FRANÇAIS
Je suis dans une galerie commerciale type centre Saint-Sébastien, en plus obscur, plus « renfermé », vieillot et qui dégage une impression de saleté, de vétusté. Je passe en revue plusieurs boutiques, je ne sais plus de quoi – peut-être d'informatique ou de téléphonie. J'entre dans un kebab, pas pour consommer, mais pour une autre raison ; attendre quelqu'un ou peut-être accéder à une autre partie du centre commercial, car il est labyrinthique et la notion d'intérieur et d'extérieur y est très floue. J'assiste à une scène dans une arrière-boutique, avec le ou les patrons, et peut-être une femme ; la préparation d'un attentat ? Des objets louches stockés là-dedans ? Je décide de m'éclipser, et ressors par une porte qui mène à la cage d'escalier (très 70's, en marbre et rambardes de bois) d'un immeuble d'habitation. Je descends au rez-de-chaussée où se trouvent de très larges portes vitrées, qui font toute la façade. Je suis enfermé à l'intérieur.
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J'ai toujours aimé les galeries commerciales, qu'elles soient sur le modèle des grands magasins parisiens, où tous les articles sont présentés ensemble, au sein d'un seul immense espace – ou bien selon le modèle plus récent de la division en cellules, qui chacune contient une enseigne précise.
J'aime le Karstadt à Sarrebrück.
J'aime le centre Saint-Sébastien à Nancy.
J'y ai d'innombrables souvenirs d'enfance ou de mes années d'étudiant. J'aime les lieux artificiels de manière générale, comme les zoos ou les parcs d'attraction : ce n'est pas le monde réel mais une version miniature, sécurisée et faite pour le plaisir. Les centres commerciaux me font le même effet, et ils ont un charme spécifique qui est qu'on y est à l'intérieur ; pas de ciel, pas de soleil ni de lune, pas d'oiseaux, pas de grand air, on est, comme dans le métro, dans un espace 100 % humain. Une sorte de rêve, d'espace d'autonomie totale, de séparation totale avec le monde réel. Un espace entièrement social et symbolique. J'aime aussi ces lieux non pas en dépit du fait qu'ils vieillissent mal mais à cause de lui ; la saleté, la moisissure, la pollution, prennent rapidement le pas sur les surfaces propres et neuves. J'ai toujours aimé la crasse de la ville. C'est pour ça que j'ai toujours aimé Nancy. Même si cette attirance n'est pas exempte d'angoisse. La pollution, la grisaille, la crasse, le béton, les labyrinthes de couloirs et d'escaliers sont répugnants et attirants comme la mort.
Dans mes rêves plus récents, le décor change un peu ; ce n'est pas un Saint-Sébastien obscur mais des centres commerciaux qui ressemblent désormais à ceux de mon enfance, en terme de décoration, d'ameublement, de matériaux typiques des années 70. Au fur et à mesure que je vieillis, mes rêves creusent plus profond.
ENGLISH
I'm in a shopping arcade – something like the Saint-Sébastien mall, but darker, more "shut-in", old-fashioned, and steeped in a sense of dirtiness and decay. I walk past several shops – I can’t remember what kind, maybe electronics or phone stores. I enter a kebab place, not to eat, but for some other reason; maybe to wait for someone, or to access another part of the shopping center. The layout is labyrinthine, and the boundary between indoors and outdoors is extremely blurred. In a back room, I witness a scene involving the owner – or owners – and perhaps a woman; the preparation of an attack? Some shady goods being stored there? I decide to slip away quietly and exit through a door that leads into a stairwell – very 1970s, with marble and wooden railings – inside a residential building. I go down to the ground floor, where there are large glass doors making up the entire façade. I’m locked inside.
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I’ve always loved shopping arcades–whether they follow the model of Parisian department stores, with all items displayed together in one massive space, or the more recent design divided into individual units, each housing a specific brand.
I love the Karstadt in Saarbrücken.
I love the Saint-Sébastien mall in Nancy.
I have countless memories there from childhood and my student years. I’ve always loved artificial places in general, like zoos or amusement parks: they’re not the real world, but a miniature, safer, pleasure-oriented version of it. Shopping malls have the same effect on me, with a special charm: you're indoors–no sky, no sun or moon, no birds, no fresh air. Like in the subway, you're in a 100% human-made space. A kind of dream, a space of total autonomy, total separation from the real world. A space that is entirely social and symbolic. And I don’t love these places in spite of the fact that they age poorly – I love them because of it. Dirt, mold, pollution quickly overtake clean, new surfaces. I’ve always liked urban grime. That’s why I’ve always liked Nancy. Even though this attraction comes with a touch of anxiety. Pollution, drabness, filth, concrete, the labyrinths of hallways and stairwells–they’re revolting and alluring, like death.
In my more recent dreams, the scenery shifts slightly: it’s no longer a dark Saint-Sébastien but shopping centers that now resemble those of my childhood, in terms of decor, furnishings, and the materials typical of the 1970s. As I grow older, my dreams dig deeper.