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restaurant

  • Foules / Crowds

    FRANÇAIS

    Je suis avec Sigrid, elle est en noir, belle, jeune, exactement comme quand nous nous fréquentions. Je sais qu'elle est en couple (ou peut-être est-ce moi) mais il y a quelque chose d'irrépressible entre nous. Ensuite nous marchons dans une rue commerçante, probablement celle de la ville où je vis. Je prends Sigrid par la main et elle se laisse faire. Nous entrons dans quelque chose, un endroit qui pourrait être un restaurant ou un hôtel, et qui a un étage où nous montons, et là aussi il y a une vaste salle pleine de monde, et pour une raison que j'ai oubliée c'est là que nous devons nous séparer.

    *

    Le monde est toujours plus vivant, plus chaud, plus peuplé, dans les rêves. Il n'y est pas encore silencieux, vide, immobile, mais encore jeune, ou jeune à nouveau ; comme Sigrid est dans ce rêve à nouveau la jeune fille de vingt ans que j'ai connue autrefois.

    Maintenant que j'y pense, cette scène dans le lieu public où nous entrons est une sorte de variation d'un épisode que nous avons réellement vécu, quand après cette rencontre chez elle à Metz, dans son appartement caché au fond d'une cour intérieure, nous étions sortis marcher ensemble au hasard et avions découvert ce restaurant au bord de l'eau, sur une plateforme de bois ; il faisait bon et grand soleil, et nous avions regardé quelques instants ces familles et ces touristes attablés. Nous n'étions pas du même monde qu'eux. Ou pour le dire autrement nous n'appartenions pas au monde du tout.

    *

    Moi qui aime le silence et la solitude, j'imagine de plus en plus souvent mon appartement rempli d'amis, qui y vivraient leur vie, papoteraient, écouteraient de la musique, regarderaient un film, taperaient quelque chose sur un ordi... chaque pièce, bondée, bruyante, vivante, sans que je n'aie besoin de m'occuper de qui que ce soit.

    ENGLISH

    I'm with Sigrid. She's dressed in black, beautiful, young – exactly as she was when we were seeing each other. I know she's in a relationship (or maybe I am), but there's something irrepressible between us. Then we're walking down a shopping street, probably the one in the city where I live. I take Sigrid's hand and she lets me. We enter a place, maybe a restaurant or a hotel, and it has an upper floor that we go up to. There, too, is a vast room full of people, and for a reason I’ve forgotten, that’s where we have to part.

    *

    The world is always more alive, warmer, more crowded in dreams. It hasn't yet gone silent, empty, still – it is still young, or young again; just as Sigrid, in this dream, is again the twenty-year-old girl I once knew.

    Now that I think of it, that scene in the public place where we go is a kind of variation on something that really happened – after that meeting at her place in Metz, in her apartment hidden deep inside a courtyard, we had gone out to walk together aimlessly and discovered that restaurant by the water, on a wooden deck. The weather was warm and the sun was shining brightly, and we had stood for a few moments watching those families and tourists at their tables. We weren’t part of their world. Or rather, we didn’t belong to the world at all.

    *

    Though I love silence and solitude, I find myself more and more often imagining my apartment filled with friends, living their lives there – chatting, listening to music, watching a film, typing away on a laptop... every room crowded, noisy, alive, without my needing to take care of anyone.

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  • Jeannot

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    FRANÇAIS

    Je le rencontrais de temps à autres en ville ou aux abords du boulevard Charlemagne, en costume de parfait cadre, un pack de bière sous le bras et un petit bracelet rose fluo en froufrous autour du poignet – ou à l'inverse, en perruque et robe moulante, mangeant une crêpe place Carnot. Ou sous la porte Stanislas, un boa léopard autour du cou. Il faisait partie d'une faune nancéienne d'originaux et de vieillards étranges qui parcouraient inlassablement les rues, et que j'associais à la part obscure, surréaliste, magique, de Nancy, qui s'était révélée à moi dès les premiers jours – tout comme la misère, la marginalité à Nancy s'étaient révélées à moi en la personne de Nathalie. Quelqu'un m'avait raconté que dans sa jeunesse Jeannot avait travaillé au Moulin Rouge, fréquenté Régine et le tout-Paris. Qu'il avait tenu un restaurant, rue Gustave Simon, dans les années 1970, où il présentait un numéro tous les soirs, chantant, dansant et se travestissant à la grande joie ou à la consternation de sa clientèle. Des années après son assassinat, j'avais pu trouver des photos qui le montraient affublé d'une perruque poudrée et de déguisements du XVIIIè siècle. Il était souriant, encore jeune, bel homme. Le 1er août 2003, des adolescents l'avaient poussé dans le Canal de la Marne au Rhin, et il s'y était noyé.

    ENGLISH

    I used to run into him now and then in town or near Boulevard Charlemagne, dressed like a perfect businessman, a pack of beer under his arm and a little neon pink frilly bracelet around his wrist – or, conversely, wearing a wig and a tight-fitting dress, eating a crêpe on Place Carnot. Or under the Porte Stanislas, with a leopard-print boa around his neck. He was part of a Nancéien fauna of eccentrics and strange old people who endlessly roamed the streets, and whom I associated with the dark, surreal, magical side of Nancy that had revealed itself to me from the very first days – just as misery and marginality in Nancy had revealed themselves to me in the person of Nathalie. Someone had once told me that, in his youth, Jeannot had worked at the Moulin Rouge, rubbed shoulders with Régine and the Parisian elite. That he'd run a restaurant on Rue Gustave Simon in the 1970s, where he performed a number every night – singing, dancing, and cross-dressing to the delight or dismay of his clientele. Years after his murder, I managed to find photos of him wearing a powdered wig and 18th-century costumes. He was smiling, still young, a handsome man. On August 1st, 2003, a group of teenagers pushed him into the Canal de la Marne au Rhin, and he drowned.

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