans des rues assez délabrées, voire en ruines, et dans des couloirs ou des galeries (du type galeries commerciales) à l'abandon. Elle me montre une porte en mauvais état, au bas d'un bâtiment qui paraît abandonné, et me dit que c'est là qu'elle habite. Il règne une tension entre nous, on se tient par la main et on a envie de s'embrasser ; il est flagrant que ça va arriver d'un instant à l'autre. Quand ça arrive, finalement, elle le regrette et me fuit.

    ENGLISH

    I'm walking with Carole Sainte-M... It must be the first time we’re meeting in real life. We wander through rather run-down streets, even in ruins, and through corridors or galleries – like old shopping arcades – abandoned. She shows me a battered door at the base of a building that looks deserted, and tells me that’s where she lives. There’s a tension between us – we're holding hands, and it’s clear we want to kiss; it’s obvious it’s about to happen any moment. When it finally does, she regrets it and runs away from me.

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  • Lupanar / Brothel (2005)

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    FRANÇAIS

    Elle vivait près de la place des Vosges et de ses bizarreries architecturales, entre la collection de ruines antiques et le style Haussmannien. Son immeuble faisait face à un hôtel particulier qui me fascinait avec ses fenêtres étroites, hautes de plusieurs étages. Elle nous recevait dans son salon plongé dans une pénombre étrange, intime et chaude, seulement éclairée par une guirlande d'ampoules rouges qui nous faisaient nous deviner plus que nous voir, et donnait au tout une atmosphère de lupanar. L'ameublement était minimal ; un canapé, de grandes plantes en pot, une fourrure au sol. Mon logement, avec Aude, à l'époque, était impersonnel et froid. J’enviais ce cocon douillet et vaguement érotique. Elle y promenait ses longs cheveux bouclés, et les innombrables bijoux, qui de banale étudiante la transformaient en quelque chose de naïf et sophistiqué, entre la sorcière et la fille publique. Je n'étais-pas le seul à être sensible à l'ambiance ; avant de repartir, un soir, alors que notre hôte s'était absentée quelques instants du salon, Aude m'avait à voix basse, après un silence, demandé à faire l'amour en rentrant.

    ENGLISH

    She lived near the Place des Vosges and its architectural oddities, somewhere between a collection of ancient ruins and the Haussmann style. Her building faced a mansion that fascinated me with its narrow, multi-storey-high windows. She received us in her living room, immersed in a strange, warm, intimate half-light, lit only by a string of red bulbs that made us guess each other more than see each other, and gave the whole place a brothel-like atmosphere. The furnishings were minimal: a sofa, large potted plants and a furry floor. My home with Aude at the time was impersonal and cold. I envied this cozy, vaguely erotic cocoon. Her long curly hair and countless jewels transformed her from an ordinary student into something naïve and sophisticated, somewhere between a witch and a public girl. I wasn't the only one who was sensitive to the atmosphere; before leaving, one evening, when our host had left the salon for a few moments, Aude had asked me in a low voice, after a silence, to make love on the way home.

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  • Vivoter dans les ruines / Living in the ruins

    FRANÇAIS

    Cet après-midi j'ai été chassé de chez moi par le boucan à l'étage au-dessus. Une fois de plus. Je suis donc parti me promener en voiture, dans une colère noire et ai échoué à Cirey.

    J'y ai erré tout l'après-midi dans un état de sidération et d'excitation grandissante, en réalisant que toute la ville n'était à peu de chose près qu'une immense friche industrielle, aménagée et habitée. Avec ces rues entières de bâtiments visiblement inoccupés, inhabités, menaçant ruine. La grisaille, les pierres nues, les jardins à l'abandon. La végétation qui prolifère et donne une atmosphère paisible au désastre. Seules quelques rues pavillonnaires, semblables à celles de toutes les autres communes de France, semblaient récentes et en bonne santé, croissant dans toutes les directions aux confins de la ville, comme évitant son centre de ruines maudites.

    Jamais je n'ai eu autant cette impression de voir un environnement d'après la fin du monde – et à l'échelle locale c'est réellement le cas ; la petite ville a connu une heure de gloire industrielle dont il ne reste rien aujourd'hui, et ses habitants vivent au milieu des ruines, au sens propre.

    J'ai vu une femme ouvrir la porte d'un entrepôt abandonné qui lui servait apparemment de garage, peut-être même de pièce à vivre, qui sait, dans une usine abandonnée jouxtant sa maison.

    J'ai vu une cabane en bois construite sur un ancien terrain industriel en friche. Des habitants y avaient aménagé des jardins.

    J'ai erré sur des terrains au sol entièrement constitué de gravats, parsemé de maisons en ruines et d'entrepôts qui semblaient avoir été bombardés.

    Un passé plus lointain se laissait deviner aussi ; en passant dans une ruelle désolée où je ne pensais rien trouver, j'ai vu le linteau extrêmement ouvragé de ce qui semblait une maison très ancienne et luxueuse ; une habitante, assise sur les marches de sa propre maison, mitoyenne de l'autre, m'a appris que tout cela constituait autrefois un véritable château. Une pancarte le confirmait quelques mètres plus loin. Face au « château » de petites granges en agglos et en bois menaçaient ruine. Ainsi, ici aussi, les gens du crû vivotaient dans les ruines d'un passé glorieux.

    En y repensant, mon excitation était une occurrence de plus de cet état malsain, anormal, dans lequel j'arrive à me plonger quand j'explore de nouveaux lieux qui s'avèrent être vieux, délabrés, déserts. Je devrais préférer la vie, la beauté, l'animation, mais non, c'est l'entropie qui manifestement m'attire.

    ENGLISH

    This afternoon, I was driven out of my home once again by the racket upstairs. So I got in my car, seething with anger, and ended up in Cirey.

    I spent the entire afternoon wandering through the town in a state of shock and growing excitement, realizing that the whole place was, for the most part, a vast industrial wasteland – inhabited and repurposed. Entire streets of visibly unoccupied, uninhabited, crumbling buildings. The greyness, the bare stone, the overgrown gardens. Vegetation spreading everywhere, lending a strangely peaceful air to the devastation. Only a few residential streets – identical to those in any other French town – seemed recent and in good health, sprawling outward at the town’s edges, as if deliberately avoiding the cursed, ruined center.

    I have never felt so strongly that I was witnessing a post-apocalyptic landscape – and on a local scale, that’s exactly what it is. This small town once had its moment of industrial glory, but nothing remains of it today. Its inhabitants quite literally live among the ruins.

    I saw a woman open the door of an abandoned warehouse she seemed to be using as a garage – perhaps even as a living space – right next to her house.

    I saw a wooden shack built on the overgrown grounds of a former industrial site. Locals had turned the area into makeshift gardens.

    I wandered across terrain where the ground was made entirely of rubble, scattered with ruined houses and warehouses that looked like they'd been bombed.

    Hints of a more distant past surfaced too. Walking down a desolate alley where I expected to find nothing, I came across an intricately carved lintel, once part of what must have been a luxurious old house. A woman sitting on the steps of her own adjoining home told me it had all once been a castle. A sign a few meters away confirmed it. Facing the “castle” were dilapidated sheds made of cinder blocks and wood, on the verge of collapse. Here too, the locals were eking out their lives among the remnants of a glorious past.

    Thinking back on it, that excitement I felt was yet another instance of the unhealthy, abnormal state I enter when exploring unfamiliar places that turn out to be old, dilapidated, deserted. I should prefer life, beauty, vibrancy – but no, it's entropy that draws me in, unmistakably.

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  • Vitrines vides / Empty storefronts

    FRANÇAIS

    Rue de Mon-Désert. Fenêtres opaques. Magasins fermés. Vitrines vides qui laissent deviner des arrière-boutiques où l’on aimerait se réfugier, se cacher comme pour toujours. Je longe une vitrine vide qui donne sur un mur lui-même percé de petites fenêtres opaques en verre armé. Un espace absurde, une répétition, une ouverture qui ne donne sur rien. Me revient un rêve où je me perdais dans une gare déserte. Je finissais dans un bistrot aussi sinistre que tout le reste. La porte des toilettes donnait sur un couloir étroit aux murs nus. D'autres portes, dans ce couloir, menaient à des cabinets, d'autres à des réduits minuscules et vides, dont je comprenais qu'il s'agissait pour certains de logements. Je voulais ressortir, mais toutes les portes menaient à des toilettes ou à des pièces vides, je tournais en rond dans un espace entièrement fermé et aberrant, l'issue vers le bistrot avait disparu.

    ENGLISH

    Rue de Mon-Désert. Opaque windows. Closed shops. Empty storefronts hinting at backrooms one might long to hide in – forever, perhaps. I walk past a vacant storefront, behind which stands a wall, itself punctuated by small opaque windows made of wired glass. An absurd space, a repetition, an opening that opens onto nothing. It brings back a dream – I was lost in a deserted train station. I ended up in a bar as bleak as everything else. The restroom door led to a narrow corridor with bare walls. Other doors along that corridor opened into toilet stalls, or into tiny, empty closets that I came to understand were meant, for some, to be dwellings. I wanted to get out, but every door led either to a bathroom or to an empty room. I kept circling through a space that was entirely enclosed and senseless. The way back to the bar had vanished.

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  • Bistrot


    podcast

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  • Passé Présent

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  • Baies vitrées / Large windows

    FRANÇAIS

    J’emménage dans un appartement minuscule et vieillot, entièrement fait de baies vitrées, en haut d’un petit escalier, le tout en façade d’immeuble dans une grande rue, comme la rue Saint Jean à Nancy. On entre pas avec une clé mais avec une carte magnétique qu’on passe dans un lecteur, comme à l’hôtel. Ce système me laisse un peu perplexe et m’inquiète vaguement, ne me semblant pas très fiable. Je découvre les lieux avec la femme de l’agence immobilière, comme pour la première fois, alors que ce n’est pas une visite ; je vais bel et bien y habiter. Ensuite je parle avec une ancienne locataire, essayant de lui poser des questions sur ce système de carte magnétique, mais ses réponses sont vagues, évasives voire sans rapport avec ce que je lui demande, comme si elle était trop perturbée par quelque chose pour se concentrer sur le sujet. Un peu plus tard encore je vois une petite fête, ou un genre de cocktail, devant mon appartement, sur une plateforme de béton – comme si mon appartement n’était plus au même endroit qu’avant, mais installé maintenant sur un grand escalier de béton avec des rambardes métalliques, comme une loge de concierge, entre deux étages et en extérieur, ou avant d’arriver à l’entrée d’un immeuble.

    Je déambule un peu dans mon nouvel appartement, qui est maintenant meublé, sans qu’il soit très clairement défini si ce sont mes meubles, ou des meubles qui étaient déjà là – en tous cas ils sont vieillots, type buffet massif en bois sombre, comme chez mes grands parents, enfant, et encore une fois c’est un décor dans lequel je me sens bien et me réjouis de vivre désormais. L’appartement est petit mais tout est beau et semble à sa place. La lumière est celle d’un beau coucher de soleil. Je vois dans la cuisine (la seule pièce séparée du reste par des cloisons, et où sont installées des tables qui ressemblent à celles de la cafétéria du CORA) les restes de repas et de vaisselle sale des occupants précédents, comme s’ils venaient de partir, mais cela ne me choque pas.

    ENGLISH

    I move into a tiny, old-fashioned apartment, whose walls are made entirely of large glass panels, at the top of a small staircase, all facing the front of a building on a busy street – something like Rue Saint Jean in Nancy. You don’t enter with a key but with a magnetic card that you swipe through a reader, like in a hotel. This system leaves me a bit perplexed and vaguely uneasy, as it doesn’t seem very reliable. I explore the place with the woman from the real estate agency, as if for the first time, even though it’s not a visit – I’m really going to live there. Then I talk to a former tenant, trying to ask her questions about the magnetic card system, but her answers are vague, evasive, or even unrelated to what I’m asking, as if she’s too disturbed by something to focus on the topic.

    A little later, I see a small party, or some kind of cocktail event, in front of my apartment, on a concrete platform – as if my apartment had moved from its original place and was now set on a large concrete staircase with metal railings, like a concierge’s lodge, between two floors and outside, or just before entering a building.

    I wander a bit in my new apartment, which is now furnished, though it’s not clear whether the furniture is mine or was already there – in any case, it’s old-fashioned, like a massive dark wooden sideboard, reminiscent of my grandparents’ house when I was a child. Once again, it’s a setting where I feel comfortable and happy to live. The apartment is small but everything is beautiful and seems to be in its place. The light is that of a beautiful sunset. I see in the kitchen (the only room separated from the rest by walls, and where tables that look like those from the CORA cafeteria are installed) leftovers and dirty dishes from previous occupants, as if they had just left – but this doesn’t bother me.

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