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Dans les villes grises

  • Noirceur (non-daté)

    J'entre dans des cours intérieures, des résidences muettes et qui semblent inhabitées. L'humidité et la moisissure mangent le crépi gris, contaminent tout de leur noirceur puante, qui vide le cœur de tout courage. Combien d'étudiants, de jeunes hommes et de jeunes femmes, dans ces murs qui étaient vieux avant même d'avoir été achevés ? Je les imagine au début de leur vie adulte, avec quelque chose sur le visage qui trahit déjà la fatigue et la vieillesse, une  fatigue qui émane des murs et les irradie jusqu'au plus profond de leurs cellules. Eux aussi, vieux avant d'avoir été construits.

  • Attentat

    Je suis dans une galerie commerciale type centre Saint-Sébastien, en plus obscur, plus « renfermé », vieillot et qui dégage une impression de saleté, de vétusté. Je passe en revue plusieurs boutiques, je ne sais plus de quoi – peut-être d'informatique ou de téléphonie. J'entre dans un kebab, pas pour consommer, mais pour une autre raison ; attendre quelqu'un ou peut-être accéder à une autre partie du centre commercial, car il est labyrinthique et la notion d'intérieur et d'extérieur y est très floue. J'assiste à une scène dans une arrière-boutique, avec le ou les patrons, et peut-être une femme ; la préparation d'un attentat ? Des objets louches stockés là-dedans ? Je décide de m'éclipser, et ressors par une porte qui mène à la cage d'escalier (très 70's, en marbre et rambardes de bois) d'un immeuble d'habitation. Je descends au rez-de-chaussée où se trouvent de très larges portes vitrées, qui font toute la façade. Je suis enfermé à l'intérieur.

    *

    J'ai toujours aimé les galeries commerciales, qu'elles soient sur le modèle des grands magasins parisiens, où tous les articles sont présentés ensemble, au sein d'un seul immense espace – ou bien selon le modèle plus récent de la division en cellules, qui chacune contient une enseigne précise.

    J'aime le Karstadt à Sarrebrück.

    J'aime le centre Saint-Sébastien à Nancy.

    J'y ai d'innombrables souvenirs d'enfance ou de mes années d'étudiant. J'aime les lieux artificiels de manière générale, comme les zoos ou les parcs d'attraction : ce n'est pas le monde réel mais une version miniature, sécurisée et faite pour le plaisir. Les centres commerciaux me font le même effet, et ils ont un charme spécifique qui est qu'on y est à l'intérieur ; pas de ciel, pas de soleil ni de lune, pas d'oiseaux, pas de grand air, on est, comme dans le métro, dans un espace 100 % humain. Une sorte de rêve, d'espace d'autonomie totale, de séparation totale avec le monde réel. Un espace entièrement social et symbolique. J'aime aussi ces lieux non pas en dépit du fait qu'ils vieillissent mal mais à cause de lui ; la saleté, la moisissure, la pollution, prennent rapidement le pas sur les surfaces propres et neuves. J'ai toujours aimé la crasse de la ville. C'est pour ça que j'ai toujours aimé Nancy. Même si cette attirance n'est pas exempte d'angoisse. La pollution, la grisaille, la crasse, le béton, les labyrinthes de couloirs et d'escaliers sont répugnants et attirants comme la mort.

    Dans mes rêves plus récents, le décor change un peu ; ce n'est pas un Saint-Sébastien obscur mais des centres commerciaux qui ressemblent désormais à ceux de mon enfance, en terme de décoration, d'ameublement, de matériaux typiques des années 70. Au fur et à mesure que je vieillis, mes rêves creusent plus profond.

  • Avec Céline (1995)

    Je raccompagne Céline chez elle, rue de Mon-Désert. Les rues baignent dans une lumière orange étrange,  excessivement colorée, mais malgré le fait que ce soit une couleur chaude, le tout a un côté malaisant, bizarre dans le sens déplaisant du terme. Des voitures sont stationnées absolument partout, une véritable invasion automobile. Là aussi cela a quelque chose d'étrange et d'excessif, renforcé par le fait qu'on ne croise absolument personne, et qu'il n'y a aucun bruit. D'autres rues du quartier sont plongées dans une obscurité complète. 

  • Foules

    Je suis avec Sigrid, elle est en noir, belle, jeune, exactement comme quand nous nous fréquentions. Je sais qu'elle est en couple (ou peut-être est-ce moi) mais il y a quelque chose d'irrépressible entre nous. Ensuite nous marchons dans une rue commerçante, probablement celle de la ville où je vis. Je prends Sigrid par la main et elle se laisse faire. Nous entrons dans quelque chose, un endroit qui pourrait être un restaurant ou un hôtel, et qui a un étage où nous montons, et là aussi il y a une vaste salle pleine de monde, et pour une raison que j'ai oubliée c'est là que nous devons nous séparer.

    *

    Le monde est toujours plus vivant, plus chaud, plus peuplé, dans les rêves. Il n'y est pas encore silencieux, vide, immobile, mais encore jeune, ou jeune à nouveau ; comme Sigrid est dans ce rêve à nouveau la jeune fille de vingt ans que j'ai connue autrefois.

    Maintenant que j'y pense, cette scène dans le lieu public où nous entrons est une sorte de variation d'un épisode que nous avons réellement vécu, quand après cette rencontre chez elle à Metz, dans son appartement caché au fond d'une cour intérieure, nous étions sortis marcher ensemble au hasard et avions découvert ce restaurant au bord de l'eau, sur une plateforme de bois ; il faisait bon et grand soleil, et nous avions regardé quelques instants ces familles et ces touristes attablés. Nous n'étions pas du même monde qu'eux. Ou pour le dire autrement nous n'appartenions pas au monde du tout.

    *

    Moi qui aime le silence et la solitude, j'imagine de plus en plus souvent mon appartement rempli d'amis, qui y vivraient leur vie, papoteraient, écouteraient de la musique, regarderaient un film, taperaient quelque chose sur un ordi... chaque pièce, bondée, bruyante, vivante, sans que je n'aie besoin de m'occuper de qui que ce soit.

  • À l'aveuglette

    Je marche dans des rues entièrement noires où j'avance presque à l'aveuglette, me repérant grâce aux rares enseignes lumineuses, qui elles-mêmes n'offrent qu'une lueur faiblarde, insuffisante. Je suis probablement à Nancy. Je vais quelque part, je ne sais plus où. Mais je me rends compte à un moment donné que je me suis trompé ; au lieu d'être dans la rue où je voulais me rendre, je suis face à un bâtiment entouré d'un petit parc. Une école, un hôpital, une maison de retraite, quelque chose comme ça.

  • Bonne franquette

    Devant mon immeuble, rue Guerrier de Dumast. Un corbillard, ou des types qui transportent un cadavre sur une civière. C'est Thierry, l'ex de Diane, qui m'explique que le défunt est tombé d'un échafaudage alors qu'il travaillait au noir. Quelques badauds, des gens en pleurs. Je m'entends pleurer moi aussi.

    Ensuite je suis dans un bistrot, dans la même rue. Chaleureux, à la bonne franquette. Je suis assis à une table avec d'autres personnes – le bar est bondé – près de la porte, qui est entrouverte. Différents groupes de musique de la rue viennent jouer devant la porte ou dans l'entrée du bistrot, dont un groupe de mecs des îles qui jouent du zouk.

  • Malls et arcades

    Un correspondant allemand, récemment :

    Mon colocataire  est obsédé par les très vieux centres commerciaux que l'on appelle généralement « arcades » ici ; ils dégagent souvent un sentiment d'abandon, différent de n'importe quel autre type d'endroit. Walter Benjamin a tenté d'écrire un livre gigantesque à leur sujet, qu'il n'a jamais terminé. Le centre commercial moderne est une continuation de ces espaces, et ont été – si je ne me trompe pas – « inventés » dans leur forme moderne par un socialiste qui espérait créer de nouveaux espaces communautaires, des hyper-villes dans le sens positif du terme (je viens de le chercher, il s'appelait Victor Gruen) - la réalisation est allée à l'encontre de l'idéal, mais je crois que l'idéal résonne encore d'une certaine manière dans ces lieux. La fascination qu'ils exercent sur les gens (y compris sur moi) semble prépondérante, et même ceux qui les détestent vocalement me paraissent impressionnés par eux. Et les centres commerciaux qui disparaissent aujourd'hui sous la pression d'Internet ajoutent encore un autre angle - ce qui semblait être l'ultime corruption capitaliste de l'espace est aujourd'hui dévoré par la double transformation capitaliste de l'espace en non-espace : L'interaction devient virtuelle, les espaces où elle se produisait auparavant deviennent des Niemandsland.

    *

    Ma réponse :

    Il y a quelque chose qui me fascine et m'attire dans le fait de vivre entièrement « à l'intérieur », que ce soit dans un endroit délabré et sale comme Kowloon ou dans les luxueuses galeries marchandes des capitales européennes, ou dans les malls à l'américaine – peut-être parce que plus encore qu'une rue dans une ville, c'est un espace entièrement humain, au sens « entièrement artificiel », où la nature n'existe plus du tout, pas même sous la forme du ciel au dessus de nos têtes. Ce sont aussi des lieux clos, délimités, des microcosmes pour le dire autrement, et chaque microcosme est un lieu qui inspire immédiatement des récits possibles, un certain sentiment romanesque ; on se demande quelles histoires peuvent s'y dérouler, quelles relations entre les habitants / personnages, etc. Avec toute l'intensité que la notion de huis-clos apporte à une histoire. C'est ce qui est fascinant dans IGH. Le roman se déroule entièrement dans une tour résidentielle luxueuse et ultramoderne de la fin des années 70, avec des appartements, des magasins, des écoles, des espaces de loisirs, etc. Au début, l'immeuble semble être un microcosme d'une société idéale, mais au fil du temps, des tensions sociales et économiques commencent à apparaître entre les différents étages de l'immeuble, marqués par des classes sociales distinctes : les riches résident dans les étages supérieurs, tandis que les résidents les plus pauvres occupent les étages inférieurs. Au fur et à mesure que l'infrastructure de l'immeuble se détériore et que l'approvisionnement en nourriture et en services devient irrégulier, le chaos s'installe et les habitants, confrontés à l'isolement et à l'effondrement des normes sociales traditionnelles, sombrent dans la violence et la désintégration psychologique. À la fin du roman, ils ont plus ou moins dégénéré en un état préhistorique (perte du langage, cannibalisme, guerres tribales, lutte pour les « femelles », etc.), ce qui signifie que IGH n'est clairement pas un roman réaliste ou une étude sociologique déguisée en roman. Tout cela a bien sûr quelque chose de surréaliste (Ballard a été influencé par ce mouvement) et de métaphorique. Enfant, Ballard a été prisonnier dans un camp japonais, à Shangai, pendant la Seconde Guerre mondiale, et cette expérience (être un enfant seul au milieu d'adultes, dans un microcosme et dans des conditions totalement anormales) a influencé l'ensemble de son œuvre. Par ailleurs, il a également écrit un roman sur un centre commercial : Que notre règne arrive. Je le recommande également.

    *

    J'ai trouvé une version PDF de The Arcades Project de Walter Benjamin pour ceux que cela intéresse.

    *

    Le hasard et / ou la nécessité ont fait que je suis tombé quelques jours après cet échange sur la bande dessinée Revoir Paris de Schuiten et Petters. J'ai été ému aux larmes. Cela m'a rappelé mes propres fantasmes d'adolescence et mes lectures de jeunesse, comme Tardi, qui mettait en scène le vieux Paris, que tout le monde connaît même sans y avoir vécu, et qui est évidemment le seul Paris, le vrai Paris, plus vrai que le Paris d'avant Haussman ou d'après Jacques Chirac. Mais au-delà de ça le choc de cette histoire repose d'une part sur le fait que presque jusqu'à la fin de l'histoire, à chaque fois que l'héroïne s'approche de Paris, elle perd connaissance pour une raison ou une autre et se réveille à nouveau loin du centre. J'ai bien cru qu'elle n'y parviendrait jamais et que « revoir Paris » resterait un fantasme inatteignable, à la You can't go home again.

    D'autre part il y a quelque chose de plus informulable, que j’appellerais la poésie du Temps, à défaut d'un autre terme : cette impression si forte que produit le fait de revoir, dans une fiction ou dans un rêve, un lieu réel, dont le nom, le souvenir, l'identité, sont connues, intimement et collectivement, et qui pourtant se présente sous un visage complètement différent, du fait du passage du temps.

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    L'héroïne de la BD visite, entre autres choses, la galerie Vero-Dodat. Je l'ai visitée moi-même, ainsi que la galerie Colbert et d'autres, avec mes parents, quand ils nous ont emmenés, ma sœur et moi, à Paris, dans notre adolescence. J'avais été fasciné par la statue d'Eurydice au centre de la galerie Colbert, que j'avais prise en photo en me disant que cela ferait une jolie pochette pour une démo de post-punk (ma grande passion musicale alors) et par les vitrines des boutiques très chic, très bourgeoises, mais mystérieuses également, vieillottes, surannées, comme surgies du monde 1900 dont parle Walter Benjamin.

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    « La Galerie Véro-Dodat est un passage couvert historique à Paris, France. Elle est située dans le 1er arrondissement, reliant la rue de Jean-Jacques Rousseau et la rue de Croix-des-Petits-Champs. Il a été construit en 1826 1).

    La Galerie Véro-Dodat est construite par deux charcutiers entre la rue Bouloi et la rue de Jean-Jacques Rousseau, entre le Palais Royal et les Halles, en 1826. C'était pendant la dynastie de la restauration des Bourbons au début des années 1800, lorsque les passages couverts ou galeries à Paris étaient de plus en plus populaires. Ils offraient aux riches des endroits chauds et secs pour faire du shopping et dîner les jours de pluie et de boue. À une époque où les rues n'étaient pas encore pavées et où les égouts n'existaient pas, les billards, les bistrots et les bains publics des galeries servaient de terrain de jeu pour les adultes de la classe moyenne émergente. À l'apogée de leur popularité, au milieu du XIXe siècle, on comptait plus de 150 passages. Cependant, avec l'avènement du grand magasin vers 1850, les galeries commencent à décliner. Aujourd'hui, il ne reste que dix-huit passages 2).

    Le Véro-Dodat fut l'un des premiers passages de Paris à être éclairé au gaz en 1830, et l'un des derniers à tomber en décadence. Son déclin a commencé sous le Second Empire avec la disparition des Messageries Laffitte et Gaillard. Classé monument historique le 9 juin 1965, il a été restauré en 1997 pour retrouver sa splendeur néo-classique du XIXe siècle, avec ses élégantes boutiques d'antiquités, d'objets d'art, de livres d'art et d'accessoires de mode.  »

    https://www.altaplana.be/fr/dictionary/galerie-vero-dodat

  • Rue de Metz (2015)

    Un homme attend quelque chose, un large sac de courses à la main, dos à un commerce abandonné. De larges cartons vert sombre cachent l'intérieur du magasin, mais évoquent bizarrement quelque chose de vivant, de gai, comme les couleurs violentes des bidonvilles.

    Je longe une « cordonnerie clé minute ». Dans une faible lueur bleutée de crépuscule, la lumière chaude, accueillante, qui vient du magasin, donne envie d'y entrer – peut-être même d'y travailler. J'aime l'odeur du caoutchouc, du métal qui chauffe ; l'odeur des garages, de la graisse, des moteurs, du béton froid et humide et des chauffages d'appoint.

    Une section de rue où il n'y a aucune autre lumière que celle, insuffisante et jaunâtre, d'un lampadaire au premier étage d'un immeuble. On se croirait, fugitivement, dans une ville abandonnée, une ville de fin du monde, inhabitée, silencieuse et noire.

    J'entre dans un couloir qui donne sur les cuisines et la cave d'un restaurant. Le long des murs courent des câbles, des tuyaux métalliques. C'est l'envers du décor, la remise, la marge, dans le noir et sans bruit ni discours, qui m'a toujours attiré plus que la vie. Un escalier monte vers une poche d'obscurité totale. Peut-être vers des logements. Je les imagine silencieux et noirs, inhabités – ou alors par une population marginale, qui ne sortirait jamais et vivrait là comme dans un monde parallèle.

  • IUT (1993)

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    J'aimais les vieux couloirs de l'IUT ; et plus encore ses cages d'escalier qui, à partir d'une certaine hauteur, étaient constamment désertes et silencieuses. Elles étaient comme des zones de tranquillité ou d'anonymat où je passais de temps à autre, quitte à faire un détour, pour le plaisir d'entrer quelques secondes dans cet espace étrange à l'écart de la fourmilière. Il m'arrivait d'en rêver. Ou de fantasmer à leur sujet. Je ne saurais pas dire quoi exactement ; peut-être de gravir - ou descendre - les marches éternellement, ou alors de découvrir des étages inconnus, nouveaux, fascinants.

    Ai-je montré ces couloirs, ces cages d'escalier, à Laura, lorsqu'elle était venue me rendre visite à Nancy ? L'ai-je rêvé ? L'ai-je simplement imaginé puis intégré fallacieusement au récit de ma vie ?

    « Elle vous avait suivi docilement dans les couloirs infinis de l'Université, toujours plus sombres, plus silencieux, au fur et à mesure que vous y avanciez ; parfois vous croisiez de petits groupes d'étudiants, silencieux, semblant attendre quelque chose, ou assis à des pupitres, à même le couloir. Vous vous étiez ensuite perdus dans d'interminables cages d'escaliers, où de nombreux d'étages s'avéraient inaccessibles, à travers leurs portes vitrées verrouillées, que d'autres couloirs, d'autres escaliers. »

    Je rêve encore régulièrement, je rêve régulièrement depuis vingt ans des couloirs de la fac de Lettres et de l'IUT, et de ceux de mon lycée, de ceux du collège... Des couloirs où je me perds, où je cherche une salle que je ne trouve pas, des couloirs que je hante en sachant que je n'ai plus rien à y faire, ou bien, au contraire, où je reviens pour acquérir quelque chose que j'ai raté à l'époque et qui me manque. Parfois bondés, bruyants, pleins de vie. Parfois silencieux et obscurs. Ils sont le lieu, quoi qu'il en soit, où se rencontrent le destin individuel dans ses moments les plus décisifs - la formation, les choix faits pour l'avenir - et la découverte de la vie collective, l'appartenance heureuse ou pénible au troupeau.

  • Mall miraculeux

    Je traverse un quartier de HLM et pénètre dans l’un d’eux pour le traverser. Les couloirs sont étroits, un peu bizarres architecturalement, sans que ça n’ait rien de sordide ou de dérangeant. Mais à un moment donné je rebrousse chemin pour me retrouver dans un immense hall, comme dans un centre commercial, similaire au Centre Saint-Sébastien, mais plus vaste encore, avec des commerces et des restaurants – notamment un, avec une terrasse, dont le décor et le mobilier, très boisé et chaleureux, me plaisent, et dont je m'approche pour prendre des photos. Un peu plus loin, près de l’entrée (ou de la sortie, c’est selon) je vois des guichets avec des gens qui se pressent pour payer leurs achats ou pour se faire servir. J’envisage de sortir et vois dans la rue, au loin, une église que j’aimerais visiter ; je l'identifie comme faisant partie de l'une de ces immenses zones de Nancy que je n'ai jamais pris la peine d'explorer mais que je compte désormais découvrir. Je reste néanmoins dans l’immeuble et y déambule, le visite, de plus en plus émerveillé par tout ce qu’il propose en terme de commerces et de services – incluant des logements. Tout le mobilier et la décoration relèvent de l’esthétique des années 70. On dirait que rien n’a changé ici depuis des décennies, et ce côté vieillot me bouleverse, me fait me sentir miraculeusement chez moi. Je rêve d’y emménager et de ne plus en sortir.

  • Effluves (2007)

    Les rues oubliées de Nancy, la nuit, avec leurs immeubles obscurs, l'hôpital central et ses grilles menaçantes, les jardins ouvriers, les ruelles, forment une ville secrète que ne cachent qu'aux touristes la Place Stanislas et les quelques hauts lieux du centre. Revenir à Nancy par ces rues désertes, de nuit, m'a toujours mis mal à l'aise, comme quelque chose qui sent vaguement la mort. Qui sent presque au sens propre – car j'ai toujours assimilé Nancy à l'odeur de la terre, d'une cave ou d'égouts, une odeur légère, presque imperceptible, et d'une profonde tristesse.

    Un lundi blafard au parc. Les allées sont désertes, à l'exception d'un paon, qui incompréhensiblement se promène en liberté. Quelques maigres effluves, mélange de végétation, de bière, de tabac, de déjections animales et de parfum, me frappent et évoquent en moi des images indescriptibles, à la limite de la conscience, incroyablement puissantes ; et j'ai alors l'impression d'être un prisonnier évadé, certain d'être rapidement repris, et cette pensée m'effraye.

    Il arrive que je marche dans les rues d'une ville quelconque, et soudain me monte au nez un effluve de tabac, l'odeur fantôme de la bière, les émanations d'une cuisine ; et me reviennent immédiatement la cité universitaire, la nuit vite tombée en automne, et les filles presque inconnues dont je partageais les repas dans la cuisine commune. Cette vie où chacun se sentait, et était, de fait, un étranger, où chacun n'était que de passage et où par conséquent il était possible d'aborder n'importe qui et de lui proposer de partager un repas ou une soirée paisible, sans que cela n'étonne personne. En une fraction de seconde, avant le moindre mot n'ait le temps de naître dans ma conscience, tout cela m'envahit à m'en briser le cœur, et je dois, sans rien montrer à celui ou celle qui m'accompagne et qui ne le comprendrait pas, tout oublier encore une fois.

  • Carnaval

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    (Photos publiées sur le groupe Facebook « Nancy Retro »)

    Quel bonheur, ces façades noircies par la fumée et les bagnoles, ces crépis sales, ce ciel pâle et vide...

    *

    J'ai toujours aimé le carnaval ; pas pour la licence sexuelle ou alcoolique qu'il permet, mais pour les masques eux-mêmes, les déguisements, et je n'ai jamais vraiment compris pourquoi. Peut-être est-ce parce que je ne sais pas déchiffrer les émotions des autres sur leur visage, parce que je ne sais jamais qui exactement ils sont ; et parce que moi-même j'avance masqué, et ai plusieurs vies.

    Et que le carnaval explicite tout ça, qu'il rend impossible le mensonge de l'identité et de la connaissance.

    *

    Un rêve d'il y a un peu moins d'une dizaine d'années :

    Je suis dans une cage d'escalier d'immeuble, obscure sans être spécialement glauque (quelque chose comme l'immeuble où vivait Lætitia à Nancy, en plus vaste). Il y a plusieurs personnes présentes qui descendent les escaliers. Une femme me demande de l'aider car elle a du mal à marcher, à moins qu'elle n'y voie plus rien. Sortis de l'immeuble, nous marchons un peu dans les rues. Je lève les yeux et ai un léger moment d'étonnement en voyant passer dans le ciel un immense bonhomme monté sur des échasses ou des jambes artificielles ; un personnage de carnaval nordique, masqué ou doté d'un visage exagéré, caricatural, en bois et en tissu.

    *

    Le premier rêve que j'ai noté au réveil, dans ma vie – j'étais adolescent – était un rêve carnavalesque :

    Une ville médiévale, toute en ruelles, en passages tortueux. Un magasin de cartes postales. Un saltimbanque, mort, dans une ruelle ; il a été égorgé.

    J'écoutais beaucoup Dead Can Dance à cette époque, et les avais découverts à l'occasion de la sortie de Into the Labyrinth, qui comporte notamment ce morceau :

    In the park we would play when the circus came to town.
    Look! Over here.
    Outside
    The circus gathering
    Moved silently along the rainswept boulevard.
    The procession moves on the shouting is over
    The fabulous freaks are leaving town.
    They are driven by a strange desire
    Unseen by the human eye.
    The carnival is over

    *

    Autant j'ai toujours détesté me déguiser, même enfant, autant le Carnaval a toujours exercé une fascination sur moi ; non pas le Carnaval prosaïque, vulgaire, populaire dans le mauvais sens du terme, qui avait et a toujours cours dans ma ville natale, avec ses beuveries et ses saucisses grillées sur fond de mauvaise variété et les mêmes plaisanteries lourdes sur Sarkozy, Hollande, Macron et le prochain, mais le Carnaval mythique, celui de la littérature, des films, des tableaux et même du jeu vidéo.

    Mon adolescence a été marquée par le jeu de rôle et rapidement les jeux et les scénarios disponibles dans le commerce ou dans Casus Belli ne m'ont plus suffi ; il me fallait inventer mes propres mondes, mes propres histoires, mes propres règles.

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    Et dans mes mondes intérieurs, le Carnaval, les masques, les parades et les défilés, l'aspect cérémoniel et farceur à la fois de tout cela, a toujours tenu une place importante.

  • Saltimbanque

    Une ville médiévale, toute en ruelles, en passages tortueux. Un magasin de cartes postales. Un saltimbanque, mort, dans une ruelle ; il a été égorgé.

    *

    Première occurrence de la « ville médiévale » (et touristique) qui sera le théâtre de nombreux rêves dans les vingt années suivantes. À l'époque, je n'avais encore visité aucune ville de ce type, à part Strasbourg. Je n'ai visité Sarlat que trois ou quatre ans plus tard. Je suppose que la bande dessinée, les films, les jeux vidéos, m'avaient déjà donné suffisamment de matière.

    Ce rêve était aussi lié à Dead Can Dance ; je les écoutais quotidiennement à l'époque, et l'album Within the Realm of a Dying Sun m'avait donné plusieurs cauchemars. La première chanson avait un effet malsain et voluptueux à la fois sur moi.

    Le magasin de cartes postales me fait penser à SRAM 2. Il y en a un aux abords du château, entre les douves et l'ascenseur qui mène au promontoire d'où l'on peut regarder la campagne, dans toutes les directions.

    Les ruelles tortueuses me font penser à Sarlat. Je n'y avais pas encore été, à l'époque où j'ai fait ce rêve, ni dans aucune ville ressemblante, il me semble, mais il existe de toutes façons (ne serait-ce que par les romans, les BD, les films) un archétype de la vieille ville médiévale rempli de venelles serpentines, qui existe dans la tête de chacun.

    Pourquoi le saltimbanque, je n'en sais rien. Il est vrai que cela fait partie du champ lexical du moyen-âge et de tout ce vieux monde européen.

  • France réelle

    La laideur, la vétusté, la grisaille, la rouille, les jardinets à l'agonie, les voitures et la fumée, les bistrots miteux, autant de choses qui constituent le réel, la France qui n'existe quasiment plus que dans les archives de l'INA et qui me hante, entièrement remplacée par un décor touristique qui la parodie et en fait un parc d'attractions, même pour ses habitants. Si la laideur et la tristesse sont le prix à payer pour le réel alors il faut les aimer.

  • Match

    J'entre dans un supermarché (quelque chose de petite taille il me semble, comme le Match autrefois) et vois Catherine, de dos, qui fait ses courses avec un caddie. Elle est toujours aussi belle, avec ses longs cheveux noirs, ébouriffés, sa silhouette attirante. Elle porte une robe sombre, assez moulante, courte. J'ai une bouffée de désir pour elle mais je sais que rien n'arrivera plus jamais entre nous et reste à distance. Le supermarché est vieillot, avec du carrelage blanc, un éclairage au néon, un peu faiblard, tout ça évoque les années 70-80.

  • Ville intérieure

    Je flirte dans une cage d'escalier avec N. et nous descendons dans un bar / boîte de nuit au sous-sol de l'immeuble dans lequel nous nous trouvons. Il fait agréablement sombre, avec des éclairages artificiels, une ambiance élégante, urbaine. Je réalise ensuite que cet immeuble contient d'autres lieux publics, des commerces, etc. Il est une véritable ville intérieure.

  • Souvenirs de la Ville Grise

    Je publie ici, in extenso, l'article paru sur Pays Fantôme.

    « La Ville Grise m'est d'abord apparue en rêve ; des rêves très espacés sur une longue période de plusieurs années ; puis j'ai appris à la reconnaître ailleurs, dans les films, les jeux vidéos, et dans les rues des villes et villages que je visitais dans ma vie diurne. J'en ai tiré quelques conclusions.

    On ne peut pas cartographier la ville grise.

    On ne peut pas la localiser.

    Elle existe de manière discontinue dans un nombre inconnu de villes réelles, de rêves nocturnes ou de fictions.

    Il suffit que la lumière change au détour d'une rue, d'une nuance de couleur sur un immeuble, et je sais que je viens d'entrer dans la ville grise. Que je sois à l'état de veille ou en train de rêver. Et je réalise que je l'avais une fois de plus oubliée, et que cette redécouverte, cette anamnèse, n'en est qu'une de plus ; qu'il y en a eu un nombre d'autres dont je ne suis pas capable de me souvenir.

    Cette prise de conscience de l'oubli et de la remémoration fait partie intégrante de la manière dont on expérimente la ville grise. »

    *

    Pays Fantôme a reçu il y a quelques mois un e-mail d'une personne anonyme prétendant avoir été membre d'un certain Groupement Psychogéographique de l'Est souhaitant nous communiquer une cassette audio contenant environ 17 minutes de musique et divers documents comme les photos d'écran d'un jeu sur Amstrad CPC 6128 ou encore toutes sortes de textes illustrés ou non : récits de rêves, fictions, essais, matériel pour jeux de rôles, etc.

    Après réception et examen des pièces qui nous avaient été transmises, il s'est avéré évident que nous devions rééditer tout cela, au moins en partie. Naturellement, rien ne prouve que nous ne soyons pas en face d'un canular ; mais peu importe, au fond, que le Groupement Psychogéographique de l'Est ait réellement existé ou que ce correspondant anonyme se soit fatigué à inventer les pièces à conviction d'une affaire qui n'a jamais eu lieu. Il n'est, en tous cas, en rien impossible qu'il ait existé. Mais si ce n'est pas le cas, l'ardeur mise à y faire croire suffit à en faire bien plus qu'un faux : une œuvre de fiction à part entière.

    Nous avons envoyé un certain nombre de questions à cet (ou cette) anonyme, et nous vous proposons ici une synthèse de ses réponses. Elles font partie intégrante de l’œuvre, à notre sens.

    Les documents qui accompagnent le release sont fournis avec lorsqu'on le télécharge sur Bandcamp, ou consultables en ligne sur Archive.org.

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    Tous les paragraphes ci-dessous sont des extraits de nos échanges par mail avec le représentant du GPE.

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    « L'appellation Groupement Psychogéographique de l'Est est presque une plaisanterie. Nous étions quelques amis originaires d'un peu partout entre la Champagne et l'Alsace, en passant par la Meurthe-et-Moselle et la Meuse, et fréquentions le même campus (Lettres Sciences Humaines). L'un de nous était tombé, je ne sais comment, sur des textes de Debord et sur divers articles concernant la psychogéographie à la bibliothèque universitaire – il n'y avait évidemment pas d'Internet et encore moins de Google à l'époque, en France, et découvrir ce genre de passe-temps marginaux était un peu plus hasardeux.

    Nous nous sommes appropriés le terme, en le mettant à notre sauce et en le débarrassant de tout l'aspect politisé qu'il a originellement, mais dont nous n'avions qu'assez peu conscience de toutes façons. Analyser, contester ou réformer la société en étudiant les environnements dans lesquels nous nous vivions ne nous intéressait clairement pas.

    Nous étions déjà de grands marcheurs et de grands amateurs d'exploration urbaine (pas du tout au sens où on l'entend aujourd'hui avec l'urbex ; nous ne pénétrions pas dans des usines abandonnées ou ce genre de choses) et d'exploration rurale. Pour dire les choses de façons moins snob, nous aimions nous balader, errer, nous laisser surprendre par le paysage, qu'il soit celui de la ville ou non.

    La découverte de la psychogéographie théorisée par Guy Debord nous a simplement donné encore plus d'idées, des idées pour étendre nos expériences. Dans une démarche intime, ludique et esthétique. »

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    « Le nom Groupement Psychogéographique de l'Est est donc devenu celui sous lequel nous avons publié, dans un premier temps (sous forme de petits fascicules tapés à la machine, manuscrits, ou imprimés à la fac quand on en avait la possibilité) des récits de balades, parfois agrémentés de photos, et des textes plus généraux sur la question des lieux dans nos vies, de leur poids dans l'imaginaire, la vie psychique individuelle et collective, etc.

    Cela paraît très théorique et pompeux et théorique dit comme ça mais encore une fois c'était une démarche viscérale et intimiste, pour nous tous.

    Il n'y avait pas de règles et pas de méthodes établies. Chaque membre du groupe – il y en a eu en tout à peu près une dizaine ou une douzaine, sur les quelques années que cela a duré – était parfaitement libre de définir son propre domaine de recherche ou ses propres méthodes.

    [...]

    Certains prenaient essentiellement des photos au cours de leurs explorations. Et ne produisaient pas de commentaire écrit ou alors quelque chose de très court. Les photos parlaient d'elles-mêmes. Elles étaient conçues pour retranscrire non seulement l'atmosphère d'un lieu, sa spécificité, et l'effet qu'il avait eu sur l'artiste, mais pour dévoiler ce que ce lieu avait de secret, d'invisible, peut-être, pour ceux qui l'abordaient dans leur vie quotidienne avec un regard purement utilitariste.

    D'autres membres partaient avec un dictaphone sur lequel ils enregistrement toutes leurs pensées, leurs émotions, tous les micro-événements de leur balade. Ils rédigeaient, ensuite, soit une synthèse, soit une transcription complète, littérale, de leur enregistrement.

    Certains planifiaient exactement leur exploration, au moyen d'une carte. D'autres (comme moi) partaient en voiture au hasard, parfois même sans savoir dans quelle ville ils allaient s'arrêter. Ils attendaient de voir quelque chose, ou de ressentir un signal intérieur leur disant qu'il fallait s'arrêter ici ou là.

    Entre l'exploration exhaustive d'un lieu et la dérive hasardeuse, se contentant d'un seul trajet à travers une ville, en en ratant la plus grande partie, tout était possible. Même les explorations se limitant aux rêves nocturnes... Et même les explorations fictives, procédant, ceci dit, non pas de la seule imagination de l'écrivain, mais de la méditation et du rêve éveillé. Ou en explorant une ville à travers des photos de ses rues.

    J'imagine ce que nous aurions pu faire à l'époque si Google Street View avait existé. »

    *

    « À titre personnel, comme je l'ai dit, je faisais énormément de balades seul en voiture. Je venais de perdre ma mère, à vingt ans, et j'avais hérité de sa Ford. Pendant longtemps j'ai eu un très fort besoin de solitude. J'ai passé au moins un an de ma vie à prendre, aussi souvent que possible, une journée complète ou une nuit, sans prévenir personne, pour errer en voiture dans la région, en roulant au hasard sur des dizaines ou parfois des centaines de kilomètres. Je prenais des photos dans les villes et les villages où je m'arrêtais, ou parfois simplement à travers le pare-brise. »

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    « Le nom Souvenirs de la Ville Grise vient aussi du fait que je prenais beaucoup de photos en noir et blanc à l'époque. Je les développais et les tirais moi-même, chez un ami qui avait le matériel nécessaire. Un certain nombre de tirages ont été considérés comme faisant partie, a posteriori, de l'inventaire officiel du Groupement. J'en ai vendu quelques-uns, surtout à des connaissances et des amis, pour être honnête. Deux ou trois ont été reproduits dans des fanzines locaux à l'époque. »

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    « Il y a quelque chose d'indéfinissable mais de très intense pour moi dans le fait, pour moi, d'être seul au volant, dans une ville inconnue, à la tombée de la nuit ou au petit matin ; une ville où je n'ai rien à faire, personne à voir, où personne ne sait que je me trouve. Avec le pare-brise comme écran, c'est-à-dire à la fois comme protection, et comme médium (comme un écran de cinéma) qui me permet d'avoir du monde une expérience non pas directe mais esthétique avant tout. C'est un type d'états mentaux que j'ai découvert par hasard et que j'ai recherché volontairement, par la suite. Les autres ont eu le même genre d'évolution ; d'abord l'expérience pure, puis on théorise, on systématique. »

    *

    « Je n'ai plus les originaux de nos brochures mais cela n'a pas beaucoup d'importance, à l'époque nous avions utilisé un Atari pour archiver tous nos textes avec le logiciel Writer, et comme cela enregistrait des fichiers au format .doc j'ai encore tous nos écrits. Peut-être que ce sera réédité un jour d'une manière ou d'une autre, je n'ai pas de projet très précis à ce sujet pour l'instant. Pas sur papier, je pense, il n'y a pas de public pour ça, mais aujourd'hui n'importe quel blog ou compte Archive.org permet de s'adresser au monde entier. »

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    « Nous vivions essentiellement dans des villes moyennes ou des petites villes. Nos explorations concernaient essentiellement ce type d'environnements, villages inclus. Avec les très grandes villes comme Paris ou Lyon nous n'avons quasiment eu que des rapports imaginaires, à travers les livres, le cinéma, etc.

    La dérive parisienne m'intéresse moyennement. J'ai eu l'occasion de la pratiquer, de manière involontaire, d'ailleurs, puisque j'ai vécu quelques semaines à Paris et que pendant mon temps libre (je travaillais dans un petit supermarché place Léon Blum et avais mes après-midi libres) j'errais dans les quartiers autour du mien, découvrant par exemple le Jardin Naturel et quelques rues sans grand intérêt mais qui m'attiraient pour cette raison précise, aux abords du Père Lachaise. Une expérience intéressante, mais Paris malgré tout était trop grand, trop peuplé, trop hostile pour un provincial comme moi.

    [...]

    J'ai adoré, jeune étudiant, le film Mort à Venise, par exemple, et cette ville (qui apparaît aussi dans un jeu vidéo que j'aimais ado, qui s'appelle Masque) m'a obsédé pendant un certain temps. J'en rêvais la nuit, je rêvais que je l'explorais et m'y perdais avec bonheur. »

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    « Même si je sais qu'elle est superbe et que je rate sans doute quelque chose, je n'ai pas envie de voir la vraie Venise. De même que je me contenterai du Lyon que l'on peut voir dans L'horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier . »

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    « Notre région a un fort passé industriel, minier, sidérurgique, etc. Beaucoup de nos villes sont très marquées architecturalement par l'essort du XIXè siècle mais aussi par le déclin depuis quelques décennies. La Ville Grise est aussi la ville grise de pollution, grise de crasse, que nous ont laissé les capitaines d'industrie après nous avoir abandonnés. Mais encore une fois, même si ça faisait partie de notre imaginaire, cela ne nous intéressait pas de dénoncer cet état de fait. En revanche nous avions conscience que vivre dans ce genre d'environnement produisait un état d'esprit, voire des états de conscience particuliers. »

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    « Nous étions de grands amateurs de jeux vidéo et de jeux de rôles. Quand je parle de jeux vidéo il faut bien se rappeler qu'on était à la fin des années 80 / début et milieu des années 90. La plupart d'entre nous avaient une culture micro-ordinateurs et non pas PC ou console. J'ai beaucoup joué, adolescent, à leur sortie, aux jeux d'aventure de Lankhor, par exemple : Le Manoir de Mortevielle, La Secte Noire... à certains jeux américains, aussi, qui n'ont jamais été traduits, comme Zork. J'ai déjà cité Masque, aussi. »

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    « Nous nous sommes investis, pour plusieurs d'entre nous, dans un club informatique, à l'échelle municipale. C'était encore la grande époque de l'Atari et de l'Amiga. »

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    « Notre pratique des jeux vidéo influençait aussi notre façon d'appréhender le monde et les lieux réels que nous explorions. Explorer le réel était devenu une sorte de jeu en lui-même, une extension de ce que nous vivions dans les jeux vidéo – et vice versa. »

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    « L'un de nous avait écrit un petit programme en Basic pour Amstrad CPC. Au début des années 90 c'était une machine en voie de ringardisation mais qui était encore très répandue et avait ses fanatiques (qui existent toujours, d'ailleurs). C'était une sorte de balade interactive, textuelle, mais avec quelques illustrations, dans une ville imaginaire inspirée de plusieurs de nos explorations. Ça fonctionnait avec des choix multiples, comme un livre dont vous êtes le héros. »

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    « C'était un jeu relativement sans queue ni tête, avec un scénario de bric et de broc, qui essayait d'exploiter au maximum nos notes prises lors d'errances, ou issues de nos réflexions, etc. C'était cousu de fil blanc et au final le jeu a un côté onirique, un peu surréaliste et bizarre, parfois un peu sinistre aussi il faut bien le dire. Il n'y avait pas vraiment de puzzles, ni d'objets à manipuler, ni de PNJ avec qui avoir des rapports, parce que le programmeur était incapable de réaliser ce genre de choses ; au final on ne fait à peu près qu'errer de lieu en lieu et voir ce qui se passe. Un peu comme nous-mêmes dans nos vies réelles à l'époque...

    Ce jeu n'avait lui non plus pas de titre. Il a été partagé aux quelques membres que ça intéressait, et c'est tout. Je l'ai sur disquette mais il y a quelques années j'ai pris le temps de recopier tout le code. »

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    « Certains d'entre nous faisaient un peu de musique, ou en tous cas, disposaient de claviers et de synthés, et se sont mis à travailler ensemble. Cela a abouti à une cassette, qui  n'avait d'ailleurs pas de titre. Ce n'était pas vraiment une démo à proprement parler, même si on lui a donné ce qualificatif ; c'était juste une collection de morceaux enregistrés l'un après l'autre au fil des semaines, des mois, que nous n'envisagions absolument pas de retravailler pour les proposer un jour à une maison de disque.

    La version que je vous envoie n'est qu'un petit montage incomplet et endommagé (quelques secondes de musique manquent ici et là) de morceaux que nous avons enregistrés à l'époque.

    L'influence principale, je dirais, était Désaccord Majeur – et dans une moindre mesure État des Stocks. Désaccord Majeur est un projet français qui existe depuis la fin des années 80 et qui est une sorte de réponse française à Zoviet France ou Rapoon ; en gros, de la musique post-industrielle avec une forte inclination ethnique. Personnellement j'étais absolument fan de la cassette Le Point immobile vibrant.

    C'était aussi un label. Il a par exemple sorti la première démo de Moments Présents, que nous aimions beaucoup mais qui était beaucoup plus sombre. Nous voulions rester dans une certaine légèreté.

    Quant à État des Stocks c'est un projet belge, électronique et expérimental, plus abstrait. Mais ces deux  projets avaient un côté à la fois très réaliste, par l'utilisation de samples du journal télévisé ou de documents audio historiques, et très surréaliste, intemporel, inclassable, de par leurs mélanges, leurs collages de sons de provenances très différentes.

    L'effet mental que produit le passage d'une ambiance à l'autre, dans une ville, notamment, est l'un des piliers de la psychogéographie. On peut donc presque parler de psychogéographie sonore, les concernant. »

    *

    « Pour ce qui est des instruments, nous utilisions exclusivement des synthés analogiques et des claviers comme le PSS 390 qui utilise la synthèse FM. Les morceaux étaient enregistrés directement sur cassette. Nous n'avions même pas de 4-pistes ; c'était la chaîne HiFi familiale, avec son entrée ligne, qui nous servait de magnétophone. Les samples étaient joués en même temps, depuis un autre lecteur de cassettes audio où nous les avions préalablement enregistrés.

    Les morceaux sont assez répétitifs, à dessein. La plupart sont totalement improvisés. Nous jouions à plusieurs, chacun avec son synthé, et quand l'un de nous trouvait un motif puis le répétait, un autre se calait dessus et jouait lui aussi la même phrase musicale encore et encore, et ainsi de suite. Ça évitait de faire trop de fausses notes ou de se lancer dans des solos croisés qui n'auraient rien donné. Nous n'étions pas de grands musiciens et en avions parfaitement conscience.

    Mais nous aimions, de toutes façons, la musique minimaliste et répétitive, pour ses qualités hypnotiques, favorisant la méditation, la rêverie. J'ai pas mal écouté la cassette, sur mon lit, seul, dans la pénombre, ou essayant de me plonger dans un état entre la veille et le sommeil, et de visualiser des choses ; des lieux, des personnes, des scènes. Nos morceaux avaient ce côté un peu utilitariste, comme peut l'être la musique sur une cassette de relation new-age. »

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    « Nous avons samplé, entre autres choses, le JT et les reportages qui passaient à la télévision, alors. Le vieux Paris ouvrier, la France d'autrefois, les rues sales et grises, délabrées, les quasi-taudis qui constituaient encore, il y a seulement 40 ou 50 ans, la réalité du Paris populaire. Ce Paris-là, j'aurais pu l'aimer. Aujourd'hui on trouve ça très facilement sur le site de l'INA et c'est un vrai soulagement que de pouvoir s'y replonger. »

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    « Les vidéos d'archives, aujourd'hui, permettent de se replonger dans cette grisaille magnifique, dans ces vieux quartiers populaires de Paris ou de la province, dont la laideur et la misère, le délabrement, la vétusté, paraissent aujourd'hui comme miraculeux, précieux, désirables – je ne saurais pas exactement dire pourquoi. Peut-être simplement par nostalgie. Peut-être aussi parce qu'ils portent la patine du temps et du réel, quand nos villes de plus en plus sont des non-lieux, des mises en scène, des décors vides de parc d'attraction. En tous cas il y avait quelque chose dans ces vieux quartiers gris et tristes quelque chose qui nous obsédait.

    En matière de samples il y a quelques secondes de hurlements samplés du film Themroc, aussi. Et les hurlements d'une femme probablement à l'extrême limite de la maladie mentale, et qui gueulait sur je ne sais qui, que l'un de nous avait enregistrée discrètement avec un dictaphone, dans la rue. C'était quelque chose que nous faisions souvent. J'ai d'ailleurs gardé cette habitude, sans chercher à lui trouver une utilité.

    Sur l'avant-dernier morceau, je crois, il y a la voix d'un homme qui prie en hébreux ; un juif parisien, dans un reportage télévisé quelconque d'il y a quelques décennies. Il n'y avait aucune composante spirituelle, vraiment pas la moindre, dans les productions du Groupement Psychogéographique de l'Est, mais comme pur élément d'ambiance on aimait bien tout ce qui semblait même vaguement ésotérique et mystérieux. »

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    « La réception de la cassette a été à peu près nulle, ce qui est normal dans la mesure où ne l'avons quasiment que diffusée de manière privée. Aucune chronique et quasiment pas de distribution, si ce n'est chez deux ou trois disquaires qui acceptaient de vendre des démos, comme Ombre Sonore à Strasbourg,  ou la librairie La Parenthèse, à Nancy. WAVE nous a en revanche envoyés balader. Une radio locale a diffusé un morceau au cours d'une émission consacrée à la scène de l'Est. C'est à peu près tout. Je me souviens qu'on avait fixé un prix exceptionnellement bas pour la cassette, du fait de sa courte durée et du fait que c'était tout de même très amateur, très brouillon.

    En totalité, je dirais qu'une vingtaine ou une trentaine de copies a été mise en circulation ; la plupart a été offerte à des amis. On en avait copié cinquante, d'avance, en se disant que ça suffirait, et au final on a pas réussi à les écouler. »

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    « C'est la seule cassette enregistrée par le Groupement Psychogéographique de l'Est en tant que tel, mais je sais que deux membres au moins ont sorti d'autres démos dans un registre assez similaire, ou un peu plus influencé par le Moyen-Âge, les jeux de rôles, le symbolisme, ce genre de choses... »

    *

    « Le Groupement a duré quatre ou cinq ans. Le temps de nos études...

    Nous n'étions pas actifs, ou disons, productifs, tout le temps. Comme je le disais, c'était quasiment une plaisanterie, un jeu de rôle en soi : jouer au petit groupe avant-gardiste. Ça a toujours été un petit jeu spécifiquement français, me semble-t-il. Mais qui a l'air de s'être un peu perdu avec les années.

    Quant à moi j'ai perdu le contact avec l'essentiel des membres du Groupement, mais ai conservé une amitié solide avec quelques-uns d'entre eux. Nous n'avons, ceci dit, plus d'activité en commun, et encore moins qui soit liée à la psychogéographie, dont on ne peut pas dire qu'elle ait fait beaucoup d'émules en France, contrairement au Royaume-Uni par exemple.

    Personne, à ma connaissance, n'a percé ni cherché, d'ailleurs, à percer dans le monde de la musique ou de l'art. Beaucoup ont suivi un cursus les menant à l'enseignement ou à la fonction publique.

    Je continue à me balader, comme tout le monde, finalement, et je relate mes découverte dans un petit journal qui ne me sert qu'à ça, mais ma démarche ne va pas plus loin. »

    *

    « Je ne m'intéresse pas du tout au revival actuel, dans les pays anglo-saxons, pour la psychogéographie. Ou pour être exact j'ai cessé de m'intéresser après avoir fait quelques recherches dans ce domaine. C'est beaucoup trop politisé d'une part, et pour le peu que j'ai vu, d'autre part, ça en reste aux vieilles techniques comme la dérive, tout ce genre de clichés. Encore une fois, pratiquer l'exploration dans le but, avoué ou non, de porter un jugement sur la société, ne m'intéresse pas du tout. Que le monde soit beau ou laid, qu'il soit juste ou non, qu'il soit un paradis ou une prison, m'intéresse en tant que citoyen mais pas en tant que marcheur, pas en tant que rêveur.

    Quant à la mode de psychogéographie rurale comme avec le fanzine Weird Walks, je trouve tout ça beaucoup trop marqué par un néo-paganisme un peu grotesque et par la recherche d'un pays de Cocagne auquel se reconnecter alors que la réalité intéressante à explorer est plutôt celle de la mort de la campagne ; les villages déserts, la destruction des communautés anciennes et des modes de vie traditionnels, l'agriculture inhumaine, etc. »

    *

    « Le nouveau visuel proposé aujourd'hui avec la démo est un tableau montrant une scène de commedia dell'arte ;  il n'existait pas à l'époque, mais j'ai toujours voulu utiliser un jour ce genre d'imagerie. Ce tableau a l'avantage de montrer un ciel plutôt chargé ; on reste dans le thème de la grisaille. On m'a signalé une possible lecture grivoise de cette image ; je dois avouer que cela m'avait échappé de prime abord... »

    Groupement Psychog_ographique de l'Est - Souvenirs de la Ville Grise.jpg

    « Ce ciel me fait aussi penser au ciel du Nord évidemment ; à mes voyages de jeunesse à Bruges ou Ostende. Au Bal du Rat Mort. À des auteurs comme Ghelderode...

    J'aime les masques et le carnaval. J'ai un souvenir encore très vif d'un cauchemar, fait adolescent, où j'errais dans une vieille ville aux ruelles étroites et tortueuse, et tombais sur un genre de Pierrot, égorgé, assis à même les pavés, le dos contre un mur. Ce genre d'esthétique est pour moi indissociable de l'imaginaire de la ville en général.

    Il y a plusieurs villes qui ont marqué mon imaginaire, au fil des décennies, et il me semble qu'elles n'en forment qu'une seule, bien qu'elle prenne indéniablement des masques pour m'apparaître – à l'état de veille, ou dans mes rêves, la nuit. C'est pour cela que le disque s'appelle aujourd'hui Souvenirs de la Ville Grise, et non pas des Villes Grises. »

  • Retourner dans les villes grises (suite)

    Quel est mon projet dans le cadre ce blog ?

    • Donner une seconde vie – puisque la psychogéographie est très à la mode depuis quelques années et qu'il y a donc un lectorat potentiel – aux humbles notes que j'ai prises tout au long de ma vie au sujet des lieux qu'il m'a été donné de visiter, ponctuellement ou au quotidien, et au sujet des effets que ces lieux ont eu sur mes émotions et mon imaginaire. Le tout éventuellement agrémenté de photographies. Ces lieux sont essentiellement urbains. Je rejette entièrement cette mode néo-primitiviste de la psychogéographie à l'anglaise, obsédée par les pierres et la campagne et tout ce fatras néopaïen à la The Wicker Man recyclé encore et encore depuis les années 70.

    • Utiliser le stock assez important également de récits de rêves que j'ai accumulés en vingt ans, mettant en scène, plus ou moins fidèles, plus ou moins déformés, les lieux de ma vie, les lieux qui me hantent, m'angoissent, me manquent... et qui ont leur place ici.

    • Bien que j'ai réaffirmé dans le point numéro deux de l'article précédent l'aspect éminemment politique du GPE, ce blog (qui ne s'inscrit d'ailleurs pas dans le cadre du GPE, structure qui à ma connaissance n'existe plus) ne sera pas un espace où la psychogéographie prétend analyser les racines urbanistiques du mal, ni faire des préconisations, et encore moins dresser le portrait de la société et de la vie telles qu'elles devraient être.

  • Retourner dans les villes grises

    Quelques précisions et rectifications suite à l'article du site Pays Fantôme au sujet du GPE :

    • L’appellation Groupement Psychogéographique de l'Est n'avait RIEN d'une plaisanterie.

    • Le GPE était largement plus politisé que ne le prétend le "membre" interviewé – que je ne nommerai pas, car balancer n'a jamais été une vertu à mes yeux, mais dont je me permettrai simplement d'affirmer que son implication était très superficielle comparée à d'autres contributeurs qu'il ne daigne même pas évoquer, ni eux, ni leurs activités spécifiques.

    • Je n'ai rien à redire quant à la vision très personnelle du membre M. (appelons-le ainsi par commodité) quant à l'idée de "ville grise". J'aimerais simplement signaler qu'il n'est pas l'auteur de cette expression, qui circulait largement entre nous à l'époque, et qui ne servait qu'à désigner la désolation urbaine qui marquait très largement l'Est, paupérisé et en voie de désindustrialisation, de la France.

    • Je ne nie pas la "démarche viscérale et intimiste" du groupe ou d'une bonne partie de ses membres, me reconnaissant moi-même dans cette description. Néanmoins, encore une fois, pour une partie d'entre nous, la nécessité de comprendre pourquoi les paysages urbains où nous évoluions avaient sur nous un tel effet, en n'esquivant pas les questions politiques et ce que nos villes disent de la volonté de nos maîtres ; le membre M. semble aborder la ville comme un paysage naturel, ou issu du hasard, ou comme dans une pure hallucination dans laquelle se promener en analysant ses propres sentiments. C'est un peu court. 

    • Il est faux d'affirmer que les membres du GPE vivaient essentielles dans des petites et moyennes villes. Encore plus faux d'affirmer que les petites villes et les villages (?) constituaient l'essentiel des explorations.

    • Il est exact que dans ses dernières années, le GPE s'est ouvert à des pratiques comme le jeu vidéo ou le jeu de rôle et que quelques articles ont été rédigés sur, pour ainsi dire, la psychogéographie des mondes imaginaires. Je ne nie pas l'intérêt que cela peut présenter. Mais une phrase comme "explorer le réel était devenu une sorte de jeu en lui-même, une extension de ce que nous vivions dans les jeux vidéo – et vice versa" relève au mieux de la bouffonnerie.

    • Je n'ai jamais eu connaissance à l'époque de ce jeu programmé sur Amstrad CPC (dans les années 90 ?) et je n'exclue pas qu'il puisse s'agir d'un pur canular de la part du membre M.

    • Je n'ai pas d'objection ou de précision à apporter quant à ce qui est dit au sujet du groupe, dont je n'ai pas fait partie mais aux répétitions duquel j'ai assez fréquemment assisté. J'ai la quasi-certitude qu'il existe une deuxième démo, si ce n'est sortie officiellement, au moins enregistrée et distribuée aux membres du groupe ; malheureusement cela fait longtemps que ma collection de cassettes est passée par pertes et profits.

    • J'abonde dans le sens du membre M. lorsqu'il critique la mode actuelle de la psychogéographie anglaise, "marqué par un néo-paganisme un peu grotesque et par la recherche d'un pays de Cocagne auquel se reconnecter". Cet effondrement de la gauche dans les pires régressions infantiles magico-primitivistes est navrant au possible.

    • Je reconnais l'intérêt, au bout du compte, de cette intervention du membre M. mais je tenais à écrire ces quelques lignes pour qu'il soit dit au moins une fois que la description du GPE faite dans cet article est extrêmement subjective, partielle, et doit être lue comme telle. Le membre M. y fait essentiellement son propre portrait.

  • Quartiers perdus

    En voiture (même s'il me semble ne pas voir la voiture elle-même ; fondamentalement je ne suis qu'un regard caméra) seul et/ou avec F. et peut-être encore d'autres personnes, à travers des quartiers de Nancy que je connais mal mais que je me suis décidé à visiter. J'avance vite travers de longues rues en pente, des rues superbes d'immeubles bourgeois, de commerces, d'hôtels, d'administrations, de tout ce qui fait une ville ; c'est vivant, plein de monde, sans être oppressant. À cette vitesse je devine plus que je ne contemple les choses, mais c'est très agréable d'être au cœur du monde et de découvrir de nouvelles rues, de nouvelles choses.