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  • Mondes noirs / Black worlds

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    FRANÇAIS

    « À force de ne vouloir voir que les restes, ton territoire se rétrécit, et un jour tu te rends compte que tu ne te promènes plus que dans les allées horribles qui séparent les arrières des petits immeubles du port intérieur. Tu ne vas plus dans les ruelles, ou plutôt tu les parcours comme un simple début prometteur de chemin, jusqu'au moment où tu peux t'enfoncer entre les murs, dans des canyons répugnants, surchargés de climatiseurs rouillés, de tuyaux infâmes et de déchets. [...] Tu es à présent une forme animale qui marche sans but dans un paysage de couloirs sales. [...] Tu avances lentement entre deux parois rapprochées, verdies ici et là par des reliquats de peinture ou de moisissure, et à mi-hauteur comme enduites d'une crasse graisseuse. Les fenêtres sont inexistantes, ou alors il s'agit d'anciennes fenêtres, grillagées, condamnées, n'ouvrant sur aucun espace habitable, fermées de briques sales, ou ouvrant sur des taudis improbables que protègent une deuxième couche, une troisième couche de grillage. Des mondes noirs. »

    (Antoine Volodine, Macau)

    ENGLISH

    « By insisting on seeing only the remnants, your territory shrinks, and one day you realize you’re walking only through the dreadful alleys that run behind the small buildings of the inner harbor. You no longer go into the narrow streets – or rather, you move through them as if they were just the promising beginning of a path, until you can slip between walls, into repugnant canyons crammed with rusted air conditioners, vile pipes, and trash. [...] You are now an animal form, wandering aimlessly through a landscape of filthy corridors. [...] You move slowly between two narrow walls, green in places with remnants of paint or mold, and at mid-height, coated in a greasy grime. There are no windows – or if there are, they’re old ones: barred, sealed off, opening onto no livable space, bricked up with filthy stone, or leading into improbable hovels protected by a second, a third layer of mesh. Black worlds. »

    (Antoine Volodine, Macau - personal translation)

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  • Cocon triste / Sad cocoon (2002)

    FRANÇAIS

    J'aimais la résidence étudiante où vivait J. dans une petite rue endormie perpendiculaire à l'avenue Leclerc. Elle me rappelait – en plus silencieuse, en plus obscure et déserte, comme dans mes rêves – la cité universitaire où j'avais passé tant d'heures à errer de couloir en couloir et de chambre en chambre, auprès de quiconque serait là et voudrait bien de moi. Elle me faisait, pourtant, moins l'effet d'une résidence étudiante que d'un foyer de jeunes travailleurs ; il y avait dans l'air une ambiance, peut-être entièrement imaginaire, d'échec, d'errance dans la vie et de solitude. Un soir, j'avais croisé au rez-de-chaussée, ou dans une salle commune à un étage quelconque, quelques résidents silencieux, rassemblés dans la pénombre devant une télévision. J'avais envié cette atmosphère de cocon triste. Je ne savais pas encore que des années plus tard, je fréquenterais une fille vivotant dans une telle structure, loin de sa famille, incommensurablement seule, incomplète et avide d'une présence à accueillir chez elle et en elle. Je n'avais pas osé lui dire que j'aimais la savoir dans un tel environnement, que je la voulais justement triste et vulnérable, mendiant la moindre preuve d'amour que je pourrais lui donner, et qu'encore au-delà de tout cela, dans un recoin encore plus sombre de mes désirs, tout ce qu'il y avait de masochiste et de mort en moi, inexplicablement, l'enviait, elle aussi.

    ENGLISH

    I liked the student residence where J. lived, tucked away on a sleepy little street off Avenue Leclerc. It reminded me – quieter, darker, more deserted, like in my dreams – of the university housing where I had spent so many hours wandering from corridor to corridor, room to room, lingering near anyone who happened to be there and might accept me. Yet it felt less like a student residence than a shelter for young workers; there was, in the air – perhaps entirely imagined – a sense of failure, of drifting through life, and of solitude. One evening, I passed by a few silent residents, either on the ground floor or in a common room somewhere, huddled together in the dim light in front of a television. I envied that cocoon of quiet sadness. I didn’t yet know that, years later, I would be involved with a girl barely scraping by in a place like that, far from her family, immeasurably alone, incomplete, and craving a presence to welcome into her home and into herself. I hadn’t dared to tell her that I liked knowing she lived in such a place – that I wanted her precisely like that: sad and vulnerable, begging for the smallest sign of love I could offer her. And beyond all that, in a still darker corner of my desire, everything within me that was masochistic and death-bound envied her too, inexplicably.

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