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Nancy

  • Appartement secret / Secret appartment

    FRANÇAIS

    Une fête foraine, un soir d'été. Je m'y balade, accompagné, avec mon appareil photo. Ensuite, je suis avec ma collègue Éliane, à qui je dis que j'ai un appartement secondaire et secret, dans un village à la campagne, quelque part en Lorraine – peut-être sur la route entre Nancy et Blâmont. Sensation de nuit, de protection, de sérénité, lié à cet appartement secret où je peux me cacher et me ressourcer si j'ai besoin de m'y rendre, en pleine nuit.

    ENGLISH

    A funfair on a summer evening. I'm walking around with my camera, accompanied by someone. Then I'm with my colleague, to whom I say that I have a secret second home in a village in the countryside, somewhere in Lorraine – perhaps on the road between Nancy and Blâmont. A feeling of night, of protection, of serenity, linked to this secret home where I can hide and recharge my batteries if I need to go there in the middle of the night.

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  • Nathalie

    FRANÇAIS

    C'est ma première soirée seul à Nancy. J'ai dix-huit ans. Il fait une chaleur insoutenable, et depuis la veille j'évolue dans une hébétude alcoolique entrecoupée de retraites, torse nu, dans la cage d'escalier de mon immeuble où l'obscurité et le silence sont complets. Je marche au hasard dans la ville. J'ai vaguement conscience de descendre vers le grand parc de la Pépinière, découvert la veille. Une femme en robe noire, au regard vide, me croise, au carrefour d'une rue dont je retiens le nom : Damerval. Je l'entends s'effondrer, derrière moi, à quelques mètres. Je l'aide à se relever et fais signe à un type qui approche, que je vais m'en occuper. Elle est complètement confuse, me tutoyant d'emblée. Elle me dit qu'elle habite rue de la Source et je décide de la ramener chez elle, même si je n'ai aucune idée d'où cela se trouve. Elle m'attire énormément et je me fais des films mentaux pendant qu'elle divague. Elle finit par me parler de sa dépendance au Subutex, de son fils mort, de son père qui s'est tiré une balle dans la bouche. Elle s'appelle Nathalie. Elle me dit qu'elle vit avec un certain Hassan ou Hassen, qu'elle décrit comme obèse et ayant « le coeur sur la main ». Arrivés chez elle, elle trouve porte close et agonit d'injures le Hassan ou Hassen en question, manifestement absent, puis nous redescendons. Elle me dit qu'elle comptait travailler ce soir et je finis par comprendre.

    Quand nous ressortons Hassan ou Hassen arrive, obèse au-delà de toute mesure, des bagues aux doigts, un mauvais sourire. La fille essaie de marcher toute seule, trébuche. Elle finit assise à même le sol, dos au mur, dans la ruelle, les cuisses écartées, défaite. Sa culotte noire, transparente, ne cache rien. Je vais pour l'aider à se relever mais Hassan ou Hassen me dit « Laisse. Il va falloir qu'elle se lève toute seule, il faudra bien qu'elle y arrive », sur un ton serein, dénué de toute compassion comme de toute méchanceté, et avec, à mon égard, une curieuse complicité, ou quelque chose qui relève d'une initiation. Elle parvient à se relever au bout d'un petit moment puis ils rentrent chez eux. Elle me dit, avant de nous quitter, que c'est bon pour le plan à trois, qu'untel est au courant, et je ne sais pas si dans son état elle me confond avec un autre, ou si elle joue la comédie devant son lui pour une raison quelconque. Mais elle m'embrasse sur la bouche avant de disparaître. Pendant des années qui suivent, je reviens sans arrêt dans cette rue. Et jamais je ne la revois, ni rue de la Source, ni ailleurs.

    Je ne me souviens plus de son visage. Elle est devenue un fantôme comme tant d'autres. J'ai souvent croisé, rue de la Source, une prostituée âgée, perpétuellement debout, parfois assise sur une chaise de bois. Elle se tenait à l'angle avec la rue Saint-Michel, et quasiment devant l'immeuble où Nathalie m'avait fait entrer – au numéro 20, probablement. J'aurais pu l'interroger ; je ne l'ai jamais fait.

    ENGLISH

    It's my first evening alone in Nancy. I'm eighteen. The heat is unbearable, and since the day before I’ve been drifting in an alcoholic stupor, broken up by shirtless retreats into the stairwell of my building, where darkness and silence are absolute. I wander through the city without direction. I’m vaguely aware I’m heading toward the big park, the Pépinière park, which I discovered the day before. A woman in a black dress, with a vacant look in her eyes, crosses my path at the corner of a street whose name I remember: Damerval. I hear her collapse behind me, just a few meters away. I help her up and wave off a man who’s approaching, signaling that I’ll take care of it. She’s completely disoriented, addressing me informally right away. She says she lives on Rue de la Source, and I decide to walk her home, though I have no idea where that is. I’m incredibly drawn to her and start playing out mental fantasies while she rambles. Eventually she tells me about her Subutex addiction, her dead son, her father who shot himself in the mouth. Her name is Nathalie. She says she lives with someone named Hassan or Hassen, whom she describes as obese and "with a heart of gold". When we arrive, the door is locked. She curses out the absent Hassan or Hassen, then we go back down. She tells me she was supposed to be working tonight, and I finally understand.

    As we step outside again, Hassan or Hassen shows up – grotesquely obese, rings on every finger, wearing a sly, unpleasant smile. The woman tries to walk on her own but stumbles. She ends up sitting on the ground, back against the wall, legs spread, undone. Her black, transparent underwear hides nothing. I go to help her up, but Hassan or Hassen stops me: "Leave her. She’s going to have to get up on her own, sooner or later", he says calmly, without either cruelty or compassion, and with, toward me, a strange sort of complicity – or something that felt like an initiation. She manages to get up after a while, and they go inside. Before leaving, she tells me the threesome is on, that someone’s been informed, and I can't tell if in her state she’s mistaking me for someone else, or if she’s putting on an act for him for some reason. But she kisses me on the mouth before vanishing. For years afterward, I keep returning to that street. I never see her again – not on Rue de la Source, not anywhere.

    I no longer remember her face. She’s become a ghost, like so many others. I often came across an older prostitute on Rue de la Source, always standing, sometimes sitting on a wooden chair. She stood on the corner with Rue Saint-Michel, almost in front of the building where Nathalie had taken me in – number 20, probably. I could have asked her about Nathalie. I never did.

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  • Matin gris / Grey morning

    FRANÇAIS

    Je marche dans ce qui semble être une grande ville, sur une chaussée qui borde un immense espace ouvert (cerné de rues où circulent les voitures) faisant penser au cours Léopold à Nancy, en bien plus grand. Je ne crois pas être accompagné mais je marche à côté d'un groupe d'autres personnes. Le temps est sombre, gris, pluvieux, mais d'une façon agréable, réconfortante comme un temps de rentrée des classes. Le sol est trempé et j'avance en glissant sur l'eau, comme si je faisais du ski. Je parle à quelqu'un, peut-être mentalement, de bâtiments ou de choses que je veux voir à quelques dizaines de mètres, sur le même vaste plan que nous sommes en train de  traverser. Je sais que je suis déjà venu ici mais sans vraiment prendre mon temps. À un croisement, je passe au passage piéton mais m'arrête au milieu pour une raison que j'ai oubliée. Je me retourne et vois derrière moi un élément de décor que je n'avais pas remarqué – je ne sais plus quoi. Je le prends en photo, plusieurs fois, découpé sur les immeubles bourgeois et le ciel pluvieux, sombre, à la fois menaçant et réconfortant.

    récits de rêves,rêves,rêve

    Mon esprit semble avoir fait un amalgame entre la pochette de ce disque que j'ai écouté ces jours-ci et le cours Léopold et ses abords – Dieu sait pourquoi.

    ENGLISH

    I'm walking through what seems to be a large city, along a pavement bordering a vast open space (surrounded by streets where cars pass), reminiscent of the Cours Léopold in Nancy – only much larger. I don't think I'm accompanied, but I'm walking alongside a group of other people. The weather is dark, grey, rainy, but in a pleasant, comforting way – like the weather at the start of a new school year. The ground is soaked, and I glide forward over the water, as if skiing. I'm talking to someone – maybe only in my head – about buildings or places I want to see a few dozen meters away, on the same vast plane we're now crossing. I know I've been here before, but never really took the time. At an intersection, I cross at the pedestrian light but stop halfway through for a reason I've forgotten. I turn around and see behind me something in the scenery I hadn't noticed before – I no longer know what it was. I take a photo of it, several times, silhouetted against the bourgeois buildings and the rainy, dark sky – both threatening and strangely comforting.

    récits de rêves,rêves,rêve

    My mind seems to have conflated the cover of this record I’ve been listening to lately with the Cours Léopold and its surroundings – God knows why.

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  • Campus (2015)

    FRANÇAIS

    J’erre dans les couloirs de la fac de lettres, exceptionnellement vides, repeints de frais, comme un cadeau que me ferait le destin ; me laisser déambuler ici, enfin seul, comme dans un rêve ou dans mes souvenirs matérialisés – car tous mes souvenirs ou presque sont des souvenirs solitaires.

    Des rideaux opaques, grisâtres, comme teintés par des siècles de poussière et de pénombre, cachent l'intérieur de certains bureaux, comme des maisonnettes au milieu des couloirs. Des mondes imbriqués, cachés. Certains sont manifestement occupés ; on devine des lampes allumées à travers le tissu. Aucun bruit ne s'en échappe. Qui est là ?

    Un peu plus loin, des portes en verre armé laissent filtrer des lumières rouges, ou bleues, intense et étranges, comme si l’on avait installé dans les salles qu’elles cachent des projecteurs de couleurs. Et la lueur verdâtre qui s’échappe des toilettes publiques. Entre tout cela, des poches d’ombres, des couloirs déserts aux ombres interminables. On a l'impression d'avancer dans un espace qui pour toujours existe dans un temps qui n'est ni le jour, ni la nuit.

    L'architecture brutaliste, uniformément grise des bâtiments, lorsqu'on les entrevoit par une fenêtre, ne laisse rien deviner du monde chaud, intime, d'ombres et de poches de couleurs qu'ils recèlent.

    ENGLISH

    I wander through the halls of the humanities building, exceptionally empty, freshly repainted, like a gift from fate; letting me roam here, finally alone, as if in a dream or in my memories made tangible – for all my memories, or almost all, are solitary ones.

    Opaque, grayish curtains, as if stained by centuries of dust and gloom, hide the interiors of certain offices, like little houses nestled within the corridors. Interlocking, hidden worlds. Some are clearly occupied; you can make out the glow of lamps behind the fabric. No sound escapes. Who’s in there?

    A bit further on, doors of reinforced glass let through red or blue light, intense and strange, as if colored spotlights had been installed in the rooms beyond. And the greenish glow leaking from the public restrooms. Between all this, pockets of shadow, deserted corridors with endless silhouettes. It feels like moving through a space that forever exists in a time that is neither day nor night.

    The brutalist architecture, uniformly gray, glimpsed through a window, gives no hint of the warm, intimate world inside—a world of shadows and pockets of color it secretly holds.

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  • Un monde de ruelles / A world of backstreets (2011)

    exploration psychogéographique,être perdu,hébétude,larmes,hortensias

    exploration psychogéographique,être perdu,hébétude,larmes,hortensias

    FRANÇAIS

    Des après-midi entières j'avance hébété dans les rues de quartiers qui me sont inconnus. Le sentiment d'être perdu, de me perdre volontairement, mêlé au choc de la vision de certains immeubles, de certaines ruelles, de certains détails comme des volets rouillés ou des hortensias morts dans un jardinet, me mènent au bord des larmes. Je parle seul avec la conscience que les passants, les automobilistes me voient, mais je crois en leur réalité encore moins qu'en la mienne.

    Je m'enfonce de plus en plus dans un monde toujours plus éloignée du centre et des lieux de vie, un monde de ruelles et d'arrière-cours, d'entrées d'immeuble sordides, de fenêtres opacifiées, de rideaux vieillots et sales, de rouille et d'odeurs de cave, où je peux enfin trouver le repos.

    ENGLISH

    Entire afternoons I wander dazed through the streets of neighborhoods unknown to me. The feeling of being lost – of deliberately losing myself – mixed with the shock of seeing certain buildings, certain alleyways, certain details like rusted shutters or dead hydrangeas in a tiny garden, brings me to the verge of tears. I talk to myself, fully aware that passersby and drivers can see me, but I believe in their reality even less than in my own.

    I sink deeper and deeper into a world ever more removed from the center and from places where life happens  – a world of alleyways and backyards, of sordid building entrances, of clouded windows, faded and dirty curtains, rust and the smell of damp cellars, where I can finally find rest.

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  • La fatigue et la vieillesse (non-daté) / Old age and fatigue (undated)

    FRANÇAIS

    J'entre dans des cours intérieures, des résidences muettes et qui semblent inhabitées. L'humidité et la moisissure mangent le crépi gris, contaminent tout de leur noirceur puante, qui vide le cœur de tout courage. Combien d'étudiants, de jeunes hommes et de jeunes femmes, dans ces murs qui étaient vieux avant même d'avoir été achevés ? Je les imagine au début de leur vie adulte, avec quelque chose sur le visage qui trahit déjà la fatigue et la vieillesse, une  fatigue qui émane des murs et les irradie jusqu'au plus profond de leurs cellules. Eux aussi, vieux avant d'avoir été construits.

    ENGLISH

    I enter inner courtyards, silent residences that seem uninhabited. Dampness and mold eat away at the gray plaster, contaminating everything with their foul blackness, which empties the heart of all courage. How many students, young men and women, within these walls, that were old even before they were finished? I picture them at the beginning of their adult lives, with something on their faces already betraying fatigue and old age, a fatigue that emanates from the walls and irradiates them down to the deepest part of their cells. They too, old before they were built.

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  • Attentat / Attack

    FRANÇAIS

    Je suis dans une galerie commerciale type centre Saint-Sébastien, en plus obscur, plus « renfermé », vieillot et qui dégage une impression de saleté, de vétusté. Je passe en revue plusieurs boutiques, je ne sais plus de quoi – peut-être d'informatique ou de téléphonie. J'entre dans un kebab, pas pour consommer, mais pour une autre raison ; attendre quelqu'un ou peut-être accéder à une autre partie du centre commercial, car il est labyrinthique et la notion d'intérieur et d'extérieur y est très floue. J'assiste à une scène dans une arrière-boutique, avec le ou les patrons, et peut-être une femme ; la préparation d'un attentat ? Des objets louches stockés là-dedans ? Je décide de m'éclipser, et ressors par une porte qui mène à la cage d'escalier (très 70's, en marbre et rambardes de bois) d'un immeuble d'habitation. Je descends au rez-de-chaussée où se trouvent de très larges portes vitrées, qui font toute la façade. Je suis enfermé à l'intérieur.

    *

    J'ai toujours aimé les galeries commerciales, qu'elles soient sur le modèle des grands magasins parisiens, où tous les articles sont présentés ensemble, au sein d'un seul immense espace – ou bien selon le modèle plus récent de la division en cellules, qui chacune contient une enseigne précise.

    J'aime le Karstadt à Sarrebrück.

    J'aime le centre Saint-Sébastien à Nancy.

    J'y ai d'innombrables souvenirs d'enfance ou de mes années d'étudiant. J'aime les lieux artificiels de manière générale, comme les zoos ou les parcs d'attraction : ce n'est pas le monde réel mais une version miniature, sécurisée et faite pour le plaisir. Les centres commerciaux me font le même effet, et ils ont un charme spécifique qui est qu'on y est à l'intérieur ; pas de ciel, pas de soleil ni de lune, pas d'oiseaux, pas de grand air, on est, comme dans le métro, dans un espace 100 % humain. Une sorte de rêve, d'espace d'autonomie totale, de séparation totale avec le monde réel. Un espace entièrement social et symbolique. J'aime aussi ces lieux non pas en dépit du fait qu'ils vieillissent mal mais à cause de lui ; la saleté, la moisissure, la pollution, prennent rapidement le pas sur les surfaces propres et neuves. J'ai toujours aimé la crasse de la ville. C'est pour ça que j'ai toujours aimé Nancy. Même si cette attirance n'est pas exempte d'angoisse. La pollution, la grisaille, la crasse, le béton, les labyrinthes de couloirs et d'escaliers sont répugnants et attirants comme la mort.

    Dans mes rêves plus récents, le décor change un peu ; ce n'est pas un Saint-Sébastien obscur mais des centres commerciaux qui ressemblent désormais à ceux de mon enfance, en terme de décoration, d'ameublement, de matériaux typiques des années 70. Au fur et à mesure que je vieillis, mes rêves creusent plus profond.

    ENGLISH

    I'm in a shopping arcade – something like the Saint-Sébastien mall, but darker, more "shut-in", old-fashioned, and steeped in a sense of dirtiness and decay. I walk past several shops – I can’t remember what kind, maybe electronics or phone stores. I enter a kebab place, not to eat, but for some other reason; maybe to wait for someone, or to access another part of the shopping center. The layout is labyrinthine, and the boundary between indoors and outdoors is extremely blurred. In a back room, I witness a scene involving the owner – or owners – and perhaps a woman; the preparation of an attack? Some shady goods being stored there? I decide to slip away quietly and exit through a door that leads into a stairwell – very 1970s, with marble and wooden railings – inside a residential building. I go down to the ground floor, where there are large glass doors making up the entire façade. I’m locked inside.

    *

    I’ve always loved shopping arcades–whether they follow the model of Parisian department stores, with all items displayed together in one massive space, or the more recent design divided into individual units, each housing a specific brand.

    I love the Karstadt in Saarbrücken.

    I love the Saint-Sébastien mall in Nancy.

    I have countless memories there from childhood and my student years. I’ve always loved artificial places in general, like zoos or amusement parks: they’re not the real world, but a miniature, safer, pleasure-oriented version of it. Shopping malls have the same effect on me, with a special charm: you're indoors–no sky, no sun or moon, no birds, no fresh air. Like in the subway, you're in a 100% human-made space. A kind of dream, a space of total autonomy, total separation from the real world. A space that is entirely social and symbolic. And I don’t love these places in spite of the fact that they age poorly – I love them because of it. Dirt, mold, pollution quickly overtake clean, new surfaces. I’ve always liked urban grime. That’s why I’ve always liked Nancy. Even though this attraction comes with a touch of anxiety. Pollution, drabness, filth, concrete, the labyrinths of hallways and stairwells–they’re revolting and alluring, like death.

    In my more recent dreams, the scenery shifts slightly: it’s no longer a dark Saint-Sébastien but shopping centers that now resemble those of my childhood, in terms of decor, furnishings, and the materials typical of the 1970s. As I grow older, my dreams dig deeper.

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  • Avec Céline / With Céline (1995)

    FRANÇAIS

    Je raccompagne Céline chez elle, rue de Mon-Désert. Les rues baignent dans une lumière orange étrange,  excessivement colorée, mais malgré le fait que ce soit une couleur chaude, le tout a un côté malaisant, bizarre dans le sens déplaisant du terme. Des voitures sont stationnées absolument partout, une véritable invasion automobile. Là aussi cela a quelque chose d'étrange et d'excessif, renforcé par le fait qu'on ne croise absolument personne, et qu'il n'y a aucun bruit. D'autres rues du quartier sont plongées dans une obscurité complète. 

    ENGLISH

    I'm walking Céline home, to her place on Rue de Mon-Désert. The streets are bathed in a strange orange light – excessively saturated. And even though it's a warm color, the whole scene feels unsettling, disturbing in an unpleasant way. Cars are parked absolutely everywhere, a true invasion of automobiles. That too feels strange and over the top, made even more surreal by the complete absence of people and the total silence. Other streets in the neighborhood are plunged into complete darkness.

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  • À l'aveuglette / Blindly

    FRANÇAIS

    Je marche dans des rues entièrement noires où j'avance presque à l'aveuglette, me repérant grâce aux rares enseignes lumineuses, qui elles-mêmes n'offrent qu'une lueur faiblarde, insuffisante. Je suis probablement à Nancy. Je vais quelque part, je ne sais plus où. Mais je me rends compte à un moment donné que je me suis trompé ; au lieu d'être dans la rue où je voulais me rendre, je suis face à un bâtiment entouré d'un petit parc. Une école, un hôpital, une maison de retraite, quelque chose comme ça.

    ENGLISH

    I’m walking through completely dark streets, moving almost blindly, finding my way by the few illuminated signs, which themselves offer only a faint, insufficient glow. I’m probably in Nancy. I’m going somewhere, but I no longer know where. Then at some point, I realize I’ve made a mistake; instead of being on the street I intended to go to, I’m facing a building surrounded by a small park. A school, a hospital, a nursing home, something like that.

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  • Bonne franquette / Laid-back

    FRANÇAIS

    Devant mon immeuble, rue Guerrier de Dumast. Un corbillard, ou des types qui transportent un cadavre sur une civière. C'est Thierry, l'ex de Diane, qui m'explique que le défunt est tombé d'un échafaudage alors qu'il travaillait au noir. Quelques badauds, des gens en pleurs. Je m'entends pleurer moi aussi.

    Ensuite je suis dans un bistrot, dans la même rue. Chaleureux, à la bonne franquette. Je suis assis à une table avec d'autres personnes – le bar est bondé – près de la porte, qui est entrouverte. Différents groupes de musique de la rue viennent jouer devant la porte ou dans l'entrée du bistrot, dont un groupe de mecs des îles qui jouent du zouk.

    ENGLISH

    In front of my building, on Guerrier de Dumast street. A hearse, or some guys carrying a corpse on a stretcher. It’s Thierry, Diane’s ex, who explains to me that the deceased fell from scaffolding while working under the table. A few onlookers, people crying. I hear myself crying too.

    Then I’m in a bistro on the same street. Warm, casual, laid-back. I’m sitting at a table with other people – the bar is packed – near the door, which is ajar. Different street music groups come to play in front of the door or inside the bistro entrance, including a group of island guys playing zouk.

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  • Rue de Metz (2015)

    FRANÇAIS

    Un homme attend quelque chose, un large sac de courses à la main, dos à un commerce abandonné. De larges cartons vert sombre cachent l'intérieur du magasin, mais évoquent bizarrement quelque chose de vivant, de gai, comme les couleurs violentes des bidonvilles.

    Je longe une « cordonnerie clé minute ». Dans une faible lueur bleutée de crépuscule, la lumière chaude, accueillante, qui vient du magasin, donne envie d'y entrer – peut-être même d'y travailler. J'aime l'odeur du caoutchouc, du métal qui chauffe ; l'odeur des garages, de la graisse, des moteurs, du béton froid et humide et des chauffages d'appoint.

    Une section de rue où il n'y a aucune autre lumière que celle, insuffisante et jaunâtre, d'un lampadaire au premier étage d'un immeuble. On se croirait, fugitivement, dans une ville abandonnée, une ville de fin du monde, inhabitée, silencieuse et noire.

    J'entre dans un couloir qui donne sur les cuisines et la cave d'un restaurant. Le long des murs courent des câbles, des tuyaux métalliques. C'est l'envers du décor, la remise, la marge, dans le noir et sans bruit ni discours, qui m'a toujours attiré plus que la vie. Un escalier monte vers une poche d'obscurité totale. Peut-être vers des logements. Je les imagine silencieux et noirs, inhabités – ou alors par une population marginale, qui ne sortirait jamais et vivrait là comme dans un monde parallèle.

    ENGLISH

    A man waits for something, a large shopping bag in hand, his back to an abandoned shop. Dark green cardboard sheets cover the interior of the store, but strangely evoke something alive, joyful – like the vivid colors of shantytowns.

    I walk past a "key-cutting cobbler". In the faint bluish light of dusk, the warm, welcoming glow spilling from the shop invites you in – perhaps even to work there. I love the smell of rubber, heating metal; the scent of garages, grease, engines, cold damp concrete, and space heaters.

    A stretch of street where there is no other light than the weak, yellowish glow of a streetlamp on the first floor of a building. For a fleeting moment, it feels like an abandoned city, an end-of-the-world town, uninhabited, silent, and dark.

    I enter a corridor opening onto the kitchens and cellar of a restaurant. Along the walls run cables, metal pipes. It’s the backstage, the storage, the margin – in darkness and without noise or conversation – that has always attracted me more than life itself. A staircase climbs into a pocket of total darkness. Perhaps leading to apartments. I imagine them silent and black, uninhabited – or inhabited by a marginalized population, who would never come out and live there as if in a parallel world.

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  • IUT / Institute of Technology (1993)

    iut.jpg

    FRANÇAIS

    J'aimais les vieux couloirs de l'IUT ; et plus encore ses cages d'escalier qui, à partir d'une certaine hauteur, étaient constamment désertes et silencieuses. Elles étaient comme des zones de tranquillité ou d'anonymat où je passais de temps à autre, quitte à faire un détour, pour le plaisir d'entrer quelques secondes dans cet espace étrange à l'écart de la fourmilière. Il m'arrivait d'en rêver. Ou de fantasmer à leur sujet. Je ne saurais pas dire quoi exactement ; peut-être de gravir - ou descendre - les marches éternellement, ou alors de découvrir des étages inconnus, nouveaux, fascinants.

    Ai-je montré ces couloirs, ces cages d'escalier, à Laura, lorsqu'elle était venue me rendre visite à Nancy ? L'ai-je rêvé ? L'ai-je simplement imaginé puis intégré fallacieusement au récit de ma vie ?

    « Elle vous avait suivi docilement dans les couloirs infinis de l'Université, toujours plus sombres, plus silencieux, au fur et à mesure que vous y avanciez ; parfois vous croisiez de petits groupes d'étudiants, silencieux, semblant attendre quelque chose, ou assis à des pupitres, à même le couloir. Vous vous étiez ensuite perdus dans d'interminables cages d'escaliers, où de nombreux d'étages s'avéraient inaccessibles, à travers leurs portes vitrées verrouillées, que d'autres couloirs, d'autres escaliers. »

    Je rêve encore régulièrement, je rêve régulièrement depuis vingt ans des couloirs de la fac de Lettres et de l'IUT, et de ceux de mon lycée, de ceux du collège... Des couloirs où je me perds, où je cherche une salle que je ne trouve pas, des couloirs que je hante en sachant que je n'ai plus rien à y faire, ou bien, au contraire, où je reviens pour acquérir quelque chose que j'ai raté à l'époque et qui me manque. Parfois bondés, bruyants, pleins de vie. Parfois silencieux et obscurs. Ils sont le lieu, quoi qu'il en soit, où se rencontrent le destin individuel dans ses moments les plus décisifs - la formation, les choix faits pour l'avenir - et la découverte de la vie collective, l'appartenance heureuse ou pénible au troupeau.

    ENGLISH

    I loved the old corridors of the Institute of Technology; and even more so its stairwells which, from a certain height, were constantly deserted and silent. They were like zones of tranquility or anonymity where I would occasionally pass through, even if it meant taking a detour, just for the pleasure of spending a few seconds in this strange space, apart from the bustle. Sometimes I dreamed of them. Or fantasized about them. I couldn’t say exactly what; maybe endlessly climbing – or descending – the steps, or discovering unknown, new, fascinating floors.

    Did I show those corridors, those stairwells, to Laura when she came to visit me in Nancy? Did I dream it? Did I simply imagine it and then deceitfully incorporate it into the story of my life?

    "She had obediently followed you through the endless corridors of the University, growing darker, quieter the further you went; sometimes you crossed small groups of students, silent, seeming to wait for something, or sitting at desks right in the hallway. You then got lost in endless stairwells, where many floors proved inaccessible, behind their locked glass doors, leading to other corridors, other staircases."

    For twenty years now, I still regularly dream of the corridors of the Faculty of Letters and the Institute of Technology, and of those of my high school, of my middle school… Corridors where I get lost, where I search for a room I can’t find, corridors I haunt knowing I no longer belong there, or on the contrary, where I return to retrieve something I missed at the time and that I now lack. Sometimes crowded, noisy, full of life. Sometimes silent and dark. They are, in any case, the place where individual destiny meets its most decisive moments – education, choices made for the future – and the discovery of collective life, the happy or painful belonging to the herd.

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  • Mall miraculeux / Miraculous mall

    FRANÇAIS

    Je traverse un quartier de HLM similaire au quartier de l'Allmend et pénètre dans l’un d’eux pour le traverser. Les couloirs sont étroits, un peu bizarres architecturalement, sans que ça n’ait rien de sordide ou de dérangeant. Mais à un moment donné je rebrousse chemin pour me retrouver dans un immense hall, comme dans un centre commercial, similaire au Centre Saint-Sébastien, mais plus vaste encore, avec des commerces et des restaurants – notamment un, avec une terrasse, dont le décor et le mobilier, très boisé et chaleureux, me plaisent, et dont je m'approche pour prendre des photos. Un peu plus loin, près de l’entrée (ou de la sortie, c’est selon) je vois des guichets avec des gens qui se pressent pour payer leurs achats ou pour se faire servir. J’envisage de sortir et vois dans la rue, au loin, une église que j’aimerais visiter ; je l'identifie comme faisant partie de l'une de ces immenses zones de Nancy que je n'ai jamais pris la peine d'explorer mais que je compte désormais découvrir. Je reste néanmoins dans l’immeuble et y déambule, le visite, de plus en plus émerveillé par tout ce qu’il propose en terme de commerces et de services – incluant des logements. Tout le mobilier et la décoration relèvent de l’esthétique des années 70. On dirait que rien n’a changé ici depuis des décennies, et ce côté vieillot me bouleverse, me fait me sentir miraculeusement chez moi. Je rêve d’y emménager et de ne plus en sortir.

    ENGLISH

    I walk through a housing estate neighborhood similar to the Allmend hood and enter one of the buildings to cross it. The corridors are narrow, somewhat odd architecturally, without being sordid or disturbing. But at one point, I turn back and find myself in an immense hall, like a shopping mall, similar to the Centre Saint-Sébastien, but even larger, with shops and restaurants – notably one with a terrace, whose décor and furniture, very wooden and warm, appeal to me, and I approach it to take photos. A little further on, near the entrance (or exit, depending on how you look at it), I see counters with people crowding to pay for their purchases or be served. I consider going outside and spot a church far away in the street that I’d like to visit; I identify it as belonging to one of those vast areas of Nancy I have never bothered to explore but now intend to discover. Yet I remain inside the building and wander around, visiting, increasingly amazed by all it offers in terms of shops and services – including housing. All the furniture and decoration reflect a 1970s aesthetic. It looks like nothing has changed here for decades, and this old-fashioned feel overwhelms me, makes me feel miraculously at home. I dream of moving in and never leaving.

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  • Nancy

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  • Quartiers perdus / Lost neighborhoods

    FRANÇAIS

    En voiture (même s'il me semble ne pas voir la voiture elle-même ; fondamentalement je ne suis qu'un regard caméra) seul et/ou avec F. et peut-être encore d'autres personnes, à travers des quartiers de Nancy que je connais mal mais que je me suis décidé à visiter. J'avance vite travers de longues rues en pente, des rues superbes d'immeubles bourgeois, de commerces, d'hôtels, d'administrations, de tout ce qui fait une ville ; c'est vivant, plein de monde, sans être oppressant. À cette vitesse je devine plus que je ne contemple les choses, mais c'est très agréable d'être au cœur du monde et de découvrir de nouvelles rues, de nouvelles choses.

    ENGLISH

    By car (though I don’t seem to actually see the car itself; basically I’m just a camera’s gaze), alone and/or with F. and maybe others, I drive through parts of Nancy I barely know but have decided to explore. I move fast along long sloping streets, streets lined with elegant bourgeois buildings, shops, hotels, administrative offices – everything that makes a city; it’s lively, full of people, without feeling oppressive. At this speed I guess more than I truly take in the details, but it’s very pleasant to be at the heart of the world and to discover new streets, new things.

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  • Coulisses (2006) / Backstage (2006)

    FRANÇAIS

    Je n'ai qu'une envie, me perdre. Un pont métallique anonyme m'amène vers des rues inconnues, banales et presque vides, où je longe des arrières d'immeubles et d'administrations, les coulisses de la ville en quelque sorte ; des lieux qui ne sont appelées à jouer aucun rôle dans ma vie et qui m’attirent pour cette raison. Plus loin : des immeubles bourgeois cachés derrière de hauts arbres. Une petite rue ombragée, discrète ; pendant une seconde je crois être à nouveau à Paris, dans les rues qui bordaient notre appartement de la rue Auguste Laurent, et sans raison compréhensible à moi-même, soudain je me sens bien, totalement perméable, traversé en permanence, au moindre stimulus visuel, sonore, olfactif, par des émotions, des souvenirs, des visions paisibles et heureuses, sur lesquelles je n'ai aucun contrôle, et qui semblent n'avoir aucune cohérence, ne dessiner aucun moi, et cela me libère. Je vois une fille sortir d'un immeuble, marcher vers sa propre vie.

    ENGLISH

    I have only one desire: to get lost. An anonymous metal bridge leads me toward unfamiliar, ordinary, almost empty streets, where I pass along the backs of apartment buildings and government offices – the city’s backstage, so to speak; places destined to play no role in my life, and for that reason they draw me in. Further on: bourgeois buildings hidden behind tall trees. A small, shaded, discreet street; for a second, I think I’m back in Paris, on the streets near our apartment on rue Auguste Laurent, and without any reason I can understand, suddenly I feel good, completely permeable, continuously flooded – at the slightest visual, auditory, or olfactory stimulus – by emotions, memories, peaceful and happy visions over which I have no control and which seem to have no coherence, to sketch no self, and that frees me. I see a girl come out of a building, walking toward her own life.

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  • Somnambule en larmes / Sleepwalker in tears (2005)

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    FRANÇAIS

    Elle est à Nancy et nous repassons devant le 29 rue de la Source. J'émets l'idée de sonner chez quelqu'un, au hasard, et de faire des photos dans la cour intérieure, où aucun de nous deux n'est entré depuis des années. C'est excitant comme une plaisanterie de gosses : faire toutes les sonnettes et attendre qu'on nous ouvre. Après plusieurs essais infructueux, nous obtenons enfin une réponse et entrons. Dès le sombre couloir du premier corps de bâtiment, elle passe des rires aux sanglots ; derrière l'aspect anodin de cette petite excursion se joue quelque chose de beaucoup plus profond et douloureux, et je lui suis presque reconnaissant de verser ces larmes. Moi je n'y arrive pas, ou alors à des moments incongrus, inopportuns. Les murs étaient blancs à l’époque – ils ont été repeints. Les volets de son ancien appartement sont fermés. Nous sonnons mais personne n'ouvre. La cage d'escalier est déserte, il n'y a aucun bruit, aucune odeur. C'est un moment curieusement douloureux et excitant à la fois ; je prends des photos sans arrêt, des lieux et d'elle qui y avance comme une somnambule en larmes, et je me sens extérieur à tout cela, pur voyeur de sa tristesse, protégé par l'écran que forme l'objectif entre le monde et moi.

    ENGLISH

    She is in Nancy, and we pass again by 29 rue de la Source. I suggest ringing someone’s doorbell at random, and taking photos in the inner courtyard, where neither of us has set foot for years. It feels like a childish prank: ringing all the bells and waiting for someone to answer. After several unsuccessful attempts, we finally get a response and enter. From the dim hallway of the first building, her laughter turns into sobs; beneath the seemingly innocent nature of this little outing lies something much deeper and more painful, and I am almost grateful to her for shedding these tears. I can’t manage it, or only at awkward, inconvenient moments. The walls had been white back then – they’ve been repainted now. The shutters of her old apartment are closed. We ring the bell but no one opens. The stairwell is empty, silent, scentless. It’s a strangely painful yet thrilling moment; I keep taking photos, of the place and of her moving like a sleepwalker in tears, feeling completely outside it all – a pure voyeur of her sadness, protected by the screen the camera lens forms between the world and me.

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  • Voies rapides (2004) / Highways (2004)

    FRANÇAIS

    Je roule sur les voies rapides qui enserrent la ville, trop vite sans doute, avec la sensation d'être sur l'un de ces manèges à sensation de la foire attractive ; le sentiment à la fois oppressant et grisant d'être toujours à deux doigts de me retrouver broyé dans un choc terrible de métal et de verre. À la lumière jaunâtre, malade, du crépuscule, dans les ombres qui s'étirent, les perspectives sont aberrantes. Les maisons, les entrepôts, les jardins ouvriers ont l'air posés au hasard dans le paysage. Tout semble chaotique, invraisemblable et mystérieux comme dans les rêves, et je ne désire rien d'autre.

    ENGLISH

    I’m driving on the highways that encircle the city, probably too fast, with the feeling of being on one of those thrill rides at a fair; the simultaneously oppressive and exhilarating sensation of being always just a hair’s breadth away from being crushed in a terrible collision of metal and glass. In the sickly, yellowish light of dusk, with shadows stretching out, the perspectives are distorted. The houses, warehouses, and allotment gardens look as if they’ve been randomly placed in the landscape. Everything seems chaotic, improbable, and mysterious – like in dreams – and I want nothing else.

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  • Pink plaisir

    FRANÇAIS

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    Pink Plaisir. Vagues souvenirs sales, excitants, émouvants, comiques, grotesques, de débauche avec Florence. Ou de tractage dans les sex shop avec Sandra, Maxime, France.

    Rue de Saverne, en photographiant de vieilles maisons Art Nouveau, je me fais aborder par une gamine, la vingtaine, au look vaguement goth ou alternatif, qui me demande, tout-à-fait amicalement, avec un véritable intérêt, quelle est ma démarche.

    (Je réaliserai plus tard en refaisant mon trajet sur Google Street View qu'à l'angle du boulevard Lobau et de la rue de Saverne se trouve une vieille maison, rénovée, propre, mais qui il y a 25 ans était délabrée, avec un jardinet de hortensias morts, qui me fascinait, sous l'éclairage jaunâtre et glauque des réverbères, quand Pierre et moi errions dans ces parages)

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    Je débouche avenue de Strasbourg, où je n'avais jamais mis les pieds, et avance au hasard, ne sachant pas où je suis, et heureux de ne pas savoir, jusqu'à achever mon errance devant l'église de Bonsecours. On finit toujours à l'église.

    ENGLISH

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    Pink Plaisir. Dirty, exciting, moving, comical, grotesque fragments of debauchery with Florence. Or leafleting in sex shops with Sandra, Maxime, and France.

    On Rue de Saverne, while photographing old Art Nouveau houses, I’m approached by a girl – maybe in her twenties, vaguely goth or alternative in style – who, quite amicably and with genuine interest, asks me about my intentions.

    (I would later realize, retracing my steps on Google Street View, that at the corner of Boulevard Lobau and Rue de Saverne stands an old house – now renovated and clean – but 25 years ago it was run-down, with a small garden of dead hydrangeas that fascinated me under the sickly yellow glow of the streetlamps, when Pierre and I used to wander around that area)

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    I emerge onto Avenue de Strasbourg, a place I had never set foot in before, and wander aimlessly, not knowing where I am – and glad not to know – until my wandering ends in front of the Church of Bonsecours. You always end up at a church.

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  • Souvenirs d'enfance vagues (non-daté) / Vague childhood memories (undated)

    FRANÇAIS

    Une entrée de garage mène à ce qui ressemble à un petit quartier caché. On ose à peine y entrer, pour découvrir des maisons basses et mitoyennes. Des plantes en pot sont disposées devant. Un vieux banc de bois. Un garage envahi par les herbes qui poussent à travers le sol craquelé, inégal. On s'attend à croiser le fantôme d'une grand-mère dont on aurait que des souvenirs d'enfance vagues. Derrière les façades des boulevards, les enseignes des franchises, les dorures et les ornements, c'est toujours la même tristesse ouvrière, les mêmes décors moroses et répétitifs qui se laissent explorer mais ne livrent rien de la vie qu'ils recèlent – ou ont recelée. Rue Keller, je m’arrête longuement devant un rosier qui a poussé le long d'un mur pourri et d'une fenêtre aux volets métalliques rouillés.

    ENGLISH

    A garage entrance leads to what looks like a hidden little neighborhood. One hardly dares to step inside, only to discover low, terraced houses. Potted plants are arranged out front. An old wooden bench. A garage overrun with weeds sprouting through the cracked, uneven ground. You half expect to run into the ghost of a grandmother you only remember vaguely from childhood. Behind the façades of the boulevards, behind the chain store signs, the gilding and ornaments, it’s always the same working-class sadness, the same dreary, repetitive settings – open to exploration, yet revealing nothing of the life they contain – or once contained. On Rue Keller, I stop for a long while in front of a rose bush that has grown along a rotting wall and a window with rusted metal shutters.

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  • Limbes / Limbo

    FRANÇAIS

    J'ai commencé hier soir à scanner les négatifs de P. après avoir terminé les diapos. Impression désagréable, en voyant ces vieilles photos des rues de Nancy, ou de mon appartement ou de celui de P. constamment sous-exposées, ne montrant quasiment que des ombres, de retrouver l'ambiance de ces innombrables rêves où je suis seul dans mon studio, dans un ni-jour-ni-nuit où le temps ne passe pas, où il n'y a rien à faire, personne à voir ; des limbes.

    (ces limbes obscures où rien n'arrive jamais sont-elles une image, exagérée à fins pédagogiques par mon esprit, de mon existence ?)

    ENGLISH

    Last night I started scanning P.'s negatives after finishing the slides. I had the unpleasant impression, seeing these old photos of the streets of Nancy, or of my apartment, or of P.'s apartment, constantly underexposed, showing almost nothing but shadows, of rediscovering the atmosphere of those countless dreams in which I'm alone in my studio, in a ni-day-ni-night where time doesn't pass, where there's nothing to do, no one to see; limbo.

    (Is this dark limbo, where nothing ever happens, a pedagogically exaggerated image of my existence?)

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  • Memories of the Grey City

    "I'm publishing here, in full, the article that appeared on Pays Fantôme.

    "The Grey City first appeared to me in dreams; dreams spaced far apart over a long period of years; then I learned to recognise it elsewhere, in films, video games, and in the streets of the towns and villages I visited in my daytime life. I drew some conclusions.

    You can't map the Grey City.

    You can't locate it.

    It exists discontinuously in an unknown number of real cities, night dreams or fictions.

    All it takes is for the light to change at the turn of a street, a shade of colour on a building, and I know I have just entered the Grey City. Whether I am awake or dreaming. And I realise that I had forgotten it once again, and that this rediscovery, this anamnesis, is just one more; that there have been a number of others that I am unable to remember.

    This awareness of forgetting and remembering is an integral part of how one experiences the Grey City."

    *

    A few months ago, Pays Fantôme received an e-mail from an anonymous person claiming to have been a member of a certain Groupement Psychogéographique de l'Est (Eastern Psychogeographical Group), who wished to send us an audio cassette containing about 17 minutes of music and various documents such as screen shots of a game on the Amstrad CPC 6128 or all sorts of texts, illustrated or not: dream stories, fictions, essays, material for role-playing games, etc.

    After receiving and examining the material sent to us, it became clear that we had to republish all this, at least in part. Of course, there is no proof that this is not a hoax, but it does not matter whether the Groupement Psychogéographique de l'Est really existed or whether this anonymous correspondent tired of inventing the evidence for an affair that never took place. In any case, it is by no means impossible that it existed. But if it didn't, the sheer effort to make it seem so is enough to make it more than a fake: a work of fiction in its own right.

    We sent a number of questions to this anonymous person, and we offer here a synthesis of his or her answers. They are an integral part of the work, in our opinion.

    The documents that accompany the release are provided with it when you download it on Bandcamp, or can be consulted online at Archive.org.

    *

    All the paragraphs below are extracts from our email exchanges with the GPE representative.

    *

    "The name Groupement Psychogéographique de l'Est is almost a joke. We were a few friends from all over Champagne and Alsace, passing through Meurthe-et-Moselle and Meuse, and we attended the same campus (Lettres Sciences Humaines). One of us had somehow stumbled upon Debord's texts and various articles on psychogeography in the university library – there was obviously no Internet, and no Google of course, in France at the time, and discovering this kind of marginal hobby was a bit more hazardous.

    We appropriated the term, putting it to our own use and stripping it of all the politicised aspect it originally had, but of which we were hardly aware anyway. We were clearly not interested in analysing, challenging or reforming society by studying the environments in which we lived.

    We were already big walkers and big fans of urban exploration (not at all in the sense that urbex is understood today; we didn't go into abandoned factories or anything like that) and rural exploration. To put it in less snobbish terms, we liked to wander, to wander, to be surprised by the landscape, whether it was the city landscape or not.

    The discovery of psychogeography theorised by Guy Debord simply gave us even more ideas, ideas to extend our experiences. In an intimate, playful and aesthetic way."

    *

    "The name Groupement Psychogéographique de l'Est thus became the one under which we published, at first (in the form of small typewritten, handwritten booklets, or printed at the university when we had the possibility), accounts of walks, sometimes embellished with photos, and more general texts on the question of places in our lives, of their weight in the imaginary, in individual and collective psychic life, etc.

    It sounds very theoretical and pompous and theoretical when you put it like that, but once again it was a visceral and intimate approach, for all of us.

    There were no rules and no set methods. Each member of the group – there were about ten or a dozen in all, over the few years that it lasted – was perfectly free to define his or her own field of research or methods.

    [...]

    Some of them essentially took photographs during their explorations. And did not produce a written commentary or something very short. The photographs spoke for themselves. They were designed to capture not only the atmosphere of a place, its specificity, and the effect it had on the artist, but to reveal what was secret about it, invisible, perhaps, to those who approached it in their daily lives with a purely utilitarian eye.

    Other members left with a dictaphone on which they recorded all their thoughts, their emotions, all the micro-events of their walk. They would then write either a synthesis or a complete, literal transcription of their recording.

    Some planned their exploration exactly, using a map. Others (like me) would drive off at random, sometimes not even knowing which town they were going to stop in. They waited to see something, or to feel an inner signal that they should stop here or there.

    Between the exhaustive exploration of a place and the hazardous dérive (drift), content with a single journey through a city, missing most of it, everything was possible. Even explorations limited to night-time dreams... And even fictional explorations, not just from the writer's imagination, but from meditation and daydreaming. Or exploring a city through photographs of its streets.

    I can imagine what we could have done at the time if Google Street View had existed."

    *

    "Personally, as I said, I used to do a lot of driving alone. I had just lost my mother, when I was twenty, and I had inherited her Ford. For a long time I had a very strong need for solitude. I spent at least a year of my life taking, as often as possible, a whole day or a night, without telling anyone, to wander around the region in my car, driving randomly for dozens or sometimes hundreds of kilometres. I took pictures in the towns and villages where I stopped, or sometimes just through the windscreen."

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    "The name Souvenirs de la Ville Grise (Memories of the Grey City) also comes from the fact that I took a lot of black and white photos at the time. I developed and printed them myself, at a friend's house who had the necessary equipment. A number of prints were considered to be part of the Group's official inventory afterwards. I sold some of them, mostly to acquaintances and friends, to be honest. Two or three were reproduced in local fanzines at the time."

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    "There is something indefinable but very intense for me in the fact of being alone at the wheel, in an unknown city, at nightfall or in the early hours of the morning; a city where I have nothing to do, no one to see, where no one knows that I am. With the windscreen as a screen, that is to say, both as protection and as a medium (like a cinema screen) that allows me to have an experience of the world that is not direct but aesthetic above all. It is a type of mental state that I discovered by chance and that I voluntarily sought out afterwards. The others have had the same kind of evolution; first pure experience, then you theorise, you systematise."

    *

    "I no longer have the originals of our brochures but that doesn't matter much, at the time we used an Atari to archive all our texts with Writer software, and as it saved files in .doc format I still have all our writings. Maybe it will be republished one day in some way, I don't have any definite plans for it at the moment. Not on paper, I think, there's no audience for that, but today any blog or Archive.org account allows you to reach out to the whole world."

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    *

    "We lived mainly in medium-sized cities or small towns. Our explorations were essentially in these types of environments, including villages. With very large cities like Paris or Lyon we have almost only had imaginary relationships, through books, cinema, etc. The Parisian drift interests me moderately.

    I'm not very interested in the Parisian dérive (drift). I had the opportunity to practice it, in an involuntary way, since I lived in Paris for a few weeks and during my free time (I was working in a small supermarket on Place Léon Blum and had my afternoons free) I wandered around the neighbourhoods around mine, discovering for example the Jardin Naturel and a few streets that were not very interesting but that attracted me for this precise reason, near Père Lachaise. An interesting experience, but Paris was still too big, too crowded, too hostile for a provincial like me. 

    [...]

    As a young student, I loved the film Death in Venice, for example, and this city (which also appears in a video game I liked as a teenager, called Masque) obsessed me for some time. I would dream about it at night, dream that I was exploring it and getting happily lost in it."

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    "Even though I know it's beautiful and I'm probably missing something, I don't want to see the real Venice. Just as I'm content with the Lyon that you can see in Bertrand Tavernier's L'horloger de Saint-Paul."

    *

    "Our region has a strong industrial past, mining, steelmaking, etc. Many of our cities are very marked architecturally by the boom of the 19th century but also by the decline of the last few decades. The Grey City is also a city grey with pollution, grey with grime, which the captains of industry left us after abandoning us. But again, even if it was part of our imagination, we were not interested in denouncing this situation. On the other hand, we were aware that living in this kind of environment produced a state of mind, even particular states of consciousness."

    *

    "We were big fans of video games and role-playing games. When I say video games, you have to remember that this was the late 80s/early and mid 90s. Most of us had a microcomputer culture and not a PC or console culture. I played a lot, as a teenager, when they came out, Lankhor's adventure games, for example: Le Manoir de Mortevielle, La Secte Noire... some American games, too, that were never translated, like Zork. I already mentioned Masque, too."

    *

    "Several of us were involved in a municipal computer club. It was still the great era of the Atari and the Amiga."

    *

    "Our playing of video games also influenced the way we approached the world and the real places we explored. Exploring the real had become a kind of game in itself, an extension of what we were experiencing in the video games – and vice versa."

    *

    "One of us had written a small program in Basic for Amstrad CPC. At the beginning of the 90's, this machine was becoming obsolete but was still very widespread and had its fanatics (who still exist, by the way). It was a kind of interactive, text-based walkthrough, but with some illustrations, in an imaginary city inspired by several of our explorations. It worked with multiple choices, like a Choose Your Own Adventure Book."

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    "It was a relatively chaotic game, with a storyline of bits and pieces, which tried to exploit as much as possible our notes taken during wanderings, or from our reflections, etc. It was sewn with white thread and in the end the game has a dreamlike, slightly surreal and bizarre side, sometimes a little sinister too, I must admit. There weren't really any puzzles, objects to manipulate, or NPCs to interact with, because the programmer was incapable of doing that sort of thing; in the end you just wander from place to place and see what happens. A bit like ourselves in our real lives at the time...

    This game also had no title. It was shared with the few members who were interested, and that was it. I have it on floppy disk but a few years ago I took the time to copy all the code."

    *

    "Some of us were doing some music, or at least had keyboards and synths, and started working together. This resulted in a tape, which was untitled by the way. It wasn't really a demo, even though it was called a demo; it was just a collection of songs recorded one after the other over the weeks and months that we had no intention of ever reworking and offering to a record company.

    The version I'm sending you is just a small, incomplete and damaged edit (a few seconds of music are missing here and there) of tracks we recorded at the time.

    The main influence, I would say, was Désaccord Majeur – and to a lesser extent État des Stocks. Désaccord Majeur is a French project that has been around since the late 80s and is a kind of French answer to Zoviet France or Rapoon; basically, post-industrial music with a strong ethnic slant. Personally I was an absolute fan of the tape Le Point immobile vibrant.

    It was also a label. For example, they released the first demo of Moments Présents, which we liked a lot but which was much darker. We wanted to keep a certain lightness.

    *

    "As for État des Stocks, it is a Belgian project, electronic and experimental, more abstract. But these two projects had a side that was both very realistic, through the use of samples from the television news or historical audio documents, and very surreal, timeless, unclassifiable, through their mixtures, their collages of sounds from very different sources.

    The mental effect produced by the passage from one atmosphere to another, in a city in particular, is one of the pillars of psychogeography. One can therefore almost speak of sonic psychogeography, concerning them."

    *

    "As for the instruments, we used exclusively analogue synthesizers and keyboards such as the PSS 390 which uses FM synthesis. The songs were recorded directly onto tape. We didn't even have a 4-track; we used the family hi-fi system with its line-in as a tape recorder. The samples were played at the same time, from another tape player where we had recorded them beforehand.

    The tracks are quite repetitive, by design. Most of them are totally improvised. We would play together, each with his own synth, and when one of us would find a pattern and repeat it, another would follow and play the same musical phrase over and over again, and so on. This avoided making too many wrong notes or getting into cross solos that wouldn't work. We were not great musicians and we were well aware of that.

    But we liked minimalist and repetitive music anyway, for its hypnotic, meditative, dreamy qualities. I listened to the tape quite a lot, on my bed, alone, in the dark, or trying to put myself in a state between waking and sleeping, and visualizing things; places, people, scenes. Our songs had this slightly utilitarian feel to them, like music on a new-age relationship tape can have."

    *

    "We sampled, among other things, the TV news and reports that were on at the time. The old working-class Paris, the France of yesteryear, the dirty, grey, dilapidated streets, the near-taudis that still constituted, only 40 or 50 years ago, the reality of working-class Paris. I could have loved that Paris. Nowadays you can find it very easily on the INA website and it's a real relief to be able to go back to it."

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    "Archival videos today allow us to immerse ourselves in this magnificent greyness, in these old working-class neighbourhoods of Paris or the provinces, whose ugliness and misery, dilapidation and dilapidation, seem today to be miraculous, precious, desirable – I can't say exactly why. Perhaps simply out of nostalgia. Perhaps also because they bear the patina of time and reality, when our cities are more and more non-places, staged scenes, empty amusement park sets. In any case, there was something about these old, grey and sad neighbourhoods that obsessed us.

    In terms of samples there are a few seconds of sampled screams from the film Themroc, too. And the screams of a woman who was probably on the verge of mental illness, yelling at whoever it was, which one of us had recorded discreetly with a tape recorder in the street. It was something we did often. I kept this habit, without trying to find a use for it.

    On the penultimate track, I think, there is the voice of a man praying in Hebrew; a Parisian Jew, in a random TV report from a few decades ago. There was no spiritual component whatsoever in the productions of the Groupement Psychogéographique de l'Est, but as a purely atmospheric element we liked anything that sounded even vaguely esoteric and mysterious."

    *

    "The reception of the tape was almost nil, which is normal since we only released it privately. No reviews and almost no distribution, except in two or three record shops that agreed to sell demos, such as Ombre Sonore in Strasbourg, or the bookshop La Parenthèse, in Nancy. WAVE, on the other hand, sent us packing. A local radio station broadcast a song during a programme devoted to the Eastern scene. That's about it. I remember that the tape was priced exceptionally low because it was so short and very amateurish, very messy.

    In total, I would say that about twenty or thirty copies were put into circulation; most of them were given to friends. We had copied fifty, in advance, thinking that would be enough, and in the end we didn't manage to sell them."

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    "This is the only tape recorded by the Groupement Psychogéographique de l'Est as such, but I know that at least two members have released other demos in a rather similar vein, or a bit more influenced by the Middle Ages, role-playing games, symbolism, that sort of thing..."

    *

    "The Group lasted four or five years. The time of our studies...

    We were not active, or let's say, productive, all the time. As I said, it was almost a joke, a role-playing game in itself: playing the little avant-garde group. It's always been a specifically French game, it seems to me. But it seems to have been lost over the years.

    As for me, I have lost contact with most of the members of the Group, but I have kept a solid friendship with some of them. Having said that, we no longer have any activities in common, and even less that are linked to psychogeography, which cannot be said to have made many fans in France, unlike in the United Kingdom for example.

    No one, to my knowledge, has broken through or sought to break through in the world of music or art. Many have gone into teaching or the civil service.

    I continue to wander around, like everyone else, in the end, and I report my discoveries in a little diary that serves no other purpose, but that's as far as my approach goes."

    *

    "I am not at all interested in the current revival in Anglo-Saxon countries for psychogeography. Or to be exact I stopped being interested after doing some research in this field. It's far too politicised on the one hand, and from the little I've seen, on the other hand, it's stuck with the old techniques like drifting, all that kind of cliché. Once again, I'm not interested in exploring with the aim, admitted or not, of passing judgement on society. Whether the world is beautiful or ugly, whether it is fair or not, whether it is a paradise or a prison, interests me as a citizen but not as a walker, not as a dreamer.

    As for the fashion for rural psychogeography, as with the fanzine Weird Walks, I find it all too marked by a rather grotesque neo-paganism and the search for a land of plenty to reconnect with when the interesting reality to explore is rather that of the death of the countryside; deserted villages, the destruction of ancient communities and traditional ways of life, inhuman agriculture, etc."

    *

    "The new visual proposed today with the demo is a painting showing a commedia dell'arte scene; it did not exist at the time, but I always wanted to use this kind of imagery one day. This painting has the advantage of showing a rather heavy sky; it remains in the theme of grisaille. I have been told that this picture could be read as a saucy image; I must confess that I did not realise it at first...".

    Groupement Psychog_ographique de l'Est - Souvenirs de la Ville Grise.jpg

    "This sky also makes me think of the northern sky, of course; of my youthful trips to Bruges or Ostend. Of the Bal du Rat Mort (Dead Rat Ball). Of authors like Ghelderode...

    I love masks and carnival. I still have a vivid memory of a nightmare I had as a teenager when I was wandering around an old town with narrow, winding streets and came across a kind of Pierrot with his throat cut, sitting on the cobblestones with his back against a wall. This kind of aesthetic is for me inseparable from the imaginary of the city in general.

    There are several cities that have left their mark on my imagination over the decades, and it seems to me that they form only one, although they undeniably take on masks to appear to me – in the waking state, or in my dreams at night. That's why the record is now called Memories of the Grey City, and not of the Grey Cities."

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  • Souvenirs de la Ville Grise

    Je publie ici, in extenso, l'article paru sur Pays Fantôme.

    « La Ville Grise m'est d'abord apparue en rêve ; des rêves très espacés sur une longue période de plusieurs années ; puis j'ai appris à la reconnaître ailleurs, dans les films, les jeux vidéos, et dans les rues des villes et villages que je visitais dans ma vie diurne. J'en ai tiré quelques conclusions.

    On ne peut pas cartographier la ville grise.

    On ne peut pas la localiser.

    Elle existe de manière discontinue dans un nombre inconnu de villes réelles, de rêves nocturnes ou de fictions.

    Il suffit que la lumière change au détour d'une rue, d'une nuance de couleur sur un immeuble, et je sais que je viens d'entrer dans la ville grise. Que je sois à l'état de veille ou en train de rêver. Et je réalise que je l'avais une fois de plus oubliée, et que cette redécouverte, cette anamnèse, n'en est qu'une de plus ; qu'il y en a eu un nombre d'autres dont je ne suis pas capable de me souvenir.

    Cette prise de conscience de l'oubli et de la remémoration fait partie intégrante de la manière dont on expérimente la ville grise. »

    *

    Pays Fantôme a reçu il y a quelques mois un e-mail d'une personne anonyme prétendant avoir été membre d'un certain Groupement Psychogéographique de l'Est souhaitant nous communiquer une cassette audio contenant environ 17 minutes de musique et divers documents comme les photos d'écran d'un jeu sur Amstrad CPC 6128 ou encore toutes sortes de textes illustrés ou non : récits de rêves, fictions, essais, matériel pour jeux de rôles, etc.

    Après réception et examen des pièces qui nous avaient été transmises, il s'est avéré évident que nous devions rééditer tout cela, au moins en partie. Naturellement, rien ne prouve que nous ne soyons pas en face d'un canular ; mais peu importe, au fond, que le Groupement Psychogéographique de l'Est ait réellement existé ou que ce correspondant anonyme se soit fatigué à inventer les pièces à conviction d'une affaire qui n'a jamais eu lieu. Il n'est, en tous cas, en rien impossible qu'il ait existé. Mais si ce n'est pas le cas, l'ardeur mise à y faire croire suffit à en faire bien plus qu'un faux : une œuvre de fiction à part entière.

    Nous avons envoyé un certain nombre de questions à cet (ou cette) anonyme, et nous vous proposons ici une synthèse de ses réponses. Elles font partie intégrante de l’œuvre, à notre sens.

    Les documents qui accompagnent le release sont fournis avec lorsqu'on le télécharge sur Bandcamp, ou consultables en ligne sur Archive.org.

    *

    Tous les paragraphes ci-dessous sont des extraits de nos échanges par mail avec le représentant du GPE.

    *

    « L'appellation Groupement Psychogéographique de l'Est est presque une plaisanterie. Nous étions quelques amis originaires d'un peu partout entre la Champagne et l'Alsace, en passant par la Meurthe-et-Moselle et la Meuse, et fréquentions le même campus (Lettres Sciences Humaines). L'un de nous était tombé, je ne sais comment, sur des textes de Debord et sur divers articles concernant la psychogéographie à la bibliothèque universitaire – il n'y avait évidemment pas d'Internet et encore moins de Google à l'époque, en France, et découvrir ce genre de passe-temps marginaux était un peu plus hasardeux.

    Nous nous sommes appropriés le terme, en le mettant à notre sauce et en le débarrassant de tout l'aspect politisé qu'il a originellement, mais dont nous n'avions qu'assez peu conscience de toutes façons. Analyser, contester ou réformer la société en étudiant les environnements dans lesquels nous nous vivions ne nous intéressait clairement pas.

    Nous étions déjà de grands marcheurs et de grands amateurs d'exploration urbaine (pas du tout au sens où on l'entend aujourd'hui avec l'urbex ; nous ne pénétrions pas dans des usines abandonnées ou ce genre de choses) et d'exploration rurale. Pour dire les choses de façons moins snob, nous aimions nous balader, errer, nous laisser surprendre par le paysage, qu'il soit celui de la ville ou non.

    La découverte de la psychogéographie théorisée par Guy Debord nous a simplement donné encore plus d'idées, des idées pour étendre nos expériences. Dans une démarche intime, ludique et esthétique. »

    *

    « Le nom Groupement Psychogéographique de l'Est est donc devenu celui sous lequel nous avons publié, dans un premier temps (sous forme de petits fascicules tapés à la machine, manuscrits, ou imprimés à la fac quand on en avait la possibilité) des récits de balades, parfois agrémentés de photos, et des textes plus généraux sur la question des lieux dans nos vies, de leur poids dans l'imaginaire, la vie psychique individuelle et collective, etc.

    Cela paraît très théorique et pompeux et théorique dit comme ça mais encore une fois c'était une démarche viscérale et intimiste, pour nous tous.

    Il n'y avait pas de règles et pas de méthodes établies. Chaque membre du groupe – il y en a eu en tout à peu près une dizaine ou une douzaine, sur les quelques années que cela a duré – était parfaitement libre de définir son propre domaine de recherche ou ses propres méthodes.

    [...]

    Certains prenaient essentiellement des photos au cours de leurs explorations. Et ne produisaient pas de commentaire écrit ou alors quelque chose de très court. Les photos parlaient d'elles-mêmes. Elles étaient conçues pour retranscrire non seulement l'atmosphère d'un lieu, sa spécificité, et l'effet qu'il avait eu sur l'artiste, mais pour dévoiler ce que ce lieu avait de secret, d'invisible, peut-être, pour ceux qui l'abordaient dans leur vie quotidienne avec un regard purement utilitariste.

    D'autres membres partaient avec un dictaphone sur lequel ils enregistrement toutes leurs pensées, leurs émotions, tous les micro-événements de leur balade. Ils rédigeaient, ensuite, soit une synthèse, soit une transcription complète, littérale, de leur enregistrement.

    Certains planifiaient exactement leur exploration, au moyen d'une carte. D'autres (comme moi) partaient en voiture au hasard, parfois même sans savoir dans quelle ville ils allaient s'arrêter. Ils attendaient de voir quelque chose, ou de ressentir un signal intérieur leur disant qu'il fallait s'arrêter ici ou là.

    Entre l'exploration exhaustive d'un lieu et la dérive hasardeuse, se contentant d'un seul trajet à travers une ville, en en ratant la plus grande partie, tout était possible. Même les explorations se limitant aux rêves nocturnes... Et même les explorations fictives, procédant, ceci dit, non pas de la seule imagination de l'écrivain, mais de la méditation et du rêve éveillé. Ou en explorant une ville à travers des photos de ses rues.

    J'imagine ce que nous aurions pu faire à l'époque si Google Street View avait existé. »

    *

    « À titre personnel, comme je l'ai dit, je faisais énormément de balades seul en voiture. Je venais de perdre ma mère, à vingt ans, et j'avais hérité de sa Ford. Pendant longtemps j'ai eu un très fort besoin de solitude. J'ai passé au moins un an de ma vie à prendre, aussi souvent que possible, une journée complète ou une nuit, sans prévenir personne, pour errer en voiture dans la région, en roulant au hasard sur des dizaines ou parfois des centaines de kilomètres. Je prenais des photos dans les villes et les villages où je m'arrêtais, ou parfois simplement à travers le pare-brise. »

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    « Le nom Souvenirs de la Ville Grise vient aussi du fait que je prenais beaucoup de photos en noir et blanc à l'époque. Je les développais et les tirais moi-même, chez un ami qui avait le matériel nécessaire. Un certain nombre de tirages ont été considérés comme faisant partie, a posteriori, de l'inventaire officiel du Groupement. J'en ai vendu quelques-uns, surtout à des connaissances et des amis, pour être honnête. Deux ou trois ont été reproduits dans des fanzines locaux à l'époque. »

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    « Il y a quelque chose d'indéfinissable mais de très intense pour moi dans le fait, pour moi, d'être seul au volant, dans une ville inconnue, à la tombée de la nuit ou au petit matin ; une ville où je n'ai rien à faire, personne à voir, où personne ne sait que je me trouve. Avec le pare-brise comme écran, c'est-à-dire à la fois comme protection, et comme médium (comme un écran de cinéma) qui me permet d'avoir du monde une expérience non pas directe mais esthétique avant tout. C'est un type d'états mentaux que j'ai découvert par hasard et que j'ai recherché volontairement, par la suite. Les autres ont eu le même genre d'évolution ; d'abord l'expérience pure, puis on théorise, on systématique. »

    *

    « Je n'ai plus les originaux de nos brochures mais cela n'a pas beaucoup d'importance, à l'époque nous avions utilisé un Atari pour archiver tous nos textes avec le logiciel Writer, et comme cela enregistrait des fichiers au format .doc j'ai encore tous nos écrits. Peut-être que ce sera réédité un jour d'une manière ou d'une autre, je n'ai pas de projet très précis à ce sujet pour l'instant. Pas sur papier, je pense, il n'y a pas de public pour ça, mais aujourd'hui n'importe quel blog ou compte Archive.org permet de s'adresser au monde entier. »

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    *

    « Nous vivions essentiellement dans des villes moyennes ou des petites villes. Nos explorations concernaient essentiellement ce type d'environnements, villages inclus. Avec les très grandes villes comme Paris ou Lyon nous n'avons quasiment eu que des rapports imaginaires, à travers les livres, le cinéma, etc.

    La dérive parisienne m'intéresse moyennement. J'ai eu l'occasion de la pratiquer, de manière involontaire, d'ailleurs, puisque j'ai vécu quelques semaines à Paris et que pendant mon temps libre (je travaillais dans un petit supermarché place Léon Blum et avais mes après-midi libres) j'errais dans les quartiers autour du mien, découvrant par exemple le Jardin Naturel et quelques rues sans grand intérêt mais qui m'attiraient pour cette raison précise, aux abords du Père Lachaise. Une expérience intéressante, mais Paris malgré tout était trop grand, trop peuplé, trop hostile pour un provincial comme moi.

    [...]

    J'ai adoré, jeune étudiant, le film Mort à Venise, par exemple, et cette ville (qui apparaît aussi dans un jeu vidéo que j'aimais ado, qui s'appelle Masque) m'a obsédé pendant un certain temps. J'en rêvais la nuit, je rêvais que je l'explorais et m'y perdais avec bonheur. »

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    « Même si je sais qu'elle est superbe et que je rate sans doute quelque chose, je n'ai pas envie de voir la vraie Venise. De même que je me contenterai du Lyon que l'on peut voir dans L'horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier . »

    *

    « Notre région a un fort passé industriel, minier, sidérurgique, etc. Beaucoup de nos villes sont très marquées architecturalement par l'essort du XIXè siècle mais aussi par le déclin depuis quelques décennies. La Ville Grise est aussi la ville grise de pollution, grise de crasse, que nous ont laissé les capitaines d'industrie après nous avoir abandonnés. Mais encore une fois, même si ça faisait partie de notre imaginaire, cela ne nous intéressait pas de dénoncer cet état de fait. En revanche nous avions conscience que vivre dans ce genre d'environnement produisait un état d'esprit, voire des états de conscience particuliers. »

    *

    « Nous étions de grands amateurs de jeux vidéo et de jeux de rôles. Quand je parle de jeux vidéo il faut bien se rappeler qu'on était à la fin des années 80 / début et milieu des années 90. La plupart d'entre nous avaient une culture micro-ordinateurs et non pas PC ou console. J'ai beaucoup joué, adolescent, à leur sortie, aux jeux d'aventure de Lankhor, par exemple : Le Manoir de Mortevielle, La Secte Noire... à certains jeux américains, aussi, qui n'ont jamais été traduits, comme Zork. J'ai déjà cité Masque, aussi. »

    *

    « Nous nous sommes investis, pour plusieurs d'entre nous, dans un club informatique, à l'échelle municipale. C'était encore la grande époque de l'Atari et de l'Amiga. »

    *

    « Notre pratique des jeux vidéo influençait aussi notre façon d'appréhender le monde et les lieux réels que nous explorions. Explorer le réel était devenu une sorte de jeu en lui-même, une extension de ce que nous vivions dans les jeux vidéo – et vice versa. »

    *

    « L'un de nous avait écrit un petit programme en Basic pour Amstrad CPC. Au début des années 90 c'était une machine en voie de ringardisation mais qui était encore très répandue et avait ses fanatiques (qui existent toujours, d'ailleurs). C'était une sorte de balade interactive, textuelle, mais avec quelques illustrations, dans une ville imaginaire inspirée de plusieurs de nos explorations. Ça fonctionnait avec des choix multiples, comme un livre dont vous êtes le héros. »

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    « C'était un jeu relativement sans queue ni tête, avec un scénario de bric et de broc, qui essayait d'exploiter au maximum nos notes prises lors d'errances, ou issues de nos réflexions, etc. C'était cousu de fil blanc et au final le jeu a un côté onirique, un peu surréaliste et bizarre, parfois un peu sinistre aussi il faut bien le dire. Il n'y avait pas vraiment de puzzles, ni d'objets à manipuler, ni de PNJ avec qui avoir des rapports, parce que le programmeur était incapable de réaliser ce genre de choses ; au final on ne fait à peu près qu'errer de lieu en lieu et voir ce qui se passe. Un peu comme nous-mêmes dans nos vies réelles à l'époque...

    Ce jeu n'avait lui non plus pas de titre. Il a été partagé aux quelques membres que ça intéressait, et c'est tout. Je l'ai sur disquette mais il y a quelques années j'ai pris le temps de recopier tout le code. »

    *

    « Certains d'entre nous faisaient un peu de musique, ou en tous cas, disposaient de claviers et de synthés, et se sont mis à travailler ensemble. Cela a abouti à une cassette, qui  n'avait d'ailleurs pas de titre. Ce n'était pas vraiment une démo à proprement parler, même si on lui a donné ce qualificatif ; c'était juste une collection de morceaux enregistrés l'un après l'autre au fil des semaines, des mois, que nous n'envisagions absolument pas de retravailler pour les proposer un jour à une maison de disque.

    La version que je vous envoie n'est qu'un petit montage incomplet et endommagé (quelques secondes de musique manquent ici et là) de morceaux que nous avons enregistrés à l'époque.

    L'influence principale, je dirais, était Désaccord Majeur – et dans une moindre mesure État des Stocks. Désaccord Majeur est un projet français qui existe depuis la fin des années 80 et qui est une sorte de réponse française à Zoviet France ou Rapoon ; en gros, de la musique post-industrielle avec une forte inclination ethnique. Personnellement j'étais absolument fan de la cassette Le Point immobile vibrant.

    C'était aussi un label. Il a par exemple sorti la première démo de Moments Présents, que nous aimions beaucoup mais qui était beaucoup plus sombre. Nous voulions rester dans une certaine légèreté.

    Quant à État des Stocks c'est un projet belge, électronique et expérimental, plus abstrait. Mais ces deux  projets avaient un côté à la fois très réaliste, par l'utilisation de samples du journal télévisé ou de documents audio historiques, et très surréaliste, intemporel, inclassable, de par leurs mélanges, leurs collages de sons de provenances très différentes.

    L'effet mental que produit le passage d'une ambiance à l'autre, dans une ville, notamment, est l'un des piliers de la psychogéographie. On peut donc presque parler de psychogéographie sonore, les concernant. »

    *

    « Pour ce qui est des instruments, nous utilisions exclusivement des synthés analogiques et des claviers comme le PSS 390 qui utilise la synthèse FM. Les morceaux étaient enregistrés directement sur cassette. Nous n'avions même pas de 4-pistes ; c'était la chaîne HiFi familiale, avec son entrée ligne, qui nous servait de magnétophone. Les samples étaient joués en même temps, depuis un autre lecteur de cassettes audio où nous les avions préalablement enregistrés.

    Les morceaux sont assez répétitifs, à dessein. La plupart sont totalement improvisés. Nous jouions à plusieurs, chacun avec son synthé, et quand l'un de nous trouvait un motif puis le répétait, un autre se calait dessus et jouait lui aussi la même phrase musicale encore et encore, et ainsi de suite. Ça évitait de faire trop de fausses notes ou de se lancer dans des solos croisés qui n'auraient rien donné. Nous n'étions pas de grands musiciens et en avions parfaitement conscience.

    Mais nous aimions, de toutes façons, la musique minimaliste et répétitive, pour ses qualités hypnotiques, favorisant la méditation, la rêverie. J'ai pas mal écouté la cassette, sur mon lit, seul, dans la pénombre, ou essayant de me plonger dans un état entre la veille et le sommeil, et de visualiser des choses ; des lieux, des personnes, des scènes. Nos morceaux avaient ce côté un peu utilitariste, comme peut l'être la musique sur une cassette de relation new-age. »

    *

    « Nous avons samplé, entre autres choses, le JT et les reportages qui passaient à la télévision, alors. Le vieux Paris ouvrier, la France d'autrefois, les rues sales et grises, délabrées, les quasi-taudis qui constituaient encore, il y a seulement 40 ou 50 ans, la réalité du Paris populaire. Ce Paris-là, j'aurais pu l'aimer. Aujourd'hui on trouve ça très facilement sur le site de l'INA et c'est un vrai soulagement que de pouvoir s'y replonger. »

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    « Les vidéos d'archives, aujourd'hui, permettent de se replonger dans cette grisaille magnifique, dans ces vieux quartiers populaires de Paris ou de la province, dont la laideur et la misère, le délabrement, la vétusté, paraissent aujourd'hui comme miraculeux, précieux, désirables – je ne saurais pas exactement dire pourquoi. Peut-être simplement par nostalgie. Peut-être aussi parce qu'ils portent la patine du temps et du réel, quand nos villes de plus en plus sont des non-lieux, des mises en scène, des décors vides de parc d'attraction. En tous cas il y avait quelque chose dans ces vieux quartiers gris et tristes quelque chose qui nous obsédait.

    En matière de samples il y a quelques secondes de hurlements samplés du film Themroc, aussi. Et les hurlements d'une femme probablement à l'extrême limite de la maladie mentale, et qui gueulait sur je ne sais qui, que l'un de nous avait enregistrée discrètement avec un dictaphone, dans la rue. C'était quelque chose que nous faisions souvent. J'ai d'ailleurs gardé cette habitude, sans chercher à lui trouver une utilité.

    Sur l'avant-dernier morceau, je crois, il y a la voix d'un homme qui prie en hébreux ; un juif parisien, dans un reportage télévisé quelconque d'il y a quelques décennies. Il n'y avait aucune composante spirituelle, vraiment pas la moindre, dans les productions du Groupement Psychogéographique de l'Est, mais comme pur élément d'ambiance on aimait bien tout ce qui semblait même vaguement ésotérique et mystérieux. »

    *

    « La réception de la cassette a été à peu près nulle, ce qui est normal dans la mesure où ne l'avons quasiment que diffusée de manière privée. Aucune chronique et quasiment pas de distribution, si ce n'est chez deux ou trois disquaires qui acceptaient de vendre des démos, comme Ombre Sonore à Strasbourg,  ou la librairie La Parenthèse, à Nancy. WAVE nous a en revanche envoyés balader. Une radio locale a diffusé un morceau au cours d'une émission consacrée à la scène de l'Est. C'est à peu près tout. Je me souviens qu'on avait fixé un prix exceptionnellement bas pour la cassette, du fait de sa courte durée et du fait que c'était tout de même très amateur, très brouillon.

    En totalité, je dirais qu'une vingtaine ou une trentaine de copies a été mise en circulation ; la plupart a été offerte à des amis. On en avait copié cinquante, d'avance, en se disant que ça suffirait, et au final on a pas réussi à les écouler. »

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    « C'est la seule cassette enregistrée par le Groupement Psychogéographique de l'Est en tant que tel, mais je sais que deux membres au moins ont sorti d'autres démos dans un registre assez similaire, ou un peu plus influencé par le Moyen-Âge, les jeux de rôles, le symbolisme, ce genre de choses... »

    *

    « Le Groupement a duré quatre ou cinq ans. Le temps de nos études...

    Nous n'étions pas actifs, ou disons, productifs, tout le temps. Comme je le disais, c'était quasiment une plaisanterie, un jeu de rôle en soi : jouer au petit groupe avant-gardiste. Ça a toujours été un petit jeu spécifiquement français, me semble-t-il. Mais qui a l'air de s'être un peu perdu avec les années.

    Quant à moi j'ai perdu le contact avec l'essentiel des membres du Groupement, mais ai conservé une amitié solide avec quelques-uns d'entre eux. Nous n'avons, ceci dit, plus d'activité en commun, et encore moins qui soit liée à la psychogéographie, dont on ne peut pas dire qu'elle ait fait beaucoup d'émules en France, contrairement au Royaume-Uni par exemple.

    Personne, à ma connaissance, n'a percé ni cherché, d'ailleurs, à percer dans le monde de la musique ou de l'art. Beaucoup ont suivi un cursus les menant à l'enseignement ou à la fonction publique.

    Je continue à me balader, comme tout le monde, finalement, et je relate mes découverte dans un petit journal qui ne me sert qu'à ça, mais ma démarche ne va pas plus loin. »

    *

    « Je ne m'intéresse pas du tout au revival actuel, dans les pays anglo-saxons, pour la psychogéographie. Ou pour être exact j'ai cessé de m'intéresser après avoir fait quelques recherches dans ce domaine. C'est beaucoup trop politisé d'une part, et pour le peu que j'ai vu, d'autre part, ça en reste aux vieilles techniques comme la dérive, tout ce genre de clichés. Encore une fois, pratiquer l'exploration dans le but, avoué ou non, de porter un jugement sur la société, ne m'intéresse pas du tout. Que le monde soit beau ou laid, qu'il soit juste ou non, qu'il soit un paradis ou une prison, m'intéresse en tant que citoyen mais pas en tant que marcheur, pas en tant que rêveur.

    Quant à la mode de psychogéographie rurale comme avec le fanzine Weird Walks, je trouve tout ça beaucoup trop marqué par un néo-paganisme un peu grotesque et par la recherche d'un pays de Cocagne auquel se reconnecter alors que la réalité intéressante à explorer est plutôt celle de la mort de la campagne ; les villages déserts, la destruction des communautés anciennes et des modes de vie traditionnels, l'agriculture inhumaine, etc. »

    *

    « Le nouveau visuel proposé aujourd'hui avec la démo est un tableau montrant une scène de commedia dell'arte ;  il n'existait pas à l'époque, mais j'ai toujours voulu utiliser un jour ce genre d'imagerie. Ce tableau a l'avantage de montrer un ciel plutôt chargé ; on reste dans le thème de la grisaille. On m'a signalé une possible lecture grivoise de cette image ; je dois avouer que cela m'avait échappé de prime abord... »

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    « Ce ciel me fait aussi penser au ciel du Nord évidemment ; à mes voyages de jeunesse à Bruges ou Ostende. Au Bal du Rat Mort. À des auteurs comme Ghelderode...

    J'aime les masques et le carnaval. J'ai un souvenir encore très vif d'un cauchemar, fait adolescent, où j'errais dans une vieille ville aux ruelles étroites et tortueuse, et tombais sur un genre de Pierrot, égorgé, assis à même les pavés, le dos contre un mur. Ce genre d'esthétique est pour moi indissociable de l'imaginaire de la ville en général.

    Il y a plusieurs villes qui ont marqué mon imaginaire, au fil des décennies, et il me semble qu'elles n'en forment qu'une seule, bien qu'elle prenne indéniablement des masques pour m'apparaître – à l'état de veille, ou dans mes rêves, la nuit. C'est pour cela que le disque s'appelle aujourd'hui Souvenirs de la Ville Grise, et non pas des Villes Grises. »

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  • Gare / Station (1993)

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    FRANÇAIS

    Ce que j'aimais avec la gare et le quartier qui l'entourait, autrefois, c'est que tout cela ne cherchait pas à être spécialement beau, ou cool, ou culturel, ou convivial – c'étaient des lieux réels, réels parce que simplement fonctionnels et ne cherchant pas à masquer ou enjoliver ou idéologiser leur fonction au moyen d'un quelconque discours sous la forme d'une scénographie urbaine.

    Il va de soi que cela changé du tout au tout.

    ENGLISH

    What I loved about the station and the area around it, in the old days, was that they weren't trying to be especially beautiful, or cool, or cultural, or friendly – they were real places, real because they were simply functional and didn't try to mask or embellish or ideologize their function with some kind of urban scenography discourse.

    It goes without saying that this changed completely.

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  • Jeannot

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    FRANÇAIS

    Je le rencontrais de temps à autres en ville ou aux abords du boulevard Charlemagne, en costume de parfait cadre, un pack de bière sous le bras et un petit bracelet rose fluo en froufrous autour du poignet – ou à l'inverse, en perruque et robe moulante, mangeant une crêpe place Carnot. Ou sous la porte Stanislas, un boa léopard autour du cou. Il faisait partie d'une faune nancéienne d'originaux et de vieillards étranges qui parcouraient inlassablement les rues, et que j'associais à la part obscure, surréaliste, magique, de Nancy, qui s'était révélée à moi dès les premiers jours – tout comme la misère, la marginalité à Nancy s'étaient révélées à moi en la personne de Nathalie. Quelqu'un m'avait raconté que dans sa jeunesse Jeannot avait travaillé au Moulin Rouge, fréquenté Régine et le tout-Paris. Qu'il avait tenu un restaurant, rue Gustave Simon, dans les années 1970, où il présentait un numéro tous les soirs, chantant, dansant et se travestissant à la grande joie ou à la consternation de sa clientèle. Des années après son assassinat, j'avais pu trouver des photos qui le montraient affublé d'une perruque poudrée et de déguisements du XVIIIè siècle. Il était souriant, encore jeune, bel homme. Le 1er août 2003, des adolescents l'avaient poussé dans le Canal de la Marne au Rhin, et il s'y était noyé.

    ENGLISH

    I used to run into him now and then in town or near Boulevard Charlemagne, dressed like a perfect businessman, a pack of beer under his arm and a little neon pink frilly bracelet around his wrist – or, conversely, wearing a wig and a tight-fitting dress, eating a crêpe on Place Carnot. Or under the Porte Stanislas, with a leopard-print boa around his neck. He was part of a Nancéien fauna of eccentrics and strange old people who endlessly roamed the streets, and whom I associated with the dark, surreal, magical side of Nancy that had revealed itself to me from the very first days – just as misery and marginality in Nancy had revealed themselves to me in the person of Nathalie. Someone had once told me that, in his youth, Jeannot had worked at the Moulin Rouge, rubbed shoulders with Régine and the Parisian elite. That he'd run a restaurant on Rue Gustave Simon in the 1970s, where he performed a number every night – singing, dancing, and cross-dressing to the delight or dismay of his clientele. Years after his murder, I managed to find photos of him wearing a powdered wig and 18th-century costumes. He was smiling, still young, a handsome man. On August 1st, 2003, a group of teenagers pushed him into the Canal de la Marne au Rhin, and he drowned.

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