crépuscule
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L'heure bleue / Blue hour (2010)
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Rue de Metz (2015)
FRANÇAIS
Un homme attend quelque chose, un large sac de courses à la main, dos à un commerce abandonné. De larges cartons vert sombre cachent l'intérieur du magasin, mais évoquent bizarrement quelque chose de vivant, de gai, comme les couleurs violentes des bidonvilles.
Je longe une « cordonnerie clé minute ». Dans une faible lueur bleutée de crépuscule, la lumière chaude, accueillante, qui vient du magasin, donne envie d'y entrer – peut-être même d'y travailler. J'aime l'odeur du caoutchouc, du métal qui chauffe ; l'odeur des garages, de la graisse, des moteurs, du béton froid et humide et des chauffages d'appoint.
Une section de rue où il n'y a aucune autre lumière que celle, insuffisante et jaunâtre, d'un lampadaire au premier étage d'un immeuble. On se croirait, fugitivement, dans une ville abandonnée, une ville de fin du monde, inhabitée, silencieuse et noire.
J'entre dans un couloir qui donne sur les cuisines et la cave d'un restaurant. Le long des murs courent des câbles, des tuyaux métalliques. C'est l'envers du décor, la remise, la marge, dans le noir et sans bruit ni discours, qui m'a toujours attiré plus que la vie. Un escalier monte vers une poche d'obscurité totale. Peut-être vers des logements. Je les imagine silencieux et noirs, inhabités – ou alors par une population marginale, qui ne sortirait jamais et vivrait là comme dans un monde parallèle.
ENGLISH
A man waits for something, a large shopping bag in hand, his back to an abandoned shop. Dark green cardboard sheets cover the interior of the store, but strangely evoke something alive, joyful – like the vivid colors of shantytowns.
I walk past a "key-cutting cobbler". In the faint bluish light of dusk, the warm, welcoming glow spilling from the shop invites you in – perhaps even to work there. I love the smell of rubber, heating metal; the scent of garages, grease, engines, cold damp concrete, and space heaters.
A stretch of street where there is no other light than the weak, yellowish glow of a streetlamp on the first floor of a building. For a fleeting moment, it feels like an abandoned city, an end-of-the-world town, uninhabited, silent, and dark.
I enter a corridor opening onto the kitchens and cellar of a restaurant. Along the walls run cables, metal pipes. It’s the backstage, the storage, the margin – in darkness and without noise or conversation – that has always attracted me more than life itself. A staircase climbs into a pocket of total darkness. Perhaps leading to apartments. I imagine them silent and black, uninhabited – or inhabited by a marginalized population, who would never come out and live there as if in a parallel world.
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Soir bleu / Blue hour
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Baies vitrées / Large windows
FRANÇAIS
J’emménage dans un appartement minuscule et vieillot, entièrement fait de baies vitrées, en haut d’un petit escalier, le tout en façade d’immeuble dans une grande rue, comme la rue Saint Jean à Nancy. On entre pas avec une clé mais avec une carte magnétique qu’on passe dans un lecteur, comme à l’hôtel. Ce système me laisse un peu perplexe et m’inquiète vaguement, ne me semblant pas très fiable. Je découvre les lieux avec la femme de l’agence immobilière, comme pour la première fois, alors que ce n’est pas une visite ; je vais bel et bien y habiter. Ensuite je parle avec une ancienne locataire, essayant de lui poser des questions sur ce système de carte magnétique, mais ses réponses sont vagues, évasives voire sans rapport avec ce que je lui demande, comme si elle était trop perturbée par quelque chose pour se concentrer sur le sujet. Un peu plus tard encore je vois une petite fête, ou un genre de cocktail, devant mon appartement, sur une plateforme de béton – comme si mon appartement n’était plus au même endroit qu’avant, mais installé maintenant sur un grand escalier de béton avec des rambardes métalliques, comme une loge de concierge, entre deux étages et en extérieur, ou avant d’arriver à l’entrée d’un immeuble.
Je déambule un peu dans mon nouvel appartement, qui est maintenant meublé, sans qu’il soit très clairement défini si ce sont mes meubles, ou des meubles qui étaient déjà là – en tous cas ils sont vieillots, type buffet massif en bois sombre, comme chez mes grands parents, enfant, et encore une fois c’est un décor dans lequel je me sens bien et me réjouis de vivre désormais. L’appartement est petit mais tout est beau et semble à sa place. La lumière est celle d’un beau coucher de soleil. Je vois dans la cuisine (la seule pièce séparée du reste par des cloisons, et où sont installées des tables qui ressemblent à celles de la cafétéria du CORA) les restes de repas et de vaisselle sale des occupants précédents, comme s’ils venaient de partir, mais cela ne me choque pas.
ENGLISH
I move into a tiny, old-fashioned apartment, whose walls are made entirely of large glass panels, at the top of a small staircase, all facing the front of a building on a busy street – something like Rue Saint Jean in Nancy. You don’t enter with a key but with a magnetic card that you swipe through a reader, like in a hotel. This system leaves me a bit perplexed and vaguely uneasy, as it doesn’t seem very reliable. I explore the place with the woman from the real estate agency, as if for the first time, even though it’s not a visit – I’m really going to live there. Then I talk to a former tenant, trying to ask her questions about the magnetic card system, but her answers are vague, evasive, or even unrelated to what I’m asking, as if she’s too disturbed by something to focus on the topic.
A little later, I see a small party, or some kind of cocktail event, in front of my apartment, on a concrete platform – as if my apartment had moved from its original place and was now set on a large concrete staircase with metal railings, like a concierge’s lodge, between two floors and outside, or just before entering a building.
I wander a bit in my new apartment, which is now furnished, though it’s not clear whether the furniture is mine or was already there – in any case, it’s old-fashioned, like a massive dark wooden sideboard, reminiscent of my grandparents’ house when I was a child. Once again, it’s a setting where I feel comfortable and happy to live. The apartment is small but everything is beautiful and seems to be in its place. The light is that of a beautiful sunset. I see in the kitchen (the only room separated from the rest by walls, and where tables that look like those from the CORA cafeteria are installed) leftovers and dirty dishes from previous occupants, as if they had just left – but this doesn’t bother me.
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Parking couvert / Overground parking
FRANÇAIS
Je suis dehors au crépuscule, avec mon appareil photo. Je veux photographier le parking couvert, que la lumière rend si particulier à cette heure ; une lumière d'orage qui rend tout surnaturel. Je photographie l'extérieur du parking puis j'y entre. Des gens vont et viennent, certains me jettent des coups d’œil intrigués ou méfiants, vaguement hostiles, d'autres m'ignorent. Je prends des gens de loin, des angles serrés comme au téléobjectif, avec derrière eux le ciel d'orage aux nuages qui se détachent étrangement, à travers les ouvertures du parking. Quand je ressors, par une autre extrémité du bâtiment, je longe une petite rue, et continue à photographier le parking sous les angles les plus bizarres et les plus esthétiques possibles. Des centaines, voire des milliers d'oiseaux passent dans le ciel, comme si quelque chose allait se produire.
ENGLISH
I'm outside at dusk, with my camera. I want to photograph the covered parking lot, which the light makes so special at this hour; a stormy light that makes everything seem supernatural. I photograph the outside of the parking lot, then enter. People come and go, some giving me intrigued or suspicious, vaguely hostile glances, others ignoring me. I shoot people from a distance, from tight angles as if with a telephoto lens, with the stormy sky behind them, with clouds that stand out strangely, through the openings in the parking lot. When I emerge, through another end of the building, I walk along a small street, and continue to photograph the parking lot from the most bizarre and aesthetically pleasing angles possible. Hundreds if not thousands of birds fly overhead, as if something is about to happen.